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Italie

Lisario, ou le plaisir infini des femmes, Antonella Cilento

Ecrit par Patryck Froissart , le Samedi, 15 Octobre 2016. , dans Italie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Actes Sud

Lisario, ou le plaisir infini des femmes, avril 2016, trad. italien Marguerite Pozzoli, 375 pages, 23 € . Ecrivain(s): Antonella Cilento Edition: Actes Sud

 

Naples, en l’an de grâce 1644, Belisaria Morales, dite Lisario, devenue muette des suites d’une opération chirurgicale ratée pratiquée sur sa gorge dans son enfance, s’endort, à l’âge de quinze ans, pour échapper à un mariage arrangé qui lui fait horreur, et ne se réveille plus. Plongée de façon permanente dans une sorte de coma, elle est alimentée de force, dans le palais de Baia, propriété du roi Philippe IV d’Espagne, Naples, Sicile et Portugal, où résident ses parents, qui font venir à son chevet les médecins les plus illustres, sans résultat, jusqu’au jour où leur est envoyé Avicente Iguelmano, un obscur « médicaillon » catalan dont s’est débarrassé à cette occasion le maître chirurgien de la Haye chez qui ce médiocre disciple faisait des études peu glorieuses.

Lisario et Avicente sont les héros de ce roman baroque, dont l’intrigue (ou, mieux, les intrigues, tant multiples sont les destinées qui se croisent et s’intriquent) a pour toile de fond principale la Naples espagnole dans un contexte historique de luttes de pouvoir, de complots, et de la révolte populaire contre la monarchie espagnole, conduite par Masaniello et Genoino, qui aboutit à la création d’une éphémère République Napolitaine (1647-1648), dans le cadre général de la Guerre de Trente Ans.

Les incendiés, Antonio Moresco

Ecrit par Marc Ossorguine , le Lundi, 10 Octobre 2016. , dans Italie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La rentrée littéraire, Verdier

Les incendiés (Gli incendiati), août 2016, trad. italien Laurent Lombard, 187 pages, 16 € . Ecrivain(s): Antonio Moresco Edition: Verdier

 

 

Voilà sans doute l’un des plus étranges récits qu’il m’ait été donné de lire ces derniers mois. Les climats et images que nous avions découvert dans La petite lumière ou dans Fable d’amour, à cheval entre une réalité concrète, dure voire brutale, et un monde onirique voire simplement fantastique et surnaturel, sont ici dans une oscillation encore plus affirmée entre ces deux mondes. De façon encore plus puissante, plus radicale, le style, les images, nous installent dans un onirisme hyperréaliste qui n’épargne ni le lecteur, ni le narrateur, ni ses personnages.

Tout au long du récit, il semble que nous soyons dans un long écho, de plus en plus déformé, lointain, du Rêve familier de Verlaine :

Les yeux fermés, Federigo Tozzi

Ecrit par Philippe Leuckx , le Samedi, 03 Septembre 2016. , dans Italie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La Baconnière

Les yeux fermés (Con gli occhi chiusi), juin 2016, trad. italien Philippe Di Meo, 206 pages, 18 € . Ecrivain(s): Federigo Tozzi Edition: La Baconnière

 

Véritable renaissance, grâce à cette découverte, d’un auteur largement omis par les anthologies, oublié, sinon totalement inconnu. Né en 1883, décédé en 1920 de la grippe espagnole, l’auteur italien, d’origine siennoise, a publié nombre de livres, dont ces Yeux fermés, en 1919. Le Robert des noms propres, édition 2014, signale qu’il est mort à Rome, qu’il a fait connaître ses nouvelles par l’entremise des écrivains Borgese et Pirandello, qu’il a écrit, entre autres, Les Bêtes, Trois croix, et Le Domaine, et que sa stature de narrateur insigne lui est aujourd’hui reconnue à l’instar de Svevo.

Cet exact contemporain de Saba propose donc avec ce roman nourri d’autobiographie une histoire autant âpre que révélatrice d’une époque où la ruralité était encore d’un poids massif, où la province – ici la Toscane – déroulait ses codes ancestraux et signait les derniers sursauts familiaux et terriens, entre domaine à sauvegarder et quête presque impossible de l’amour. Le tout jeune Tozzi a connu toute une série de traits qu’il partage avec son antihéros Pietro : un père autoritaire, la latifundia menée à coups de violence et de dressage des ouvriers agricoles, un tempérament d’une timidité maladive, une quête de sentiments que sa nature a bien du mal à maîtriser sinon éprouver, etc.

Extra pure, Voyage dans l’économie de la cocaïne, Roberto Saviano

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mercredi, 22 Juin 2016. , dans Italie, Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Folio (Gallimard)

Extra pure, février 2016, trad. italien Vincent Raynaud, 544 pages, 8,20 € . Ecrivain(s): Roberto Saviano Edition: Folio (Gallimard)

Cinquième livre d’un auteur révélé en 2007 par son extraordinaire Gomorra, qui a fait couler tant d’encre et a valu à son auteur d’être un nouveau Rushdie pourchassé, Extra pure est un recueil d’enquêtes au plus près de cet enfer de la drogue, analysant lieux, moteurs et phases de production.

En 2016, Roberto Saviano, Robbè pour les intimes, poursuit son œuvre de dénonciation des mafias, du blanchiment de sommes colossales, des violences causées par ce gigantesque marché blanc. Il le fait par sa chronique de La Repubblica, il en dresse des analyses plus fouillées dans cet essai, divisé en 7 parties (aux titres de Coke#1 etc.)

A l’heure où notre auteur a le courage exemplaire d’écrire en dépit de tout – la solitude, la garde serrée – sept policiers de vigilance –, la quête si difficile de la vérité, et surtout les attaques de pure vilenie : ne le voilà-t-il pas accusé de tous les maux, et en prime dans les zones où il a dénoncé le mal ? à Secondigliano, à Scampia, à Napoli, il est traité de la pire espèce (par voie d’affiches, d’accusations publiques…), un peu comme si l’on reprochait à Marta Hillers de Une femme à Berlin d’avoir dénoncé les centaines de milliers de viols perpétrés par les Russes libérateurs en mars-avril 45, un peu comme si l’on rendait responsable du Goulag ce courageux Chalamov qui a vécu l’enfer gelé de la Kolyma (bagne sous Staline). C’en est à vomir tant les gens sont oublieux de la générosité et des risques pris. « Le premier qui dira la vérité sera exécuté » comme le chantait si bien Béart.

Le plus et le moins, Erri De Luca

Ecrit par Philippe Leuckx , le Samedi, 11 Juin 2016. , dans Italie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Biographie, Récits, Gallimard

Le plus et le moins, mai 2016, trad. italien Danièle Valin, 208 pages, 14,50 € . Ecrivain(s): Erri de Luca Edition: Gallimard

Chez De Luca, l’ancrage dans la réalité napolitaine ou ouvrière ou encore alpine est au cœur de nombre de ses ouvrages. Naples, comme Montedidio (honoré du Prix Médicis étranger 2002) ou Le jour avant le bonheur, l’ont montré avec brio et inventivité. L’alpiniste accompli a trouvé moyen d’illustrer l’univers de sa passion par le biais de la fable dans Le poids du papillon.

Depuis, des recueils de nouvelles ou de récits ont accompagné les soubresauts de la vie du Napolitain, finalement relaxé dans un sombre fait divers, d’où il est sorti grandi et prompt à affronter d’autres combats, plus intérieurs sans doute, comme le révèle le dernier opus, ensemble de 37 récits, suivis de trois poèmes, au titre singulier – qui en éclaire la portée, disons, hautement morale, Le plus et le moins.

Entre récits autobiographiques et autres histoires à portée symbolique, l’auteur napolitain, né en 1950, ayant longuement vécu au sceau des réalités parfois très sombres de son parcours, sent l’intense désir d’évoquer, en pages réalistes, nourries d’expériences diverses, ce que fut un certain passé. Passé lointain de l’enfance comme événements plus récents liés aux faits de mai 68, d’un passage douloureux dans la France de 1982. Sans oublier le passé tout proche, lorsque sa mère, ainsi, dut remplacer sa carte d’identité. Chez De Luca, l’intime, le noyau familial rejoint sans cesse les préoccupations communautaires et/ou collectives de la cité.