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Recensions

Homo erectus, Tonino Benacquista

Ecrit par Patryck Froissart , le Mardi, 13 Novembre 2012. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Roman, Folio (Gallimard)

Homo erectus, Folio 2012, 305 pages . Ecrivain(s): Tonino Benacquista Edition: Folio (Gallimard)

Chaque jeudi, à Paris, dans un endroit secret qui n’est jamais le même, des hommes racontent devant d’autres hommes la nature et l’évolution des rapports qu’ils entretiennent ou ont entretenus avec une ou plusieurs femmes, puis cette assemblée extraordinaire se sépare, sans un commentaire autorisé sur aucune des « confessions », sur l’annonce de l’adresse de la session suivante.

Ce pourrait être la scène d’un nouvel Heptaméron qui aurait pour règles singulières que les participants ne se connaissent pas, ne déclinent pas leur identité, ne cherchent pas à en savoir plus que ce qui est narré, ne se parlent pas, ne se rencontrent point hors de l’étrange atelier qu’ils cessent de fréquenter quand ils en ont envie.

Or dans Homo erectus, trois des personnages qui se sont trouvés un même soir en ce cercle mystérieux enfreignent ce règlement : tout en assistant épisodiquement aux soirées occultes, ils se retrouvent ponctuellement à la terrasse d’un café, confrontent le bilan négatif qu’ils se font de leur relation passée avec le deuxième sexe, puis en tirent leçon, chacun à sa façon, chacun avec la morale qu’il prend la décision d’adopter dorénavant, pour se tracer, délibérément, obstinément, une vie nouvelle fondée sur un changement radical de conduite vis-à-vis de la gent féminine.

Les fidélités successives, Nicolas d'Estienne d'Orves

Ecrit par Stéphane Bret , le Lundi, 12 Novembre 2012. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Roman, Albin Michel

Les fidélités successives, 715 p. 23 €, Août 2012 . Ecrivain(s): Nicolas d'Estienne d'Orves Edition: Albin Michel

 

Comment expliciter les sinuosités d’un parcours de vie ? Comment les justifier, lorsque ces dernières deviennent difficilement compréhensibles ou injustifiables au final ?

C’est la méthode que semble avoir adoptée Nicolas d’Estienne d’Orves dans son roman Les fidélités successives. L’origine de l’intrigue du roman est familiale : deux frères, Victor et Guillaume Berkeley, vivent, dans l’entre deux-guerres, une enfance paisible dans les Iles anglo-normandes, plus précisément dans l’île de Malderney, sous la férule d’une mère protectrice, passablement autoritaire, Virginia Berkeley, veuve remariée avec un certain Philip qui vit sous le toit familial. Une particularité : Victor et Guillaume, tout en étant de nationalité britannique, parlent le français sans accent…

Un homme, Simon Bloch, est un ami de la famille, à laquelle il rend visite régulièrement par bateau. Ses visites sont l’occasion pour Guillaume, qui se languit et s’ennuie de ce mode de vie trop prévisible, trop calme, de cette île où il ne se passe jamais rien, d’entrevoir une autre vie par les récits que lui fait Simon Bloch, qui est producteur de films et de pièces de théâtre à Paris. Il décide Guillaume à le suivre à Paris.

Jim Morrison, Jean-Yves Reuzeau

Ecrit par Guy Donikian , le Dimanche, 11 Novembre 2012. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Biographie, Folio (Gallimard)

Jim Morrison, 425 pages, octobre 2012 . Ecrivain(s): Jean-Yves Reuzeau Edition: Folio (Gallimard)

 

L’inévitable subjectivité d’une biographie peut s’avérer plus que positive. C’est le cas de celle consacrée au chanteur des Doors, Jim Morrison, par Jean-Yves Reuzeau, pour qui cet ouvrage n’est pas un coup d’essai. L’auteur a le double mérite, outre l’écriture, de présenter Jim Morrison comme le poète qu’il fut tout au long de sa courte vie et comme une réelle et profonde solitude. Il eût été facile de mettre l’accent sur la « bête de scène », de montrer d’abord et avant tout les déboires judiciaires qui vont précipiter sa chute, autant de pièges auxquels l’auteur échappe.

Le poète tout d’abord, celui à qui, dès le plus jeune âge, « la lecture s’impose comme une passion dévorante ». Il découvre très tôt Kerouac, Ginsberg, les philosophes présocratiques le passionnent alors qu’il n’a pas vingt ans. Mais ce sont les poètes qui auront rapidement sa préférence, comme Rimbaud et William Blake. Le côté visionnaire du poète français le retiendra longtemps, jusque dans ses chansons. Lui-même se définissait comme « un homme de mots », sans doute l’aspect le plus important qu’il faille aussi retenir de Jim Morrison. Tous les textes des chansons des Doors seront des poèmes, incantatoires souvent, qu’il met en musique aves le groupe.

Toboggan, Gildas Milin

Ecrit par Marie du Crest , le Dimanche, 11 Novembre 2012. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Théâtre, Actes Sud/Papiers

Toboggan, 2012, 78 pages, 16 € . Ecrivain(s): Gildas Milin Edition: Actes Sud/Papiers

 

Le théâtre contemporain est assez souvent simultanément texte et spectacle vivant. C’est le cas avec Toboggan de G. Milin. En effet l’auteur monte sa propre pièce, en assure la scénographie et la lumière dans une production des Bourdons Farouches alors même que le texte sort en librairie.

Celui-ci nous plonge dans une sorte de « sociale-fiction », même si le phénomène des vieux abandonnés de tous, sans protection sociale aucune, qui survivent en devenant délinquants, espérant ainsi aller en prison, existe bel et bien au Japon. Nous pénétrons dans une jungle urbaine qui, sur le plateau, deviendra une lande de sable. La première didascalie de la scène 1 est explicite : « Béton, terrain vague, ordures, désert ». Un gang de vieux malades approchant les 70 ans, au parcours professionnel plus ou moins chaotique (la liste longue des personnages fonctionne comme un CV impitoyable), apparaît dès le début du texte selon un entrelacement. Le nom des personnages les intègre au monde des bêtes ou à celui des Indiens : Loup ; Louve ; Butor étoilé. Ils sont sauvages, ils lynchent sauvagement un homme dans la scène 1,5,15. Ils se nourrissent comme des animaux, dévorant le contenu de boîtes de conserve.

Marche forcée, oeuvres, 1930-1944, Miklós Radnóti

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Samedi, 10 Novembre 2012. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Pays de l'Est, Poésie, Récits, Phébus

Marche forcée, Œuvres, 1930-1944, trad.hongrois et présentation par Jean-Luc Moreau, Editions Phébus, Collection D’aujourd’hui. Étranger, 2000 . Ecrivain(s): Miklós Radnóti Edition: Phébus

 

« La mort, de notre attente, est la rose vermeille ».

Il était une fois un jeune homme qui marchait vers le nord. Il ne mangeait ni ne buvait. Il ne toucha pas au pain que lui jeta un boulanger. Il ne put y toucher. On cassait les bras qui se tendaient. Il était une fois un homme plein d’espoir qui avait pour compagnons de voyage des hommes qui étaient abattus parce qu’ils étaient pieds nus ou parce qu’ils avaient gardé leurs chaussures. Il était une fois un homme qui voulut malgré tout continuer. Il ne pouvait ni manger, ni boire. Ce qui retint son attention, un soir de magnifique coucher de soleil, ce fut un peu de maïs séché, qui était éparpillé sur le sol, et qui l’appelait. Sans manger ni boire. Le cochon qu’il vit au loin voulut bien lui laisser un peu de son modeste repas (bouillie de maïs). Il était une fois un homme qui marchait en direction du nord. Il vit son ami musicien (qui n’avait guère plus de vingt printemps dans ses chaussures – il les avait gardées –) recevoir une balle dans la nuque parce qu’il ne voulait pas se défaire de son violon (dont il se servait pour vivre). Il le vit se relever, marcher en boitant vers un arbre, et s’écrouler, obéissant au chant d’une mitraillette, lequel avait immédiatement suivi ces aboiements : Der springt noch auf (Il remue encore).