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Italie

L’odeur du foin, Giorgio Bassani (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 07 Avril 2021. , dans Italie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Nouvelles, Gallimard

L’odeur du foin (L’Odore del Fieno, 1972) Giorgio Bassani, trad. italien, Michel Arnaud, 114 pages, 6,50 €


Dans ce recueil – et dans toute son œuvre – Giorgio Bassani met en scène deux héros récurrents : D’abord Ferrare, sa ville de naissance, une ville italienne de la province de Ferrare en Émilie-Romagne, située dans le delta du Pô sur le bras nommé Pô de Volano. Et puis lui-même, narrateur de ses récits, dans la trace de sa mémoire d’enfance, d’adolescence, à la recherche non du temps perdu mais bien du temps retrouvé – vivant, présent. Celui de Proust assurément, dont Bassani était un lecteur assidu, porté par les bruits, les odeurs, les goûts. Et, peu à peu, Bassani nous fait une topographie littéraire de Ferrare : les sensations dessinent des plans de rues, de places, de jardins publics. Les noms de la ville chantent comme un poème, les sons de la langue italienne en fond la musique. La via Mazzini, la via Vignatagliata, viennent s’ajouter aux noms des villages, Quartesana, Gambulaga, Ambrogio et aux noms des gens, Dottor Castelfranco, Egle Levi-Minzi, pour composer une cantate italienne digne des pages de Händel.

L’homme nu et autres poèmes, Alberto Moravia (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 02 Avril 2021. , dans Italie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Flammarion

L’homme nu et autres poèmes, Alberto Moravia, février 2021, trad. italien, René de Ceccatty, 320 pages, 21 € Edition: Flammarion

 

Romancier, essayiste, journaliste, Moravia a souvent regretté de n’avoir été qu’un « poète raté », ce « désir déçu d’être poète » l’a enjoint à ne rien publier de poétique de son vivant, réservant ces poèmes à une édition posthume.

Et pourtant, Moravia a toujours beaucoup lu les poètes, de Montale à Eliot, en passant par Apollinaire et ses amis Pasolini et Penna. Il a vécu environné de poètes, ses proches Elsa Morante et Pier Paolo Pasolini ; l’essentiel de ce qu’il écrivait, il le publiait, et c’était presque toujours des romans, des récits de voyages, des essais. Pas de poème connu par son public.

C’est dire l’intérêt de cette publication, qui propose, en édition bilingue italien-français, des poèmes écrits essentiellement dans les années soixante-dix et quatre-vingt, des poèmes qui articulent souvent les thèmes de l’ennui, de la nudité existentielle, de la mort, du désenchantement ; c’était l’heure où le roman lui posait quelque problème ; c’était une période difficile, politiquement parlant.

Borgho Vecchio, Giosuè Calaciura (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 09 Mars 2021. , dans Italie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Folio (Gallimard)

Borgho Vecchio, janvier 2021, trad. italien, Lise Chapuis, 156 pages, 6,90 € . Ecrivain(s): Giosuè Calaciura Edition: Folio (Gallimard)

 

Le Borgho Vecchio est un monstre qui dévore ses enfants après les avoir torturés infiniment. Le Borgho Vecchio c’est un labyrinthe de ruelles, de venelles, de culs-de-sac, dont on ne sort jamais, un abîme qui aspire et retient.

Le Borgho Vecchio c’est le territoire de la lâcheté, de la veulerie, de la noirceur insondable de l’âme humaine, toujours prête à déchirer l’innocence.

Borgho Vecchio est un grand roman, âpre et désespéré, qui dit Palerme loin de ses cartes postales et de ses touristes.

Le roman déploie quelque chose de la « chronique d’une mort annoncée ». Cristofaro, le martyre désigné, est la proie de cette malédiction fatale. On le sent, on le sait depuis le début du roman. Non seulement on sait qu’il va mourir mais qui va le tuer, comment, où, reproduisant ainsi la situation romanesque de Gabriel Garcia Marquez. Tout le monde sait dans le Quartier, tout le monde attend tous les soirs la mort de Cristofaro sous les coups avinés de son père qui l’a désigné comme exutoire de sa misère infâme.

Batailles libertines, La vie et l’œuvre de Gabriel Naudé, Anna Lisa Schino (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 09 Mars 2021. , dans Italie, Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Editions Honoré Champion

Batailles libertines, La vie et l’œuvre de Gabriel Naudé, Anna Lisa Schino, juin 2020, trad. italien, Stéphanie Vermot-Petit-Outhenin, 340 pages, 55 € Edition: Editions Honoré Champion

 

Gravitant hors du champ de la culture générale, Gabriel Naudé (1600-1653) appartient à la constellation des « libertins érudits », selon la belle expression de René Pintard, par laquelle il ne faut pas entendre un libertinage de mœurs (encore que cette dimension ne soit point exclue, mais elle n’est pas primordiale), mais un libertinage d’idées, Naudé s’étant aventuré dans des secteurs obscurs de la pensée, lesquels eussent bien pu, s’il n’y avait pris garde, être éclairés par son propre bûcher (il naquit quinze jours avant le supplice de Giordano Bruno).

Comme le remarque Anna Lisa Schino dans son beau livre, Naudé fut d’abord et avant tout un médecin, qui effectua une partie de ses études en Italie. Le séjour transalpin constitua pour le jeune Parisien une expérience capitale. En Italie, Naudé découvrit non seulement les intrigues et les plaisirs qui faisaient le sel d’un séjour pareil, mais encore et surtout un fort courant de scepticisme à l’égard des religions, courant qui semblait paradoxalement se faire plus vif encore à mesure que l’on s’approchait de Rome et des palais pontificaux.

L’Alphabet du monde, Amedeo Anelli (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 15 Janvier 2021. , dans Italie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Editions du Cygne

L’Alphabet du monde, Amedeo Anelli, juin 2020, trad. italien, Irène Duboeuf, 54 pages, 10 € Edition: Editions du Cygne

 

Le poète sismographe (c’est lui qui l’assume dans un de ses poèmes) transfigure la nature, les brumes, l’air, la neige en images métaphysiques du silence, de la patience.

Que de « brumes » pleurantes dans ces poèmes qui suintent la terre boueuse, l’attente grasse, le fleuve qui imprègne, les paysages meurtris par l’hiver. Que de sens de la nature en lente métamorphose, qui prête givres et coulées à notre réflexion.

Anelli n’est pas si éloigné de Pavese, sur des terres un peu différentes, cet éclair de conscience lucide sur le réel ambiant.

Redessiner le monde en « contrepoints », où l’enfant, la mère, les terres familières énoncent leur position, que le regard embrasse, sans presque de nostalgie, mais selon une phénoménologie patiente : il est si difficile de dire le nom du silence, d’épeler les terres qui perdent leur matité, leur contour. Le poète, lui, sait que son univers est là, dans une attention minérale et végétale :