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Italie

Avant tout, se poser les bonnes questions, Ginevra Lamberti

Ecrit par Fawaz Hussain , le Mardi, 05 Décembre 2017. , dans Italie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Le Serpent à plumes

Avant tout, se poser les bonnes questions, août 2017, trad. Italien Irene Rondanini, Pierre Bisiou, 217 pages, 18 € . Ecrivain(s): Ginevra Lamberti Edition: Le Serpent à plumes

Sacrée Gaia !

« Aujourd’hui je me suis levée, j’ai ouvert la porte de chez moi et je suis sortie dehors, dans la vallée où je vis ». Cet incipit donne au roman son cadre, dans le temps et l’espace. Le thème « aujour­d’hui je me suis levée » reviendra en refrain tout au long du roman comme pour témoigner de l’esprit qui anime la narratrice et lui dicte son ton, cette femme dont nous n’apprendrons le nom, Gaia, qu’à la page 28, un choix qui ne peut pas être innocent, avec sa référence à la mythologie grecque : c’est la Terre en personne, la Terra Mater des Latins.

Vivant en Vénétie, Gaia relate son quotidien dans ce qu’elle appelle la vallée, un monde isolé, aux antipodes de la vie urbaine et civilisée. S’ennuyant, mais non sans une certaine allégresse, elle promène un drôle de regard sur son entourage. Sous sa plume, son père n’est nommé que géniteur, sa mère que génitrice. Après le départ de Grand-mère-d’en-haut et de Grand-père-d’en-haut, elle reste seule à la maison avec sa « génitrice » et livre des aperçus sur sa vision des choses qu’elle se réserve de développer plus tard : « nous donnerons de plus amples détails par la suite ». Elle est consciente de sa différence et du regard des autres.

Le charme des sirènes, Gianni Biondillo

Ecrit par Zoe Tisset , le Mercredi, 29 Novembre 2017. , dans Italie, Les Livres, Critiques, Polars, La Une Livres, Roman, Métailié

Le charme des sirènes, octobre 2017, trad. de l'italien par Serge Quadruppani, 341 pages, 21 € . Ecrivain(s): Gianni Biondillo Edition: Métailié

 

Nous sommes à Milan, l’intrigue tourne autour du meurtre d’un top-modèle à un grand défilé de mode. L’inspecteur Ferraro chargé de l’enquête est lui plutôt issu du milieu populaire et a gardé des amis « peu recommandables » comme Mimmo. « Du calme mon cul, gronda Mimmo à l’adresse du costaud. Déjà, qu’il fait une putain de chaleur et vous avec tout c’te bordel, vous m’avez réveillé ! Même les gamins dans la cour de l’immeuble savaient qu’à certaines heures, il valait mieux éviter de réveiller l’Animal ». Leur relation repose sur un mutuel respect et sur beaucoup de faux-semblants. « Depuis des années, Ferraro faisait semblant de ne pas savoir comment Mimmo gagnait sa vie, lequel Mimmo de son côté, faisait semblant d’être un informateur de Ferraro. Ils étaient clou et L’Animal ».

En  même temps, dans le sud de l’Italie nous assistons à une rencontre improbable entre Moustache, un clochard, et Aïcha, une enfant immigrée esseulée, à la recherche d’un frère disparu soudainement. Aïcha qui découvre le monde moderne, technique et opulent de l’occident : « Si elle n’avait pas été inquiète pour son frère, il lui aurait semblé se trouver dans une fable où se passent des choses très curieuses : sèche-main d’air, vieux sages immortels, escaliers qui bougent, trains dans le ventre de la terre ».

Dialogues manqués, Antonio Tabucchi

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 24 Août 2017. , dans Italie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard, Théâtre

Dialogues manqués, juin 2017, trad. italien Bernard Comment, 112 pages, 17 € . Ecrivain(s): Antonio Tabucchi Edition: Gallimard

 

Trois pièces – genre auquel le public de Tabucchi n’est pas habitué, puisqu’il est essentiellement auteur de romans, de récits et d’études littéraires – composent cet ouvrage posthume. L’auteur de Pereira prétend est mort dans la ville qu’il a tant aimée, en 2012.

L’un des meilleurs connaisseurs de Pessoa était sans doute bien placé pour imaginer la rencontre de son écrivain portugais fétiche avec une autre sommité du siècle, mais sicilienne, celle-là, Pirandello.

Monsieur Pirandello est demandé au téléphone imagine la rencontre des deux littérateurs, dans un hôpital psychiatrique en 1935, année même de la mort de Fernando Pessoa. Jouant des réalités et des furtives hypothèses d’une autre instance, Tabucchi tire parti des masques dont Pessoa a tissé ses rapports au lecteur : Monsieur Personne hissant ses « personae » au-dessus des fictions. Le grand théâtre des apparences est là même où se noue la littérature unique de deux monstres qui l’ont révolutionnée au même titre que Proust, Joyce et Svevo.

Maison des autres, Silvio D’Arzo (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 27 Avril 2017. , dans Italie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Verdier

Maison des autres (Casa d’altri), trad. italien Bernard Simeone, 80 p. 6,20 € . Ecrivain(s): Silvio d'Arzo Edition: Verdier

 

Peu de gens ont entendu parler de Silvio D’Arzo et de ce livre minuscule – tout juste une longue nouvelle – qui constitue pratiquement son œuvre. C’est un secret bien entretenu par quelques lettrés italiens et européens et cette nouvelle édition en langue française, par l’excellente maison Verdier, constitue un événement dont il faut que la France littéraire se saisisse !

C’est un texte prodigieux que nous avons sous les yeux. Certes traduit de l’italien, mais visiblement de manière tellement talentueuse que le choc littéraire ne souffre pas de la version française. Comment un talent pareil a-t-il pu être – et il l’est encore – ignoré ? Silvio d’Arzo est mort à 32 ans, laissant une œuvre réduite à de courts récits, des nouvelles, quelques études. Et, comme un diamant brut, « Casa d’altri », Maison des Autres, qui nous intéresse ici.

Un village, un hameau, des Apennins. Rude, comme ses habitants. Pauvre, comme ses habitants. Sombre, comme ses habitants. Le narrateur est le curé du village qui veille, comme il peut, sur les misérables âmes qui lui ont été confiées. Dans ce bout du monde, nul ne vient par hasard. Ce n’est pas un lieu, c’est un destin.

Le Livre des livres perdus, Giorgio Van Straten

Ecrit par Philippe Leuckx , le Lundi, 24 Avril 2017. , dans Italie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Actes Sud

Le Livre des livres perdus, avril 2017, trad. italien Marguerite Pozzoli, 176 pages, 18 € . Ecrivain(s): Giorgio Van Straten Edition: Actes Sud

 

Cette enquête passionnante autour de huit livres perdus, égarés ou disparus ou détruits pour diverses raisons, tient de la chasse aux trésors, entreprise par des adultes qui ont gardé l’âme des enfants chasseurs. Pourquoi ne peut-on lire ces œuvres d’auteurs célèbres ou reconnus ? C’est l’objet de cette recherche qui touche des récits, romans ou mémoires des XIXe et XXe siècles.

Ce livre comporte un avant-propos qui situe les enjeux de la quête fabuleuse, huit récits, une annexe (liste raisonnée des livres cités), un index des références. L’essai s’incruste au scalpel dans l’itinéraire créateur de huit écrivains qui ont, pour des motifs que ce livre argumente, abandonné, censuré, brûlé ou perdu une œuvre d’importance. L’essayiste s’est rendu sur les lieux de la disparition pour mener son enquête : Londres, Florence, Catalogne, Paris, Pologne, Canada, Moscou.

Les écrivains se nomment Romano Bilenchi, George Byron, Ernest Hemingway, Bruno Schulz, Nicolas Gogol, Malcom Lowry, Walter Benjamin et Sylvia Plath. Des itinéraires sombres pour plus d’un, marqués au sceau du suicide, de la boisson et de la névrose. L’intérêt marquant du livre est de nous faire vivre de l’intérieur ces pages qu’il nous sera impossible de lire mais bien d’imaginer, de rêver, parfois grâce à des découvertes qui tiennent du miracle.