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Les Livres

Le secret du clan, Gilles Baum, Thierry Dedieu (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 26 Juin 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Jeunesse

Le secret du clan, Gilles Baum, Thierry Dedieu, HongFei éditions, mars 2020, 44 pages, 13,90 €

 

Le crabe-araignée

Les deux auteurs, Gilles Baum, écrivant le texte, et Thierry Dedieu, l’illustrateur, collaborant ensemble pour la dixième fois, ont créé le tout nouvel album de jeunesse, Le secret du clan. La couverture cartonnée, au format 19,5x27 cm, offre des gros plans énigmatiques qui invitent à rentrer dans le récit. L’histoire, simple, relate les vacances d’été d’une petite fille japonaise dans une île préservée – ce qui n’est pas sans rappeler l’endroit secret du Tumulte des flots de Mishima. Une lente initiation au regard, à l’observation, à l’écoute et à la patience, va permettre à la fillette d’aborder doucement le mystère d’un tatouage. Il s’agit également du retour aux sources du sacré d’un Japon ancestral et de ses valeurs spirituelles, loin de l’avidité des habitants des grandes villes.

L’officier de fortune, Xavier Houssin (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 25 Juin 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Grasset

L’officier de fortune, Xavier Houssin, février 2020, 141 pages, 15 € Edition: Grasset

« J’ai toujours cru au destin. Pour elle, j’ai été le premier. Et elle m’a dit, bien après, que j’étais resté le seul. Je ne lui avais rien caché de ma vie en France. De mon triste mariage. De mes drôles d’enfants. Avec elle, le présent devenait un temps précieux, inestimable ».

L’officier de fortune est le roman du destin d’un militaire engagé sur tous les fronts de l’ancien Empire français. Il est au Maroc, au Tonquin, en Indochine et en Algérie, on le suit, au cœur de ses missions et de son engagement dans la France Libre, il ne perdra pas de temps à soutenir le Général. C’est une guerre totale où il se donne sans compter. Il ne compte d’ailleurs jamais, il agit, c’est un homme de l’action permanente, au verbe vif et aux décisions sans appel.

Tout va très vite dans ce roman aux phrases vives et brèves, au style racé. Ce roman est celui d’un destin français, d’un destin de mari, de père et d’amoureux. L’officier raconte sa vie qui défile comme les images d’un travelling que filme une caméra embarquée dans une voiture qui roule à vive allure. L’officier de fortune fait corps avec son histoire, avec l’Histoire, avec ses combats, ses principes, ses certitudes, la perte d’une très jeune fille, mais aussi le silence de ses enfants, ses fidélités, ses infidélités guerrières, et sa passion absolue, inestimable : Jeanne, aimée, perdue de vue, puis retrouvée, quand les armes se sont tues.

Femmes sans merci, Camilla Läckberg (par Sylvie Ferrando)

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Jeudi, 25 Juin 2020. , dans Les Livres, Critiques, Polars, La Une Livres, Pays nordiques, Actes Noirs (Actes Sud)

Femmes sans merci, juin 2020, trad. suédois, Rémi Cassaigne, 144 pages, 14,90 €

Trois femmes, trois destins croisés grâce à Internet. Comme dans tout roman policier bien conçu, c’est l’intrigue de Femmes sans merci qui tient le lecteur en haleine. Cette intrigue, construite sur la succession de brefs chapitres portant en titre le nom de l’une des trois héroïnes, remplit bien son rôle de page-turner.

Comme dans tout roman policier bien conçu, les personnages se font le miroir de problèmes sociétaux prégnants dans la société occidentale. Dans cet ouvrage, longue nouvelle ou novella plutôt que roman, c’est la violence conjugale qui est dénoncée, celle des hommes envers leurs femmes, parallèlement à l’éclosion du mouvement #MeToo. Trois destins de femmes, si marqués par l’humiliation ou les coups et l’emprise psychologique et/ou matérielle, qu’on se demande comment une telle concentration d’abjection est possible, en Suède, au XXIe siècle.

Victoria Brunberg, d’origine russe, venue en Suède pour se remarier après la tragédie de son premier mariage, est traitée comme une sorte « d’animal de compagnie » et instrumentalisée par son mari : « “Pipe”, ordonna-t-il, sans quitter l’écran des yeux, en baissant son pantalon de survêtement et son caleçon. Elle s’agenouilla devant le canapé et prit son pénis flasque dans sa bouche ».

L’Etreinte de glace, anthologie de Jacques Finné (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Mercredi, 24 Juin 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Nouvelles, Editions José Corti

L’Etreinte de glace, anthologie de Jacques Finné, février 2019, trad. Jacques Finné, Jessica Stabile, 296 pages, 23 € Edition: Editions José Corti

 

 

Le titre L’Etreinte de glace donne une idée du charme de ces nouvelles surnaturelles, issues de l’ère victorienne, un charme qui vous happe à la gorge et ne vous lâche pas. Froid comme la mort, fascinant comme l’inexplicable : voilà en partie des ingrédients qui unissent les huit nouvelles sélectionnées et traduites ici par Jacques Finné (accompagné de Jessica Stabile). Mais il est une caractéristique plus notable encore dans cette anthologie : toutes ces nouvelles ont été écrites par des femmes. Gageons qu’à l’issue de la lecture, nous ne pouvons qu’être d’accord avec Jacques Finné lui-même : ces huit femmes n’ont rien à envier à leurs compères masculins dans le genre de la ‘ghost story’. Elles sont même si douées qu’on est en droit de se demander pourquoi la postérité ne leur a pas fait un meilleur cadeau (jusqu’à maintenant).

Requiem pour une ville perdue, Asli Erdoğan (par Jean-François Mézil)

Ecrit par Jean-François Mézil , le Mercredi, 24 Juin 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Bassin méditerranéen, Récits, Actes Sud

Requiem pour une ville perdue, mai 2020, trad. turc, Julien Lapeyre de Cabanes, 135 pages, 17 € . Ecrivain(s): Aslı Erdoğan Edition: Actes Sud

 

Amateur de déroulés classiques et de textes bien balisés, s’abstenir.

Dans ce livre, la phrase va où bon lui semble, de préférence en territoire poétique. Elle trotte, elle galope, c’est un cheval sans selle épris de liberté (un cheval turc ?).

Plusieurs mouvements composent ce requiem dédié à une ville perdue. Requiem, certes. Mais la ville ? Istanbul s’impose. « Cette ville affublée de presque autant de noms qu’on en a donnés à Dieu ». « Ce ghetto qui parlait mille langues ». Mais ne comptez pas trop y flâner. Le temps de remonter quelques « raidillons étroits » de Galata, de descendre des « ruelles à pic », d’approcher, sans nous y arrêter, la rue où Asli a « vécu autrefois », d’aborder de loin « les froides entrailles de la ville » pour y croiser « voleurs, ivrognes [et] entraîneuses », nous rebouclons déjà notre valise. Après cette escapade de quelques paragraphes dans Beyoğlu, pendant laquelle le rêve a replié ses ailes, nous voici ramenés vers des contrées sans noms. On est donc aussi bien à Paris, à Londres ou à Vienne. La ville est surtout prétexte à exil et sert d’écrin aux phrases.