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Les Livres

Urbex RDA, L’Allemagne de l’Est racontée par ses lieux abandonnés, Nicolas Offenstadt (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 30 Juin 2020. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Albin Michel, Histoire

Urbex RDA, L’Allemagne de l’Est racontée par ses lieux abandonnés, Nicolas Offenstadt, 225 pages, 34,90 € Edition: Albin Michel

« J’étais pourtant, et plus que jamais, conscient que l’humanité ne méritait pas de vivre, que la disparition de cette espèce ne pouvait, à tous points de vue, qu’être considérée comme une bonne nouvelle ; ses vestiges dépareillés, détériorés n’en avaient pas moins quelque chose de navrant » (Michel Houellebecq, La Possibilité d’une île).

Dans la sinistre panoplie des armes de destruction massive, la bombe à neutrons est (ou était ?) supposée anéantir toute vie humaine et animale, mais laisser intacts bâtiments et infrastructures. Faute (heureusement) de l’avoir testée dans des conditions réelles, on ignore si c’est vrai ou non. Le paradoxe est que, pour produire les résultats qu’on voit dans Urbex RDA, il n’a pas fallu faire usage de la moindre violence. La RDA est l’exemple d’un pays, d’un État, qui a disparu dans un éternument, sans que le moindre coup de feu ait été tiré. Autant, pour venir à bout de l’Allemagne nazie, il fallut sacrifier des millions d’hommes et utiliser des tonnes de bombes, autant l’effondrement du régime Est-allemand (dont il faut, cela va de soi, se féliciter) eut quelque chose de feutré et, pour tout dire, d’un peu minable, y compris dans le malentendu – le porte-parole du gouvernement Est-allemand, Günter Schabowski, relisant mal ses notes – qui conduisit à l’ouverture du Mur.

Demeure, Hubert Le Boisselier (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mardi, 30 Juin 2020. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Demeure, Hubert Le Boisselier, Z4 Editions, 2018, 85 pages, 14 €

 

Le titre de cet opus poétique signé Hubert Le Boisselier nous invite d’emblée à marquer une pause, sur le tarmac de la réflexion et de l’imagination, avant d’entamer notre voyage. Demeure, en effet, remue dès le seuil du livre son chant polysémique : s’agit-il de l’injonction donnée à celui qui agite ou mobilise son existence de « demeurer » un instant dans l’espace d’une pause, l’impératif du verbe se conjuguant à un certain art de vivre où savoir prendre son temps résulte d’un acte de sagesse ? S’agit-il du substantif nommant cette « maison » dans laquelle chacun de nous habite, élit domicile, quelque part, à sa façon, en ouvrier/artisan de son quotidien, en… poète ? Demeure, est-ce même un lieu – immobile ou mouvant –, une position statique dans l’espace ; ne renvoie-t-il pas plutôt à cette posture, dans la dynamique du Vivre, où la cinétique des « entrelangues » mêle et mélange leur langage « dans la désinvolture du temps », pour rejouer/reformuler le monde sur la table de nos pages clairvoyantes reliées à nos mots (words) croisés/entrechoqués/fracturés ? Pour écrire/remodeler un monde « dédoublé » par « le geste d’écrire », recommencé dans la « persistance entre les mots », lu, « redit » sans cesse comme « je parle vide/sur la fracture » ?

L’accord, Henri Raynal (par Jean-Paul Gavard Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Lundi, 29 Juin 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Fata Morgana

L’accord, Henri Raynal, 160 pages, 20 € Edition: Fata Morgana

 

Les transversalités

Chez Raynal, le plaisir éclate dans des lâcher-prise et des épuisements paradoxaux là où se troque un éventuel « je t’aime » pour les mains du matin. Et ce, dans les marottes érotico-mystiques chères aux récits de l’auteur ; celui-ci, comme auparavant, et chez le même éditeur : Aux pieds d’Omphale, et Dans le secret. Dans ce texte, l’auteur nous plonge dans une abbaye de Thélème d’un nouveau genre. Aux moines font place des hommes probablement plus délinquants mais tels « offrants » phalliques acceptent avec joie le gouvernement des femmes.

Existent en conséquence bien des renversements de valeurs. La mise à nu de l’âme passe par des détours en un tel contexte et système. En ce qui devient un conte initiatique et un traité de philosophie mystique, la soif des douceurs de certains « fruits » dessine de nouvelles pistes au moment où le plaisir change de gouvernail et de gouvernance, et d’une certaine façon se réoriente et se démilitarise dans de nouvelles oppositions réformistes.

Bambi, Mons Kallentoft & Markus Lutteman (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Lundi, 29 Juin 2020. , dans Les Livres, Critiques, Polars, La Une Livres, Folio (Gallimard)

Bambi, Mons Kallentoft & Markus Lutteman, 2019, trad. Hélène Hervieu, 528 pages, 9 € Edition: Folio (Gallimard)

 

Midsommar c’est la saint Jean d’été en Suède. Pour célébrer le solstice on danse, on boit, on mange des harengs marinés, des pommes de terre nouvelles en salade et des fraises à la crème. On fait la fête ensemble et avec la nature. C’est un rituel païen. Cette année-là, le 25 juin, Linus Jonsson, qui n’a dormi que trois heures, fend les flots de la coque en aluminium de son bateau. Il croit apercevoir sur une petite île, non loin de Stockholm, des phoques qui se reposent. Isa Nehf, Theo Stranddahl, Hugo Löfwencrantz, Axel Hultqvist, sont découverts morts, Madelene Dahlén, très mal en point, survit, et Ebba Langer a disparu. Tous étaient lycéens au Hersby Gymnasium à Lidingö et étaient là pour s’amuser. Et l’on constate que l’un s’est enfoncé plusieurs couteaux en plastique dans la gorge, qu’un autre s’est mutilé la cuisse pour la manger. C’est un carnage dont les mouettes ont commencé à se repaître.

Ainsi parlait : Charles Péguy, dits et maximes de vie, Charles Péguy, Paul Decottignies (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 29 Juin 2020. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Ainsi parlait : Charles Péguy, dits et maximes de vie, Charles Péguy, Paul Decottignies, Arfuyen, mars 2020, 176 pages, 14 €

 

Péguy ou La Recherche de la valeur

Je trouve le principe des dits et maximes de vie, qui font la base de la collection « Ainsi parlait » des éditions Arfuyen, très justifié, à la lecture profuse qui fut la mienne des Cahiers de la quinzaine. Je dis cela car le massif de ces cahiers prend ici, grâce à un choix judicieux, une direction particulière, précise, que ma lecture hasardeuse n’était pas arrivée à déterminer et que Paul Decottignies parvient à dénouer et éclaircir grandement. Ces fragments dressent le portrait d’un homme d’idées et de style, dont on distingue le tempérament, tout en suivant aussi le parcours intellectuel et spirituel, celui d’un grand écrivain attachant et droit.