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Critiques

Le Serment de l’espoir, Que la vie souffle encore demain, Parme Ceriset (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Jeudi, 20 Mai 2021. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, L'Harmattan

Le Serment de l’espoir, Que la vie souffle encore demain, février 2021, 248 pages, 22,50 € . Ecrivain(s): Parme Ceriset Edition: L'Harmattan

 

Il y a, dans ce roman, une sorte de nostalgie du bonheur d’être et à se représenter l’épreuve une fois celle-ci passée et maîtrisée. Beaucoup de douceur ; de gestes d’amour de proches, de parents et d’un personnel soignant remarquable.

L’écriture est mûre, belle et poétique, ce qui n’étonnera personne.

Un manquement physique, fût-il provisoire, aiguise, à l’instar des gens privés de vue, les autres sens, ce qui d’une part en émoustille d’autres et d’autre part accentue les fonctions essentielles possibles, telle justement chez la narratrice cette sorte d’instinct d’observation lié à la vue, mais pas seulement car cette vue « pense » en poète/écrivaine et détaille : « Me saisissant du cadeau que mon père me tendait, je fus instantanément émerveillée par la teinte juteuse et vive de son pelage (ndlr : il s’agit d’une peluche offerte par le papa) qui me rappelait les cœurs de Marie, ces grappes de fleurs fuchsia que ma tante Marcelle m’avait fait découvrir entre les jonquilles flamboyantes et les jacinthes roses au parfum envoûtant, dans le jardin de mon arrière-grand-mère ».

Le Prince noir, Iris Murdoch (par Marie-Pierre Fiorentino)

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Mercredi, 19 Mai 2021. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Gallimard

Le Prince noir, Iris Murdoch, L’imaginaire Gallimard février 2015, trad. anglais, Yvonne Davet, 530 pages, 28 € . Ecrivain(s): Iris Murdoch Edition: Gallimard

 

« Dans la plupart des cas,

le sac aux chiffons de la conscience

n’est unifié que par l’expérience vécue

du grand art ou de l’amour intense ».

 

Bradley Pearson, cinquante-huit ans, à ses heures critique littéraire, ne vit que pour le projet d’écrire, enfin, la grande œuvre de sa vie. Estimant le moment venu, il a pris sa retraite et se trouve sur le point de quitter, pour une durée indéterminée, son logement londonien vers une destination au calme. Il s’apprête donc, ce matin-là, à partir à la gare. Mais l’angoisse le saisit. N’a-t-il rien oublié ? Il défait sa valise, atermoie, ignorant que cet instant de doute va lui valoir de vivre une dizaine de jours décisifs dans son existence et aux lecteurs une plongée dans une sorte de vaudeville trépidant que la traduction d’Yvonne Davet rend haletant.

Carnivale, Nicole Caligaris (par Guy Donikian)

Ecrit par Guy Donikian , le Mercredi, 19 Mai 2021. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Verticales

Carnivale, janvier 2021, 388 pages, 21,50 € . Ecrivain(s): Nicole Caligaris Edition: Verticales

 

Certains fleuves, en France comme ailleurs, recèlent, malgré un calme apparent, des tourbillons dont la particularité est d’entraîner le nageur vers le fond, avant de le propulser à la surface. Pour qui n’est pas n’est pas averti, le danger est réel, le sentiment de ne pouvoir lutter contre l’élément liquide, masse mouvante dont la force annihile tout effort.

Ce sont ces sentiments, contradictoires et puissants que provoque la lecture de ce texte. Le tourbillon tout d’abord, puisque Nicole Caligaris déploie des phrases parfois très longues, dans lesquelles ce qui s’apparente à des digressions produit en définitive une espèce de kaléidoscope où se superposent plusieurs degrés du récit. Mais la trame est présente, les éléments du puzzle se mettent progressivement en place, l’auteure ne perdant jamais le fil d’une construction dont les apparences peuvent laisser supposer le contraire. La trame se dessine ainsi, au fil des appendices que sont ces « digressions », les images d’abord floues se précisent et les différents protagonistes affichent les liens qui, au premier regard, étaient plutôt distendus.

Méridien de sang, Cormac McCarthy (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 18 Mai 2021. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, USA, Roman, Points

Méridien de sang (Blood Meridian, or the Evening Redness in the West, 1985), Cormac McCarthy, Points, 2016, trad. américain, François Hirsch, 463 pages, 8,20 € . Ecrivain(s): Cormac McCarthy Edition: Points

 

Le gamin – nous ne saurons jamais son nom – nous mène dans une traversée hallucinée de quelque chose qui ressemble à s’y méprendre au cœur de l’Enfer. C’est la structure même du roman. Un déroulé d’épisodes, de scènes, de rencontres qui est la marque de McCarthy, cet amoureux des phrases coordonnées, scandées par les et … et … et. Cette scansion donne à tout le roman une musique de litanie funèbre, de thrène cent fois répétée, couvrant ainsi tout le récit de la résonance du théâtre antique. L’ostinato du récit qui se tient entre le Texas et le Mexique – évoque aussi, puissamment, le célèbre et sinistre Deguello mexicain, air de trompette déchirant et infiniment répétitif, joué à l’occasion des grands massacres guerriers (on l’entend, entre autres, dans le fameux Alamo de John Wayne), ceux où on annonce qu’il n’y aura place pour aucune pitié. Et, pendant que nous évoquons le cinéma, il est impossible de ne pas parler des films de Sam Peckinpah qui semblent planer sur chaque scène du roman. Des moments surgissent, tout droit sortis de La Horde Sauvage. Car Méridien de sang est un roman très visuel, les couleurs y jouent un rôle essentiel, à commencer par son titre bien sûr.

Applaudissez-moi !, Philippe Zaouati (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Mardi, 18 Mai 2021. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman

Applaudissez-moi !, Philippe Zaouati, Éditions Pippa, septembre 2020, 132 pages, 15 €

Ce livre commence un peu comme le récit d’une dérive situationniste, le personnage central raconte comment le dimanche, souvent ses pas le menaient de son domicile de l’île Saint-Louis au 36 quai des Orfèvres où l’attendait le fantôme de Jouvet. Son ton est presque celui de la nostalgie, il a la couleur des murs gris du bâtiment historique de la PJ. Puis d’un coup, la lumière se fait très dure, elle dessine crûment les contours du décor, et le présent frappe le narrateur de face, l’oblige à dissiper les souvenirs, à affronter le présent, désormais le 36 c’est Clichy, le Bastion avec son imposante façade de verre. « Le temps des petits pas est révolu, une brèche s’est ouverte avec l’épidémie, il est peut-être temps d’y engouffrer nos rêves. On me fait patienter dans une grande salle impersonnelle dans laquelle ont été alignées trois rangées de sièges en résine grisâtre ».

La réalité, c’est que nous sommes en août 2020 au cœur de l’épidémie de Covid 19. Samuel K., expert financier, professeur à Sciences Po, va être mis en garde à vue pour « faux et usage de faux, usurpation d’identité, détournement de fonds, escroquerie en bande organisée et abus de bien social ». Faisant sans doute partie de ces gens qui sont capables d’écrire comme ils parlent, ce qui donne beaucoup de fluidité au texte, le père de notre héros, Philippe Zaouati, va raconter en un long monologue ce qui est arrivé à Samuel K.