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Les Livres

La Maison de papier, Françoise Mallet-Joris (par Delphine Crahay)

Ecrit par Delphine Crahay , le Lundi, 25 Mai 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Grasset

La Maison de papier, Françoise Mallet-Joris, 276 pages, 19 € Edition: Grasset

 

« La maison est en carton », écrit Françoise Mallet-Joris. « Tout s’y brise, s’y empoussière, y disparaît, sauf le plus éphémère. Il n’y a pas d’ordre, pas d’heure, pas de menus […] ». Hommes et bêtes entrent et sortent, invités ou non ; ils restent un peu, beaucoup, pas tout. Cette maison, c’est la sienne, où elle vit avec son époux, le peintre Jacques Delfau, ses quatre enfants, une femme de ménage – Dolorès le plus souvent – et l’une ou l’autre bestiole plus ou moins bienvenue.

C’est une maison où règnent, en sus du désordre, la joie et l’insouciance, et c’est le premier agrément de ce récit que cette atmosphère allègre et bohème que l’auteure y installe. Ce logis fait un peu figure de paradis perdu et instille une nostalgie douce ou amère, selon que l’on a ou non connu un foyer si chaleureux, si gai. On s’y sent comme invité, convié à une sorte de festin sans façon où il manquera sans doute des couverts ou des assiettes – mais rien d’essentiel. Car la maison de papier n’est pas close, elle ne serre pas jalousement son bonheur, bardée d’œillères : elle a le sens de l’accueil, elle est ouverte aux autres et au monde, aux peines de ceux qui sont en butte à l’adversité, aux problèmes de la société française des années 1970.

À bout, Nathalie de Courson (par Catherine Blanche)

Ecrit par Catherine Blanche , le Lundi, 25 Mai 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

À bout, Nathalie de Courson, Editions Isabelle Sauvage, octobre 2019, 128 pages, 19 €

 

Voici un roman qui tient beaucoup de la prose poétique avec du mordant, du répondant. Qui fait rire. Qui bouleverse.

Il résonne en nous comme un écho à deux facettes. Familier et lointain. Douloureux et salutaire. Qui passe, passe encore et repasse. Revient sans cesse.

Une histoire de famille.

Avec les souterrains qui vont avec. Les choses tues de longue date ou lâchées trop vivement ; les plaies vives qui en résultent.

Devenu veuf depuis peu, le vieil About perd la tête ; son esprit en déroute vacille, déraille, disjoncte. Sa logique échappe.

Ses enfants font bloc autour de lui, se relayent, tentent de l’aider.

Sous l’empire des oiseaux, Carl Watson (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 22 Mai 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman

Sous l’empire des oiseaux, Carl Watson, Editions Vagabonde, 2006, trad. anglais (USA), Thierry Marignac, 174 pages, 18 €

 

« A Harlem, on buvait autrefois un breuvage baptisé Haut-et-Bas, ou Moitié-Moitié. C’était un verre de gin pur, additionné de vin rouge bas de gamme. Watson, à son meilleur, est une variante de ce cocktail : du gin tord-boyaux mêlé non pas de piquette mais de Haut-Brion » (Nick Tosches).

« J’ai servi à bouffer et fait la toilette des morts. J’ai porté un costume, fait la cueillette des pommes, planté des clous dans les rails et bavassé avec des poivrots. Tout ça pour le blé » (Active la machine).

Carl Watson écrit au scalpel, à l’arme blanche, ce qu’il a vécu à Chicago. Ses personnages boivent beaucoup, vivent dans des hôtels qui menacent de s’effondrer, dans des chambres que les bonnes ont désertées depuis des années. Ils passent leurs nuits et leurs jours dans des bars enfumés où volent les verres, les insultes et les menaces, et traversent des rues de quartiers où l’on perd facilement sa vie et ses illusions. Carl Watson sait de quoi il parle et sur quoi il écrit.

Éphéméride, Valérie Rouzeau (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 22 Mai 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, La Table Ronde - La Petite Vermillon

Éphéméride, mars 2020, 144 pages, 16,50 € . Ecrivain(s): Valérie Rouzeau

 

De Nevers – cité qui incite à la poésie –, Valérie Rouzeau a tenu pour nous un journal poétique du 11 mai 2019 à fin décembre, mêlant dans un joyeux désordre surréaliste et signifiant, notes, poèmes, menues activités, rencontres, fragments de pairs aimés, chronologie intime et intimiste des événements d’une « vie ordinaire », où le registre des faits, des gestes, des textes sonne comme une victoire contre ce temps chenapan et tapageur, période difficile aussi à vivre, sans espérer un peu que la poésie puisse comme un baume joindre à l’amer un peu de beauté et d’inventivité.

Et en matière d’inventivité, Rouzeau ne manque pas de ressources, se régalant à commettre sur le dos des signifiants, nombre de forfaits poétiques notoires, selon la logique de « l’effet mère ride », Valérie consigne ainsi :

Il nous est arrivé d’être jeunes, François Bott (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Jeudi, 21 Mai 2020. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, La Table Ronde - La Petite Vermillon

Il nous est arrivé d’être jeunes, février 2020, 272 pages, 8,10 € . Ecrivain(s): François Bott Edition: La Table Ronde - La Petite Vermillon

 

L’érudit François Bott nous donne, avec brio, des nouvelles d’une kyrielle d’auteurs dans Il nous est arrivé d’être jeunes, nouvelles récentes s’il en est ! C’est que le temps semble ne pas avoir d’emprise sur les auteurs recensés par l’ancien journaliste qui, naguère, dirigeait les pages littéraires de L’Express.

Dosage corsé, parfois humoristique de propos mêlant le temps, rencontres fictives entre plumes parfois distanciées entre elles de plusieurs générations mais faisant écho dans leur esprit rendu commun : « Tant pis pour le décalage horaire, la différence d’âge, la différence de siècle… Il faut les imaginer se promenant dans Paris et faisant ensemble l’école buissonnière, échangeant des idées et des rires, philosophant comme on se divertit, comme on s’amuse. L’un, c’est René Descartes, le héros, l’athlète de la métaphysique, le plus aventureux des aventuriers de la philosophie. L’autre, c’est Paul Valéry, l’artiste de la pensée ». Joignant ces appréciations littéraires à, notamment, celles du Discours de la Méthode, ou Monsieur Teste, l’auteur me fait encore davantage penser à Léon-Paul Fargue avec ce sens inné d’observateur.