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Les Livres

Aladin et Sindbad chez Libretto (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 01 Septembre 2020. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Le Roman d’Aladin, Phébus/Libretto, 2002, trad. arabe, René R. Khawam, 222 pages, 8,70 €

Les Aventures de Sindbad le Marin, Phébus/Libretto, 2001, trad. arabe, René R. Khawam, 256 pages, 9,50 €

 

Nous avons été dupés, dans notre grande majorité, et nous dupons de même nos enfants et nos petits-enfants. Cette duperie a pris et prend pourtant place à un moment de grande intimité, de grande confiance, celui de l’histoire avant d’aller au dodo. Que de versions avons-nous subies et faisons-nous subir, d’autant que l’industrie éditoriale s’en est mêlée (ah ! l’invention de la littérature enfantine !…) après que Walt Disney a déjà fait des ravages, de contes édulcorés, remaniés, arrangés à une sauce censément destinée à plaire aux enfants du XXIe siècle. Notre seule excuse est que ce n’est pas nous qui avons commencé, Perrault l’emperruqué poudré avait déjà commis quelques remaniements à destination de la Cour de Louis XIV, car il fallait plaire, et lorsqu’on veut plaire, on ment.

Lumière d’été, puis vient la nuit, Jón Kalman Stefánsson (par Delphine Crahay)

Ecrit par Delphine Crahay , le Lundi, 31 Août 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pays nordiques, Roman, Grasset

Lumière d’été, puis vient la nuit, août 2020, trad. Éric Boury, 320 pages, 22,50 € . Ecrivain(s): Jon Kalman Stefansson Edition: Grasset

 

Le dernier roman traduit de Stefánsson, paru en islandais en 2005, est la chronique d’une communauté villageoise des fjords de l’ouest islandais. C’est le récit de leur quotidien, mélange de faits anodins – qui ne le sont pas, ou pas seulement, puisqu’ils sont l’étoffe de leurs jours – et d’événements – qu’on ne peut qualifier de tels que par les effets inattendus et décisifs qu’ils provoquent : ainsi de certain songe en latin, qui bouleverse la vie de celui qu’il visite et change celle du village tout entier.

On retrouve dans Lumière d’été, puis vient la nuit, les thèmes des autres romans de l’Islandais : la part déterminante du hasard dans la vie humaine et l’influence des rêves ; la présence de la mort – et même des morts, en l’occurrence ; l’amour, qui est souverain mais ne peut rien contre la chair ; le désir dans toute sa puissance de bouleversement et d’abrutissement ; la quête de sens ; l’écart entre les gestes et les paroles de l’homme, et son cœur, qui « reste tapi sous la surface et n’apparaît jamais en pleine lumière » ; la violence aussi – quand une femme trompée tue une chienne et tous ses chiots.

Le goût des animaux, Collectif, textes choisis et présentés par Brigit Bontour (par Sylvie Ferrando)

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Lundi, 31 Août 2020. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Mercure de France

Le goût des animaux, Collectif, textes choisis et présentés par Brigit Bontour, juin 2020, 128 pages, 8 € Edition: Mercure de France

 

Ce petit ouvrage s’inscrit dans l’air du temps : voici un florilège de trente textes en faveur de la défense des animaux et de l’égalité entre les espèces, pour le bien-être animal et la préservation de la planète. Pour autant, Brigit Bontour privilégie le débat d’idées et n’a pas hésité à sélectionner des textes qui dévalorisent les animaux par rapport à l’homme (Descartes et l’animal-machine dans son Discours de la méthode), qui le présentent comme grotesque ou ridicule (Ysengrin dans Le Roman de Renart) ou qui font l’apologie d’une activité mettant l’animal en danger (Hemingway décrivant les scènes de corrida dans Le Soleil se lève aussi).

On sent bien néanmoins que les goûts de l’auteure la portent vers l’antispécisme, sur le modèle du récent texte d’Aymeric Caron (Antispéciste. Réconcilier l’humain, l’animal, la nature, Le Seuil, 2016-17), qui prône un animal à l’égal de l’homme, avec des droits (et des devoirs ?). D’autres défenseurs de la cause animale, tels la philosophe Elisabeth de Fontenay ou l’éthologue Boris Cyrulnik, sont également cités. Les auteurs qui n’auraient pas été présentés figurent dans la bibliographie succincte de la fin de l’ouvrage.

Je te protégerai, Peter May (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Lundi, 31 Août 2020. , dans Les Livres, Critiques, Polars, La Une Livres, Actes Noirs (Actes Sud)

Je te protégerai, Peter May, mai 2020, trad. Ariane Bataille, 432 pages, 9,80 € Edition: Actes Noirs (Actes Sud)

 

Un couple de fabricants de tissus, originaire des Hébrides extérieures, de l’île de Lewis plus précisément, en Écosse, se rend à Paris au Parc des Expositions, au Salon Première Vision, pour y présenter leur collection. C’est un endroit très fréquenté par le petit monde de la mode qui va décider des nouvelles tendances de l’année. Ruairidh Macfarlane et son épouse Niamh fabriquent sur leurs métiers à tisser le Ranish Tweed, un tissu très proche du fameux Harris Tweed. Ils sont descendus au Crowne Plaza, Place de la République. Alors que Ruairidh prétend avoir une signature chez YSL, Niamh reçoit un texto qui la met en colère : « Votre mari a une liaison avec Irina Vetrov. Demandez-lui ». Irina Vetrov est une styliste très en vue, d’origine russe. Alors qu’elle suit à pied la Mercedes dans laquelle sont montés son mari et Vetrov, qu’elle passe devant le Fluctuat Nec Mergitur sans quitter la voiture des yeux, qu’elle s’en approche, alors qu’elle est arrêtée au feu, puis qu’elle la perd tandis qu’elle tourne, Niamh se retrouve aveuglée par un puissant éclair, assourdie par une déflagration. Au moment où elle reprend ses esprits, elle constate que c’est la voiture de Ruairidh et Irina qui a explosé.

Le Mythe de l’État, Ernst Cassirer (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 31 Août 2020. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Gallimard

Le Mythe de l’État, Ernst Cassirer, Gallimard, Coll. Tel n°428, février 2020, trad. anglais (USA) Bertrand Vergely, 406 pages, 13,90 €

 

Le Mythe de l’État fait partie de ces livres qui portent pour ainsi dire inscrites sur le front les circonstances particulières de leur rédaction, ne serait-ce que par la langue dans laquelle ils ont été composés. Né en 1874, Ernst Cassirer était issu d’une famille d’industriels juifs aussi assimilés à l’Allemagne qu’il est possible de l’être. Éditeur de Kant et de Goethe, il incarnait les valeurs et les traditions de l’université allemande, jusque dans leurs aspects quelque peu ridicules, à nos yeux en tout cas, en matière de decorum. Cassirer croyait à la permanence de ces valeurs, de ces traditions, d’un ordre de l’esprit et, comme tous ceux qui croient à ce genre de choses, il se trompait. Après 1933, il s’exila au Royaume-Uni, en Suède, puis aux États-Unis. Il était né sous Bismarck, alors que le cheval était le seul moyen de transport terrestre alternatif à la marche. Il mourra pendant l’effondrement du IIIe Reich, alors que d’autres exilés allemands fignolaient les bombes atomiques qui seront lâchées par avion sur le Japon. Cela dit assez l’ampleur des bouleversements qu’il vécut. Le Mythe de l’État fut rédigé en anglais, la langue de l’exil.