Une novella peut-être, un très court roman qui laisse sous le coup le lecteur incrédule. La puissance de ces brèves de quartier, d’un immeuble, le Stratford Arms – le héros vit, regarde et raconte ce qu’il voit de la fenêtre de son appartement – est proprement extraordinaire. Et c’est pourtant de l’ordinaire qu’il s’agit, de gens ordinaires, dans des scènes ordinaires, dans un quartier ordinaire de … New York peut-être ou bien ailleurs, partout.
Hank Stone est un regard et une oreille. On ne saura rien de plus de lui. Ni son allure, ni son métier (travaille-t-il ou passe-t-il tout son temps à regarder à travers sa fenêtre ?), ni ses pensées, ni ses émotions. Non. Juste un regard et une oreille. Sans le moindre commentaire. Il est difficile de ne pas évoquer le Grand Raymond Carver dans ce parti pris d’objectivation des scènes, dans cette mise à distance du vécu. Les bruits et les lumières/ombres peuplent ces brèves, les emplissant d’une inquiétude permanente, d’une tension dont il faut tenter de trouver l’origine. Des obsessions de Hank Stone sûrement. Son regard est panoptique, son écoute hyper perceptive. Il y a dans ces obsessions la fiche clinique d’un paranoïaque qui regarde le monde comme si, de chaque personne, de chaque objet, de chaque scène ordinaire pouvait surgir soudain, terrible et menaçante, une horreur.