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Italie

Adieu fantômes, Nadia Terranova (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Lundi, 02 Décembre 2019. , dans Italie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La Table Ronde

Adieu fantômes, octobre 2019, trad. italien Romane Lafore, 240 pages, 22,40 € . Ecrivain(s): Nadia Terranova Edition: La Table Ronde

 

Voilà pour la jeune romancière italienne un deuxième roman, sélectionné par le Prix Strega 2019. Ce très beau livre est non seulement un hommage à Messine, à la maison familiale mais surtout à ces êtres disparus, perdus, qui restent flottants comme des fantômes obsédants.

Ida part de Rome, quitte pour un temps Pietro, son mari, pour venir aider sa mère à déblayer l’appartement de Messine, qui a besoin de travaux. Le retour dans la ville natale est un vivier de souvenirs : l’amitié pour Sara, la disparition, alors qu’elle avait treize ans, de son père Sebastiano, parti un matin, jamais revenu. La perte du père n’a jamais été cicatrisée, et pour la mère, et pour elle-même. Le fantôme du père peuple les nuits d’Ida et le roman reprend ses veilles, ses rêves, ses cauchemars, en alternance avec le récit de ce retour aux sources. La mère a entrepris de restaurer la terrasse du petit appartement humide, et a fait appel à Nikos et à son père. Ida sent la fragilité de ce garçon de vingt ans, au visage arborant une cicatrice. Le séjour ravive les querelles entre mère et fille, tandis qu’Ida aime de plus en plus quitter la sphère familiale pour arpenter la ville. Elle reçoit des appels de Pietro, revoit Sara et sort un soir avec Nikos, avide de lui raconter son passé.

Journal secret (1941-1944), Curzio Malaparte (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Mercredi, 20 Novembre 2019. , dans Italie, Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Biographie, Quai Voltaire (La Table Ronde)

Journal secret (1941-1944), février 2019, trad. italien Stéphanie Laporte, 322 pages, 23,70 € . Ecrivain(s): Curzio Malaparte Edition: Quai Voltaire (La Table Ronde)

 

Œuvre inédite

Quel voyage !

Quel périple spatio-temporel, historico-géographique dans l’Europe en guerre ! Quelle bouleversante intrusion/incursion aussi, dans l’univers intime des faits et gestes quotidiens et dans la vision intérieure et secrète d’un écrivain journaliste correspondant de guerre, controversé, blâmé, interpellé, menacé d’emprisonnement, brièvement incarcéré pour sa proximité apparente avec les milieux fascistes italo-germaniques dont il ne partage toutefois nullement l’idéologie fangeuse !

Les notes, écrites au jour le jour, pourraient faire penser tantôt aux Choses vues de Victor Hugo par le style, la précision et l’expression sans fausse pudeur d’une vision personnelle, tantôt au journal de bord, sec, utilitaire, pressé et réglementaire d’un navigateur solitaire, et couvrent en deux parties deux périodes distinctes dans des lieux différents, la première s’étalant de la Bulgarie à la Laponie d’avril 1941 à juillet 1943, la deuxième se situant en Italie, principalement à Capri et à Naples de septembre 1943 à juin 1944.

La Féroce, Nicola Lagioia (par Catherine Blanche)

Ecrit par Catherine Blanche , le Mardi, 15 Octobre 2019. , dans Italie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Folio (Gallimard)

La Féroce, Nicola Lagioia, septembre 2019, trad. italien Simonetta Greggio, Renaud Temperini, 512 pages, 9 € Edition: Folio (Gallimard)

 

Voici un roman qui ressemble à s’y méprendre à une course d’obstacles : beaucoup d’embuches, des chausse-trappes, quelques vagues éclaircies le temps de se remettre à peu près en selle et de nouveau patatras, la tête sous l’eau avec des sales moments de redondance et d’ennui profond où tout se confond. On en bave vraiment, ça patine et puis, aux trois quarts du parcours, étrangement, cela s’arrange, et même de mieux en mieux puisqu’on se surprend à être ému. Oui, vous avez bien lu. Ému, vraiment, au point de s’accrocher à ces deux êtres : la belle Clara (qui multiplie les aventures sans lendemain et les prises de cocaïne) et son demi-frère Michele.

Enfin, dans la dernière ligne droite, on se sent comme récompensé : la fin est réussie.

Au tout début du récit, Clara est retrouvée morte au pied d’un immeuble et tout porte à croire qu’elle se soit suicidée.

Comme Dieu le veut, Niccolò Ammaniti (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 26 Septembre 2019. , dans Italie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Le Livre de Poche

Comme Dieu le veut (Come Dio comanda, 2006), trad. italien Myriem Bouzaher, 531 pages, 8,30 € . Ecrivain(s): Niccolò Ammaniti Edition: Le Livre de Poche

 

C’est un roman noir. Très noir. Encore un dit-on ? Non UN roman noir, unique en son genre, par sa puissance lyrique, son style qui hache menu, ses personnages époustouflants, improbables, inoubliables. Ammaniti situe son drame dans une banlieue perdue de Turin, peuplée de ces êtres paumés qu’on peut trouver dans les banlieues perdues. Perdus à ce point rarement sans doute. Rino Zena et son jeune fils Cristiano, Quattro Formaggi (qui doit son surnom à sa passion pour les pizzas), Danilo et leurs satellites sont des marginaux d’une extrême pauvreté, qui vivent dans des lieux improbables, la tête bourrée de délires invraisemblables, petits délinquants à la petite semaine. Ce sont surtout des personnages au bord de l’idiotie maladive, dans la grande tradition littéraire des paumés de Steinbeck ou de McLiam Wilson.

Le « chef », c’est Rino Zena. Il est « nazi », affiche des drapeaux frappés de la croix gammée dans son taudis. En fait, c’est lui qui est frappé. Atteint de délires paranoïaques et mégalomaniaques. Le malheureux gamin qui lui sert de fils – le seul personnage à peu près normal de l’histoire – doit subir ce père, qu’il aime profondément. Curieux et impossible chemin initiatique que les pas de ce père.

Chants, Canti, Giacomo Leopardi (Augustin Talbourdel)

Ecrit par Augustin Talbourdel , le Lundi, 19 Août 2019. , dans Italie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie

Chants, Canti, juin 2019, Garnier-Flammarion, édition bilingue, trad. italien Michel Orcel, 352 pages, 10 € . Ecrivain(s): Giacomo Leopardi

 

Les poètes ont-ils tous leur place sur le monument de Dante ? Giacomo Leopardi s’est octroyé la sienne. Jeune homme de santé fragile et d’un talent inouï, Leopardi a construit dans son Zibaldone et ses Canti un système philosophique et poétique qui a influencé toute la littérature et la pensée de son temps, notamment Schopenhauer et Nietzsche. Le second poème de ses Canti, sans doute l’un des plus réussis, intitulé Sur le monument de Dante, pourrait servir de manifeste à toute la poésie lyrique que Leopardi considère comme « la cime, le comble, le sommet de la poésie, qui est elle-même le sommet du discours humain » (Zibaldone).

On pourrait définir le poète comme un homme qui a trop lu Dante. Définition légère, bien peu académique, mais vérifiée dans la première partie des Canti. Les neuf premières canzones, plus ou moins régulières, sont encore classiques et d’inspiration dantesque. Seguitando il mio canto con el suono (Purgatoire, I, 10 : « Suivant mon chant avec cette musique ») : le chant léopardien a débuté comme ça, comme une variation de La Divine Comédie. On retrouve bel et bien, dans les Canti, la « selva oscura » (forêt obscure) du début de l’Enfer, le « veglio solo » (vieillard solitaire) à l’entrée du Purgatoire ainsi que des Béatrice, celle qui ouvre le Paradis (« quand je vis Béatrice, tournée / sur son flanc gauche, regarder le soleil »).