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Récits

Les rayons de la liberté, Mon tour du monde à vélo, Jacques Sirat

Ecrit par Jean Durry , le Jeudi, 11 Janvier 2018. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Le Rouergue, Voyages

Les rayons de la liberté, Mon tour du monde à vélo, novembre 2017, 224 pages, 25,90 € . Ecrivain(s): Jacques Sirat Edition: Le Rouergue

Ce livre est de douze ans le frère cadet de Cyclo-nomade, Sept ans autour du monde, du même auteur paru en 2005 aux mêmes éditions du Rouergue, publication assez remarquable dans la famille des explorations vélocipédiques de la planète Terre, aussi bien par son large format carré (0,255 x 0,255) que par sa très belle et forte couverture glacée, ainsi que par la qualité visuelle et typographique de sa présentation en deux colonnes illustrées des multiples photos captées au fil de son périple par le pédaleur. Jacques Sirat, ancien postier, refusant un beau jour une vie routinière et tracée d’avance, avait largué les amarres le 31 juillet 1994 depuis Sainte-Mère, son petit village familial du Gers, prenant son élan pour une randonnée pédestre qui allait lui permettre de courir en seize mois et demi à travers 32 pays d’Europe. Après son retour, refusant de « renouer avec un quotidien sédentaire », il redéployait déjà des cartes ; et le lundi de Pâques 31 mars 1997, se lançait à nouveau, mais sur un destrier à deux roues, ignorant qu’il ne reviendrait qu’un septennat plus tard après avoir touché au long de 80.000 kilomètres plus de 50 contrées. Le voyage est devenu pour lui « un réel mode de vie qui m’engloutit peu à peu » ; il s’y trouve « en totale union avec ce qui m’entoure, en parfaite concordance avec cette itinérance ».

Bon vivant !, Abbott Joseph Liebling

Ecrit par Gilles Banderier , le Jeudi, 14 Décembre 2017. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Biographie, La Table Ronde

Bon vivant !, octobre 2017, trad. anglais (USA) Jean-Christophe Napias, 248 pages, 17,40 € . Ecrivain(s): Abbott Joseph Liebling Edition: La Table Ronde

 

Les photographies d’Abbott Joseph Liebling disponibles sur le réseau Internet montrent un homme à la silhouette agréablement sphérique, obtenue, travaillée – on le devine – à grands coups de fourchette (car une silhouette de gourmand se travaille, comme une silhouette de culturiste, seul le résultat est différent). Ce journaliste du New Yorker, mort en 1963 (à l’âge de cinquante-neuf ans) est inconnu en France, pays qu’il aimait d’un amour quasi-religieux, comme l’aiment en général les Américains gourmands et cultivés (pas les idiots qui en période de froid diplomatique versent à l’égout le vin français qu’ils ont au préalable acheté). Liebling y séjourna souvent, entre les années 20 et le début de la décennie 1960, désireux – on le comprend assez bien – d’échapper à tout ce que son grand pays possédait d’horripilant. En 1926-1927, il avait obtenu de son père les subsides nécessaires pour une année d’études à la Sorbonne. Liebling ne se distingua point par sa fréquentation assidue de l’alma mater et passa beaucoup de temps dans les restaurants (savait-il seulement faire la cuisine ?).

L’instant décisif, Pablo Martín Sánchez

Ecrit par Marc Ossorguine , le Vendredi, 10 Novembre 2017. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Espagne, La Contre Allée

L’instant décisif, septembre 2017 (Tuyo es el mañana, 2016, Acantilado), trad. espagnol Jean-Marie Saint-Lu, 288 pages, 20 € . Ecrivain(s): Pablo Martín Sánchez Edition: La Contre Allée

Un récit, ou six récits qui commencent à 0 heure et s’achèvent à minuit. Ou plutôt, peut-être, six récits qui commencent à 0 heure, et finalement un récit qui se termine à minuit. Donc sept récits au final. Vous suivez ? Dire cela c’est peut-être livrer une des clés de cet instant décisif qui jongle avec les voix dans un cadre temporel strict de 24 heures. Jeu de construction et de structure qui pourrait paraître un brin intello mais qui est surtout ludique et qui fonctionne parfaitement comme tel.

Reprenons : six récits et six personnages. Ou sept selon comment l’on compte. Disons six plus un. Nous entrons dans leur vie à 0 heure. Quand ? Le jour où il y aura une grève générale en Italie, qui est aussi celui où le président congolais Marien Ngouabi sera assassiné. Le jour aussi où le nouvel état espagnol annoncera une nouvelle amnistie. Un jour et une date que l’auteur ne précise pas plus mais que nous pouvons reconstituer comme étant le 18 mars 1977. Nous sommes à Barcelone en pleine « transition démocratique », dans ce moment où la mort de Franco n’a pas encore complètement signifié la fin de la dictature et le retour de la démocratie. C’est aussi ce jour-là que naît Pablo. Le même jour que l’auteur de cet instant décisif. Mais il n’est pas sûr, il semble même un peu improbable qu’il s’agisse vraiment de lui-même et que le récit soit autobiographique.

La France en automobile, Edith Wharton (2ème critique)

Ecrit par Jean Durry , le Mardi, 07 Novembre 2017. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Mercure de France, Voyages

La France en automobile, trad. anglais Jean Pavans, Préface Julian Barnes, 176 pages, 16,80 € . Ecrivain(s): Edith Wharton Edition: Mercure de France

 

« Publié aux Etats-Unis en [octobre] 1908 avec succès, La France automobile n’avait jamais été traduit en français jusqu’à aujourd’hui », souligne le « Prière d’insérer ». Grâce donc au traducteur Jean Pavans et au Mercure de nous en faire le cadeau, complété ou plus exactement précédé d’une substantielle préface de Julian Barnes. A quel point Edith Newbold Wharton fut un écrivain d’abondance aux innombrables publications, on en est en général assez ignorant, il faut l’avouer, et du fait qu’en 1921 son roman Le Temps de l’innocence reçut – rare pour une femme – le Pulitzer.

C’est en France que cette grande voyageuse se fixera en 1907, à 45 ans (née à New-York en 1862) ; et qu’elle vivra la seconde partie de sa vie : à Paris – dix ans rue de Varenne à compter de 1910 –, puis au sortir du conflit mondial – qu’elle chronique dans La France en guerre – à Saint-Brice-sous-Forêt (Val d’Oise) ainsi qu’à Hyères en son Castel Sainte Claire. Son divorce en 1913 est une autre marque de son indépendance d’esprit.

Minuit, Montmartre, Julien Delmaire

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Vendredi, 13 Octobre 2017. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Grasset, La rentrée littéraire

Minuit, Montmartre, août 2017, 224 pages, 18 € . Ecrivain(s): Julien Delmaire Edition: Grasset

 

L’homme est peintre. Le chevalet posté Place du Tertre à l’abri du vent. Sans doute. Il aime grimper la rue Lepic depuis la Place Blanche, traverser les étals généreux de ses maraîchers, ces commerces onéreux qui l’émoustillent. Ainsi enlacé jusqu’au Moulin de la Galette, il aime remonter le cours de l’histoire, Le Temps Libre y courtise l’épicerie du terroir, Les Petits Mitrons pétrissent, ça sent le beurre chaud et le biscuit au chocolat d’un bout à l’autre du jour. La bouche ouverte et pleine, il goûte, il salive, il chantonne. Peut-être. Ici les moulins sont rouges, ils ont des ailes, ils ne broient pas que du noir ou des pigments. Ici les objets parlent et les filles sont belles, on s’y soigne toujours d’une façon ou d’une autre, on y parle aussi des choses de la vie.

La brume, le sel et la mer. Le poissonnier au coin. Le fleuriste sur le trottoir disperse ses pots, le vendeur de journaux étend ses augures. Les bruits du percolateur d’à côté, les tasses et les cuillères qui s’entrechoquent, elles grincent comme des cordages à quai et tout ça forme un joli remous sur des zincs non moins fameux. Il s’arrête au café des Deux Moulins, il s’arrête au Lux, il s’arrête là où chacun organise son petit commerce pour le plaisir d’une seule journée.