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Roman

L’homme provisoire, Sebastian Barry

Ecrit par Theo Ananissoh , le Vendredi, 31 Octobre 2014. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Joelle Losfeld

L’homme provisoire, traduction de l’anglais (Irlande) par Florence Lévy-Paoloni, septembre 2014, 248 pages, 19,50 € . Ecrivain(s): Sebastian Barry Edition: Joelle Losfeld

 

 

Le volume moyen du livre trompe à première vue sur l’ambition, merveilleusement accomplie, de son auteur. L’homme provisoire de l’Irlandais Sebastian Barry, en réalité, est une somme ; un ouvrage complet. Jack McNulty, le narrateur, rencontre la belle Mai (Mary) en 1922 alors qu’ils sont tous deux à peine sortis de l’adolescence. Nous les verrons devenir parents, puis grands-parents. 1922, c’est l’année de la reconnaissance par le Royaume-Uni de l’Indépendance irlandaise proclamée par les nationalistes en 1916. Entre ces deux dates, une guerre sanglante pour se libérer d’une domination coloniale vieille de quelque sept cents ans ! Cela explique qu’elle est aussi une douloureuse guerre civile, présente jusqu’au sein des familles comme celle de McNulty dont un frère, engagé dans les rangs de la Police Royale Irlandaise (au service des Britanniques), doit fuir le pays indépendant, quittant ainsi à jamais une mère éplorée.

Cherchez la femme, Alice Ferney

Ecrit par Sophie Galabru , le Jeudi, 30 Octobre 2014. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Babel (Actes Sud)

Cherchez la femme. Réédition 10/2014. 702 p. 11 € . Ecrivain(s): Alice Ferney Edition: Babel (Actes Sud)

 

A travers un récit transgénérationnel décliné selon deux grandes histoires d’amour, Alice Ferney entreprend un vaste roman et une analyse psychologique du couple, de ses débuts à son délitement. Racontant l’histoire de Serge Korol à partir de la seconde moitié du livre, l’auteur déploie d’abord patiemment celle de ses parents, de leur rencontre, des motivations secrètes, sous-tendu par un principe psychanalytique bien connu : le passé de nos aïeux, et de nos parents pèse de toute sa force sur notre éducation, notre enfance, nos projets, nos désirs, et nos choix.

Dès lors, Alice Ferney revient sur cette première intrigue amoureuse, celle des parents de Serge : Nina Javorsky, fille et petite-fille de mineurs polonais et Vladimir Korol ingénieur de la mine. A travers les lignes, l’auteur entend moins décrire le présent des protagonistes pour ce qu’il est que pour le résultat de facteurs conjugués dont il résulte : nulle vérité romanesque à l’œuvre, mais le décryptage du mensonge romantique à partir du passé des êtres et des désirs qu’il sécrète. La rencontre tend donc vers sa décomposition en éléments simples : désir de s’élever socialement pour Nina Javorsky, désir de transformer un simple désir charnel en un coup de foudre pour Vladimir Korol. L’amour et le couple naissent plus souvent qu’on ne veut bien le dire de ces ingrédients dont on souhaite se cacher la simplicité :

Orpheline, Marc Pautrel

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 30 Octobre 2014. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard, La rentrée littéraire

Orpheline, octobre 2014, 96 pages, 12 € . Ecrivain(s): Marc Pautrel Edition: Gallimard

 

 

« A chaque fois, les premières semaines, avec les hommes elle essaie de garder ses secrets. Mais ces secrets sont trop lourds et les évidences sont là, impossibles à dissimuler : elle n’a plus ses parents. Elle ne dit pas qu’ils sont morts, ou disparus, ou qu’elle les a perdus, non, elle dit : Je ne les ai plus. Ou parfois, plus violemment encore : Je n’en ai pas, comme si ses parents avaient été à jamais inconnus, ce qui n’est pas le cas puisqu’elle porte leur nom ».

Si Marc Pautrel était musicien, nous pourrions dire de lui qu’il marche sur les pas de Paul Bley, concision, précision, immersion dans la mélodie, dans sa structure, ses échos, richesse de l’harmonie, qui montent de son clavier comme une brise légère venue du large. Si Marc Pautrel était peintre, nous pourrions évoquer les dessins de Matisse, feuilles, arbres, visages de femmes, natures endormies, ligne pure, trait blanc, net, face à face avec le modèle, travail permanent sur le motif.

Tram 83, Fiston Mwanza Mujila

Ecrit par Cathy Garcia , le Mercredi, 29 Octobre 2014. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Métailié, La rentrée littéraire

Tram 83, août 2014, 208 pages, 16 € (Prix de littérature de la ville de Graz 2014) . Ecrivain(s): Fiston Mwanza Mujila Edition: Métailié

 

Tram 83 se trouve dans la Ville-Pays, et la Ville-Pays dirigée par un Général dissident, avant tout principal propriétaire minier, se trouve en Afrique, une Afrique réinventée, comme peinte sous acide.

La Ville-Pays, c’est le Tram 83, avec la gare « dont la construction métallique est inachevée », les mines et quelques faubourgs. Mais c’est surtout le Tram 83, bar, restaurant, boite de nuit, un lieu de perdition totale où grouille une faune à la fois locale et venue du monde entier. Mineurs-creuseurs, rebelles dissidents, étudiants en lutte, fonctionnaires misérables, prospecteurs, enfants-soldats, vendeurs d’organes, « prophètes, jongleurs, anciens forçats » et biscotte, ces jeunes garçons qui servent à tout, se bousculent dans cet antre vaste et obscur comme cul de diable, sous la pression des serveuses, aides-serveuses, filles-mères et canetons (filles de moins de 16 ans) qui demandent l’heure à tout va et tout ça côtoie bruyamment une faune encore de touristes à but lucratif, de prospecteurs, de Chinois, de musiciens de partout et de toutes les musiques et de n’importe quels personnages imaginables, plus ou moins fréquentables.

Frankenstein et autres romans gothiques en La Pléiade

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Mardi, 28 Octobre 2014. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, La Pléiade Gallimard

Frankenstein et autres romans gothiques, traduction de l’anglais par Alain Morvan et Marc Porée, sous la direction d’Alain Morvan avec Marc Porée, 23 octobre 2014. 1440 p. Px de lancement jusqu'au 312 janvier 2015 58 € Edition: La Pléiade Gallimard

 

Le terme « gothique » s’est employé et s’emploie encore dans les contextes les plus divers, de l’ethnicité à la mode vestimentaire et cosmétique, en passant par la typographie ou par l’architecture. Mais qu’en est-il du gothique littéraire, à l’effarante contagiosité (le roman gothique a connu et connaît encore le succès que l’on sait) ?

À la différence du classicisme, du symbolisme ou du réalisme, la littérature gothique ne se contente pas de se constituer en école – ce qu’elle n’a d’ailleurs jamais été tout à fait –, ni en mode ou en genre – ce qu’elle fut sans conteste. « C’est une orientation, une pente, une certaine forme de sensibilité, et même de vision ». Et un goût, pourrait-on ajouter.

Un goût pour – notamment – le spectaculaire, conçu comme frère du monstrueux, goût dont témoigne Le Château d’Otrante, roman d’Horace Walpole qui constitue, en 1764, l’acte de naissance du gothique littéraire.