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Italie

Petite femme, Anna Giurickovic Dato

Ecrit par Patryck Froissart , le Vendredi, 13 Juillet 2018. , dans Italie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Denoël

Petite femme (La figlia femmina), mai 2018, trad. italien Lise Caillat, 180 pages, 19,50 € . Ecrivain(s): Anna Giurickovic Dato Edition: Denoël

 

Petite femme est un roman trouble à l’atmosphère pesante dont le sens se découvre lentement sous la forme d’un récit à la première personne où la narratrice, prise dans un faisceau de situations dont elle ne comprend pas, ou refuse de comprendre la terrible réalité, avance en aveugle jusqu’au moment où la vérité, ou pour le moins une partie de la vérité, s’impose à elle avec une extrême et définitive brutalité.

L’auteur instaure et entretient une intense tension dramatique en entrecroisant deux niveaux narratifs.

Au premier niveau, le lecteur assiste à un dîner organisé par la narratrice, Silvia, qui reçoit pour la première fois Antonio avec qui elle entame une relation amoureuse. Est présente Maria, treize ans, la fille de la maîtresse de maison.

Durant toute la soirée, se développe devant Silvia un jeu de moins en moins équivoque entre une Maria faussement candide et de plus en plus séductrice et un Antonio qui se laisse prendre peu à peu à son badinage, à ses espiègleries de jeune fille qui « fait son intéressante » puis à ses avances de moins en moins voilées.

La Pension Eva, Andrea Camilleri

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mercredi, 27 Juin 2018. , dans Italie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Métailié

La Pension Eva, mai 2018, trad. italien Serge Quadruppani, 144 pages, 9 € . Ecrivain(s): Andréa Camilleri Edition: Métailié

 

Pour ses quatre-vingts ans, le romancier sicilien d’Agrigente s’inventa une enfance en plein conflit mondial. Le livre paru en français en 2007 est réédité pour notre plus grand bonheur. Ici s’allient humour, truculence, joie de raconter, découvertes propres à l’adolescence, éveil à la sensualité, à la sexualité…

Nené – double sans doute du romancier – et ses copains Ciccio et Jacolino, pour qui la maison de passe « Pension Eva » devient un terrain de jeu, traversent cette période troublée – on gagne souvent les abris – à l’ombre des jeunes femmes et filles en fleurs. La Pension change de filles comme de chemises : tous les quinze jours, dans les belles semaines et beaux jours, une nouvelle « fournée » et ça fait le bonheur des locaux, des militaires, des jeunes oisifs, vitelloni siciliens, futurs étudiants palermitains.

Noli me tangere, Andrea Camilleri

Ecrit par Charles Duttine , le Lundi, 11 Juin 2018. , dans Italie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Métailié

Noli me tangere, mai 2018, trad. italien Serge Quadruppani, 144 pages, 16 € . Ecrivain(s): Andréa Camilleri Edition: Métailié

 

Comment un roman a priori policier peut révéler des fulgurances métaphysiques ?

« Noli me tangere » (Ne me touche pas… ou… Ne me retiens pas) est une locution latine tirée de la vulgate, version latine de la Bible. Elle fait référence à l’épisode pascal de la résurrection lorsque Marie-Madeleine découvre le tombeau vide et un étrange personnage qui s’avère être le Christ. L’expression traduit la parole de Jésus envers Marie-Madeleine. Comment faut-il l’entendre, si l’on veut faire une brève exégèse et sans vouloir offenser les interprètes accrédités ?

Ce « Ne me touche pas » dit : je suis autre, j’ai changé, je ne relève plus des lois physiques de l’humanité. C’est un corps glorieux que Marie-Madeleine ne doit pas retenir, un corps de l’entre-deux, entre la résurrection et l’apothéose, entre outre-tombe et ascension. La formule latine instaure donc une distance entre l’invisible et le visible. Cet épisode a inspiré de nombreux peintres qui ont cherché à saisir ce moment sacré, ainsi Giotto, Fra Angelico, Bronzino, Le Titien, Nicolas Poussin… (pour n’en citer que quelques-uns). Il a inspiré également des théoriciens comme Jean-Luc Nancy et des écrivains. Parmi eux, Andrea Camilleri dans un livre, justement intitulé Noli me tangere.

Don Quichotte, Pietro Citati

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Lundi, 28 Mai 2018. , dans Italie, Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Gallimard

Don Quichotte, 2018, trad. italien Brigitte Pérol, avril 2018, 192 pages, 19,50 € . Ecrivain(s): Pietro Citati Edition: Gallimard

 

Pietro Citati lecteur de Cervantès

Pietro Citati prouve combien le Don Quichotte de Cervantès reste un livre inépuisable. Dans ce roman premier, sorte de chant renversant et mystique (sous certains aspects) et farce de première importance, Cervantès mélange le rire à la douleur. Et l’auteur italien commente à sa manière cette symbiose en dépliant des plis inconnus de la robe de Dulcinée du Toboso comme des hauts de chausse du héros et de son fidèle écuyer. Il prouve comment Cervantès procède pour que bien des ombres et des chausse-trappes nous attirent là où la question que les deux héros, inconsciemment, se posent, se déplace sans cesse entre un « qui je suis » et un « si je suis ».

Les mots de Cervantès ne font donc rien que constater les dégâts d’un héros premier de l’histoire du roman. Ecrire, rappelle l’Italien, est donc toujours croire à la vie mais dans un sens particulier. Et il appelle à l’éveil, à la lucidité du lecteur face à une œuvre hors norme et ses suites de fractures, merveilles, absurdités et critiques implicites. Celles-ci portent autant sur le rêve que sur la réalité. L’essai trace une nouvelle carte pour ce livre où se pose la question de leur sens.

La Revenue, Donatella di Pietrantonio

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mercredi, 04 Avril 2018. , dans Italie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Seuil

La Revenue, janvier 2018, trad. italien Nathalie Bauer, 240 pages, 20 € . Ecrivain(s): Donatella di Pietrantonio Edition: Seuil

 

La romancière de Mia madre è un fiume(2011) a placé son troisième roman, paru en Italie en 2017 sous le titre L’Arminuta(Einaudi), sous la bannière épigraphique de la grande Morante. La mémoire, en effet, celle des étés perdus, court dans ce roman qui trouve chœur et résonnance dans les Abruzzes natales de l’auteur. L’argument est tout simple : une adolescente de treize ans, placée en famille d’accueil, « revient » dans le nid familial, au village. « La revenue », entre deux familles, deux mères, deux pères, se met à apprivoiser doucement ce milieu nouveau, ce réseau familial dont elle a été retirée, découvre ses frères, Vincenzo, Sergio, Giuseppe (attardé), sa sœur Adriana. La plongée est radicale pourtant : d’une famille (d’emprunt) à l’autre, le fossé est large, tant à propos des usages qu’à celui de la culture. La pauvreté a ici valeur ancrée, et elle vient d’une « mère » des villes, soignée, délicate. Elle réapprend la mesquinerie, l’étroitesse des vies, les bouts de vie raccommodée. Adalgisa, la mère qui a élevé l’enfant, poursuit, même de loin, l’aide qu’elle a toujours accordée à cette petite parente, accueillie pour de bonnes raisons. Fratrie trop grande, misère du village… et d’autres motivations que la chute du roman éclairera.