Politique de Benoît Duteurtre
Le bel avantage des romans de Benoît Duteurtre, de Tout doit disparaître et Gaieté parisienne (Gallimard, 1992 et 1996) au Retour du Général (Fayard, 2010), comme d’ailleurs de ses chroniques intempestives, de Polémiques aux Dents de la maire, souffrances d’un piéton de Paris (Fayard, 2013 et 2020), c’est qu’ils sont courts, légers, souvent cocasses. Superficiels ? Si l’on veut. Duteurtre, né en 1960, observe notre époque, s’en moque et nous invite à la distance, à la réflexion. Il ne l’analyse pas. Il ne la vitupère pas non plus. Il ne se complaît pas dans sa médiocrité. Le cynisme houellebecquien est absent de ses récits. Il ne l’aime pas, cette époque. Ou il aime ne pas l’aimer. Elle est de toute manière, on le sait, fort peu aimable.
Dénoncez-vous les uns les autres est une sotie. Les gens sérieux diront une dystopie. Duteurtre choisit certains des travers les plus alarmants de l’Occident post-moderne et les exacerbe comme on irrite une plaie. Mais il le fait avec drôlerie, sans lourdeur, sans surplomb moral facile. Aussi aucun de ses personnages n’est-il ridicule ou détestable. Un courant les a emportés, auquel ils tentent de résister ou auquel ils s’abandonnent.