La France en automobile, Edith Wharton (2ème critique)
La France en automobile, trad. anglais Jean Pavans, Préface Julian Barnes, 176 pages, 16,80 €
Ecrivain(s): Edith Wharton Edition: Mercure de France
« Publié aux Etats-Unis en [octobre] 1908 avec succès, La France automobile n’avait jamais été traduit en français jusqu’à aujourd’hui », souligne le « Prière d’insérer ». Grâce donc au traducteur Jean Pavans et au Mercure de nous en faire le cadeau, complété ou plus exactement précédé d’une substantielle préface de Julian Barnes. A quel point Edith Newbold Wharton fut un écrivain d’abondance aux innombrables publications, on en est en général assez ignorant, il faut l’avouer, et du fait qu’en 1921 son roman Le Temps de l’innocence reçut – rare pour une femme – le Pulitzer.
C’est en France que cette grande voyageuse se fixera en 1907, à 45 ans (née à New-York en 1862) ; et qu’elle vivra la seconde partie de sa vie : à Paris – dix ans rue de Varenne à compter de 1910 –, puis au sortir du conflit mondial – qu’elle chronique dans La France en guerre – à Saint-Brice-sous-Forêt (Val d’Oise) ainsi qu’à Hyères en son Castel Sainte Claire. Son divorce en 1913 est une autre marque de son indépendance d’esprit.
Au début du XXe siècle, l’automobile connaît une vogue excitante auprès de la haute société ; elle modifie les dimensions et l’accessibilité du territoire et permet des périples qui inspirent aussi bien Tristan Bernard (Les Veillées du chauffeur), Henry Kistemaeckers, Octave Mirbeau (La 628-E8). A Motor-Flight [titre original qui donne bien le sentiment de la vitesse] Through France va réunir les articles publiés dans l’Atlantic Monthly sur trois « explorations » depuis Paris. En 1906, de Boulogne à Bourges, par Amiens, Beauvais, Rouen, Fontainebleau, la Loire et l’Indre en étape à Nohant « chez George Sand », Clermont-Ferrand et l’Auvergne – deux semaines. En mars-avril 1907 [avec pour passager-compagnon Henry James comme en Angleterre trois ans plus tôt et auquel la liera une profonde amitié jusqu’au décès de celui-ci (en 1916), de Poitiers à Vezelay, par Angoulême, Bordeaux, Pau, les Pyrénées, la Provence, le Rhône, Lyon, Bron, la Bourgogne – trois semaines. A la Pentecôte de cette même année enfin, une brève percée vers le Nord-Est, « partie de la place du Palais Bourbon par une radieuse matinée de printemps », Meaux, Reims, Noyon, Saint-Quentin, Laon, Soissons, Senlis, « et retour par la forêt de Saint-Germain [en descendant] vers Paris à l’ombre des longues allées du Parc de Saint-Cloud ». Les conditions matérielles ne posent certes aucun problème : une armée de domestiques s’occupe des bagages et prépare les points de chute. Henry James, réglant sa quote-part, a d’ailleurs un peu de mal à soutenir le train de vie du couple Wharton.
Ce qui nous intéresse ici, c’est la précision du regard, des descriptions et des analyses d’Edith, ses phrases nettes, sa vision d’une France heureuse envers laquelle elle manifeste toutes les sympathies, notamment pour ses habitants. Le parcours se déroule plaisamment, à l’allure de la Panhard-Levassor 15HP. C’était donc il y a un siècle.
Jean Durry
Lire une autre critique sur la même oeuvre
- Vu : 2484