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Les Livres

Erdgeist, Patrick Bogner (par Charles Duttine)

Ecrit par Charles Duttine , le Mardi, 18 Août 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Arts, L'Atelier Contemporain

Erdgeist, Patrick Bogner, juillet 2020, 144 pages, 35 € Edition: L'Atelier Contemporain

 

La beauté silencieuse des terres septentrionales

Ouvrir le livre du photographe Patrick Bogner, c’est découvrir des clichés de terres inhospitalières et austères, des photographies en noir et blanc de paysages âpres, durs et quasi désertiques. Ces photographies ont été prises près du cercle arctique, dans les Orcades, les Féroé, ou encore en Islande, Ecosse et Norvège, toutes présentées sans légende, sauf leurs coordonnées de latitude et de longitude. Les scènes y sont immanquablement hivernales. C’est un univers minéral et sévère que l’on découvre, invitant à une sorte d’ascèse du regard.

L’ouvrage est intitulé Erdgeist, l’esprit de la terre, en référence au premier Faust de Goethe. Patrick Bogner s’inscrit d’ailleurs dans la plus pure tradition romantique, notamment celle du « Sturm und Drang » ou encore des tableaux de Caspar David Friedrich, à la recherche d’une proximité avec une nature sauvage et primitive, celle où le « sublime » transparaît. Le sublime, ce sentiment esthétique bien codé, né avec le romantisme et qui relève de la contemplation de la laideur, du terrible ou encore de l’horreur.

Le Baal Shem Tov, Mystique, magicien et guérisseur, Jean Baumgarten (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 18 Août 2020. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Le Baal Shem Tov, Mystique, magicien et guérisseur, Jean Baumgarten, Albin-Michel, février 2020, 204 pages, 19 €

Envisagés d’un certain point de vue, les deux millénaires d’histoire du christianisme furent une longue lutte (toujours pas achevée et qui ne s’achèvera sans doute jamais) contre les hérésies, en apparence grouillantes, mais qui en réalité se coagulent toujours autour de quelques points fondamentaux du dogme. En comparaison, et au strict point de vue théologique, le judaïsme, après avoir survécu à la chute du Temple, connut un parcours plus paisible, puisqu’il ne fut affecté que par deux hérésies majeures. La première, le qaraïsme, n’occupe guère de place dans les livres d’histoire, même si les qaraïtes existent toujours. La seconde, en revanche, manqua tourner à la catastrophe. Dans les années 1650, un Juif né à Izmir, Sabbataï Tsevi (1626-1676), se proclama le Messie. Il ne fut pas le premier à le faire, bien que l’influence des faux messies eût été restreinte et leur espérance de vie limitée. Contre toute attente, Tsevi parvint à convaincre une fraction non négligeable des Juifs d’Europe. L’écho s’en fit entendre jusque dans la correspondance de Spinoza. Même la conversion finale de Tsevi à l’islam ne parvint pas à entamer la foi de ses sectateurs les plus résolus, en dépit de toute raison. Les autres y avaient perdu leurs illusions et parfois davantage.

Fille, Camille Laurens (par Sylvie Ferrando)

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Mardi, 18 Août 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard

Fille, mars 2020, 240 pages, 19,50 € . Ecrivain(s): Camille Laurens Edition: Gallimard

 

Camille Laurens se livre ici à l’exercice ardu de l’œuvre autobiographique, dans sa version récit d’enfance et de jeunesse, exercice ardu parce que le texte doit être – ou apparaître – à la fois sincère et pas ennuyeux. L’équation est réussie, grâce au style si personnel de l’auteure, à la structure du livre et au mode d’énonciation choisi.

Ainsi, le roman est constitué de trois parties correspondant aux trois âges de la vie de la narratrice : Laurence-fille (la plus longue) ; Laurence-femme (la plus courte) ; Laurence-mère, suivie d’un court épilogue. Trois voix énonciatives s’entremêlent : le « je » de l’autobiographie, le « elle » de la narration, le « tu » de la complicité et de la confidence. « Tu nais d’un mot comme d’une rose, tu éclos sous la langue » ; « Enfin, elle a ses règles, presque un an après tout le monde » ; « Je me regarde dans le miroir de la salle de bains, les cheveux mouillés, sans maquillage, je ressemble de plus en plus à mon père ». Le roman commence et se termine avec le « tu », l’adresse directe au « moi » qui parcourt les pages : « Tu cherches à comprendre mais tu ne sais pas quoi ».

En avant la chronique, Philippe Chauché (par Arnaud Genon)

Ecrit par Arnaud Genon , le Lundi, 17 Août 2020. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Anthologie, Editions Louise Bottu

En avant la chronique, Philippe Chauché, Éd. Louise Bottu, mai 2020, 174 pages, 16 € Edition: Editions Louise Bottu

 

Dès la lecture des premières chroniques de Philippe Chauché, initialement parues sur le site de La Cause littéraire, et que les belles Éditions Louise Bottu rassemblent ici, le lecteur sait qu’il est face à une véritable écriture. Cela pourrait paraître étrange pour qui distingue l’écriture de « l’écrivance », les écrivains et les « écrivants » – néologisme par lequel Roland Barthes désignait ceux pour qui « le langage n’est qu’un instrument » (1) et non pas une fin en soi, comme c’est le cas pour les écrivains. Pourtant, le critique que l’on lit dans ces pages fait de l’exercice auquel il se livre depuis de nombreuses années un véritable travail d’écriture. En ce sens, il illustre ce que le théoricien Florian Pennanech a démontré dans une récente étude intitulée Poétique de la critique littéraire, De la critique comme littérature : « Le métatexte a ses procédés propres, qui peuvent l’amener à se déployer de façon relativement autonome. Il n’est pas nécessairement le simple ‘prolongement’ naturel d’un texte, non plus que l’humble serviteur, caméléon ou transparent, stérile ou parasitaire. Il n’est pas nécessairement non plus un sous-texte, mais éventuellement un texte à part entière, avec ses propres modalités et, il ne me déplaît pas de finir par-là, sa propre créativité » (2).

J’aime le mot homme et sa distance, Florence Pazzottu (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 17 Août 2020. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

J’aime le mot homme et sa distance, Florence Pazzottu, éd. Lanskine, février 2020, 200 pages, 18 €

Poésie et narration

Il devient vite évident, à la lecture du dernier livre de Florence Pazzottu, que sa vision est double. Il s’agit, je crois très nettement, de faire un poème et de faire un récit de soi. Narrer sa personne, et à partir de cette dernière, englober la réalité saillante de l’autrice prise à la fois dans son existence et son écriture. Cette écriture oscille entre poésie et chronique, ou plutôt se défait de son geste au sein de sa rédaction. Elle raconte tout autant qu’elle exerce une langue, disons, chantée – pour décrire ce mouvement qui appartient aux vers. On ne quitte pas le fond des scènes qui occupent la poétesse.

Ainsi, son texte complète mieux sa personne, l’explique, la justifie, l’organise, la rend dialectique. Là est l’occasion de décrire, un peu à la Rohmer, 45 épisodes des amours compliquées d’une femme – sans doute l’écrivaine mais dépeinte en fragments – qui transitent par des SMS, lesquels se transforment en annales savantes, ou pour aborder ailleurs dans le recueil les traumatismes d’une petite fille – que l’on devine comme celle de l’enfance de Florence Pazzottu – où tout se ferme sur une expression double.