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Roman

Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier, Patrick Modiano (2ème article)

Ecrit par Laurent Bettoni , le Lundi, 12 Janvier 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard

Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier, octobre 2014, 160 pages, 16,90 € . Ecrivain(s): Patrick Modiano Edition: Gallimard

 

Ce qu’il y a de bien, avec Patrick Modiano, c’est que, contrairement à ses personnages, les lecteurs ne sont jamais perdus dans ses livres. Normal, ironisent certains, puisqu’il écrit toujours le même. C’est toujours l’histoire d’un homme qui marche dans les rues de Paris, la nuit et par temps de brume, à la recherche de son passé, de ses parents, de ses origines. Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier n’échappe pas au dogme. Il en serait même une sorte de quintessence, avec un titre fusion de deux précédents titres, Quartier perdu et Dans le café de la jeunesse perdue.

Soit. Sauf que. Sauf qu’en vérité c’est presque toujours le même livre, mais pas tout à fait non plus le même livre, et que tout réside dans le « presque », que là que se niche l’immense talent de l’auteur, que, là, tient son univers, son œuvre. Modiano, jusqu’à présent, a toujours su apporter une nouvelle nuance à la nostalgie, donner une nouvelle dimension à la mélancolie.

Le clan du sorgho rouge, Mo Yan

Ecrit par Patryck Froissart , le Vendredi, 09 Janvier 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Asie, Seuil

Le clan du sorgho rouge, septembre 2014, traduit du chinois par Sylvie Gentil, 444 pages, 23,50 € . Ecrivain(s): Mo Yan Edition: Seuil

 

Phénoménal roman de bruit et de fureur, Le clan du sorgho rouge entraîne le lecteur dans la Chine profonde, rurale, aux traditions ancestrales, du milieu du XXe siècle, à partir de l’occupation de la Chine par les armées japonaises, et le plonge dans une série d’événements chaotiques faits de guérilla contre l’envahisseur, de brigandage de grand chemin, et de guerre civile permanente entre de puissantes bandes de fripouilles, des partisans du Kuomintang, des clans villageois et des maquisards du Parti Communiste Chinois.

En toile de fond permanente, les champs de sorgho rouge.

Entre ces multiples bandes armées se font et se défont alliances et contre-alliances, défections et trahisons, au milieu de ces champs de sorgho qui constituent un élément fort, en quelque sorte un personnage immanquablement présent, doué de sentiment, dont la vie et les humeurs saisonnières accompagnent les épisodes guerriers et les entractes romantiques, ceux-ci étant d’ailleurs souvent aussi empreints de violence que ceux-là.

Évariste, François-Henri Désérable

Ecrit par Philippe Chauché , le Mercredi, 07 Janvier 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard

Évariste, janvier 2015, 176 pages, 16,90 € . Ecrivain(s): François-Henri Désérable Edition: Gallimard

 

« On a dit à tort qu’il fut victime d’un complot ; à raison qu’il fut aux mathématiques ce qu’à la poésie fut Arthur Rimbaud : (…) un Rimbaud qui n’aurait connu ni Harar ni Aden ni les dents d’éléphant ni la scie sur la jambe à Marseille : parce qu’en vérité c’est la fin du dormeur que ce Rimbaud a connue… »

Et si les romanciers étaient aussi de grands historiens ? Et si l’Histoire de France se mettait à résonner autrement, à vibrer d’une autre et belle manière lorsqu’un romancier s’en saisit ? François-Henri Désérable a pour lui la légèreté, la vitesse, la souplesse, l’agilité et la grâce d’un écrivain qui écrit comme l’on patine. Il s’élance sur la glace de l’Histoire de la Révolution – Tu monteras ma tête au peuple – et de la vie bouillonnante d’Évariste Galois Évariste – avec la même facilité, la même allégresse, face à l’échafaud de la Terreur, ou au cœur du volcan des années d’apprentissage de l’artiste des Nombres.

Évariste prolonge le rêve Girondin de Tu montreras ma tête au peuple, et François-Henri Désérable y met tout autant de désir et de plaisir que dans son premier « roman ». L’Histoire est toujours une affaire de style, et il en faut tout autant pour s’en saisir et la faire sienne.

Laissez parler les pierres, David Machado

Ecrit par Marc Ossorguine , le Mardi, 16 Décembre 2014. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue portugaise

Laissez parler les pierres (Deixem falar as pedras, 2011), Ed. de l’Aube, août 2014, traduit du portugais par Vincent Gorce, 320 pages, 19,90 € . Ecrivain(s): David Machado

 

Valdemar écrit. Il écrit les souvenirs de son grand-père. Valdemar est un adolescent qui supporte mal le lycée et qui est plein de désir envers sa seule amie, Alice, une jeune fille anorexique qui le trouve si cool. Entre un père vaguement présent, plus soucieux d’histoire et de sa collection de pièces, et une mère journaliste dont la carrière justifie bien des absences, l’adolescent va être pris par les souvenirs terribles que son grand-père lui livre entre deux « tele-novelas ».

Aujourd’hui, le grand-père, Nicolau Manuel, se sent bien peu chez lui, occupant le bureau de son fils, ne pouvant plus se déplacer sans fauteuil et devenu sourd il y a des années. Jadis, Nicolau était le chasseur le plus réputé de son village, promis à un mariage avec la délicieuse Graça… mais aux sombres années de la dictature son destin a basculé, accusé de complots, de crimes, d’agitation politique, il va connaître des années durant l’emprisonnement, la torture et l’arbitraire le plus absurde… c’est en tout cas ce qu’il raconte, ce que Valdemar écrit page après page.

Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier, Patrick Modiano

Ecrit par Martine L. Petauton , le Samedi, 13 Décembre 2014. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard

Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier, octobre 2014, 146 pages, 16,90 € . Ecrivain(s): Patrick Modiano Edition: Gallimard

 

Tout Modiano, déjà, dans le titre : perdes quartier, et le tu qui s’adresse à un petit enfant, et donc à la mémoire. Entre chien et loup, toujours. Tout Modiano dans ce petit livre, qui contient peut-être tous les autres, sans lasser, sans aucun ressenti de répétition. Rien ou presque, pourtant, de réellement nouveau dans cette lente promenade entre Paris et les forêts proches, à la quête, mine de rien, du fondamental, sous des apparences faussement dilettantes, discrètes et si peu appuyées : un effeuillé, très parfumé, de mémoire disparue. Rien, quoique… plutôt, une fenêtre, encore, sur ce voyage à l’intérieur de soi, et, forcément, pas la même ouverture – pas exactement – que dans ses autres livres : « cette période de sa vie avait fini par apparaître à travers une vitre dépolie. Elle laissait filtrer une vague clarté mais on ne distinguait pas les visages, ni même les silhouettes ».

Une structure « Modianesque » : l’adulte déjà avancé en âge, qui se retourne – une rue, une enseigne de boutique, un nom dans un article ou au téléphone, une silhouette… et, aussitôt, le flot remontant du passé – d’un bout, du moins. Surgissement d’un ailleurs de soi, enfoui, et d’un coup, mis en pleine lumière. Il y a dans les personnages de Modiano, et dans celui-ci, de l’archéologue et sa fine truelle, de ses doutes et de l’infini déroulé de ses hypothèses, aussi.