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Recensions

Hier ou après-demain, Patrik Ourednik

Ecrit par Marie du Crest , le Mardi, 20 Novembre 2012. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Théâtre, Allia

Hier et après-demain, propos de cinq survivants traduit et adapté par Benoît Meunier & Patrik Ourednik, 2012, 126 p., 6,20 € . Ecrivain(s): Patrik Ourednik Edition: Allia

Si vous allez sur le site www.2012fin.com, vous découvrirez un compte à rebours qui, à la seconde près, nous rapproche de la fin du monde annoncée par quelques esprits tourmentés pour le 21/12/2012. Patrik Ourednik, avec ironie, s’accapare ce vieux thème eschatologique. La pièce est sous-titrée « propos de cinq survivants ». Il semblerait bien en effet que le monde se soit « évaporé » au-dehors. Le cinéma hollywoodien a exploité le filon de la grande catastrophe à maintes reprises, donnant presque toujours dans ce que Delettre, l’un des personnages de la pièce appelle « le grandiose » :

« Soleil agonisant, ciel couvert de météorites, foules hystériques (…) enfants en pleurs errant dans les villes… ».

Seul Lars von Trier avec son film Melancholia pense autrement la destruction du monde. Ourednik, lui, se souvient du début de Huis clos même s’il ne réunit que des hommes au nombre de trois, tous quadragénaires ordinaires. Et l’Enfer sartrien ici devient le décor banal d’une maison composée de quelques éléments de mobilier au bout d’une route. Derrière la porte qui s’ouvre de l’intérieur ou de l’extérieur (la question taraude les personnages), le monde a disparu. L’unique effet perceptible de cette catastrophe, c’est le rétrécissement de l’espace qui, au fil des scènes s’accroît. Il n’y a pas trace de chaos. La pièce est parfaitement structurée en 4 scènes suivies d’un épilogue.

Le veau, suivi de Le coureur de fond, Mo Yan

Ecrit par Guy Donikian , le Lundi, 19 Novembre 2012. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Asie, Nouvelles, Seuil

Le veau, suivi de Le coureur de fond, octobre 2012, 18,50 € . Ecrivain(s): Mo Yan Edition: Seuil

 

Mo Yan, prix Nobel de littérature 2012, présente ici deux nouvelles dans lesquelles il se fait le témoin de son temps, nouvelles intitulées Le veau et Le coureur de fond. Le temps qu’il met en scène est celui de son enfance, vécue dans un village de la Chine de Mao. L’auteur sait parfaitement utiliser les faits les plus anodins, ou qui paraissaient tels dans ces lieux, pour nous plonger dans une époque qui faisait de l’absurde un paramètre ordinaire de la vie quotidienne et pour croquer des portraits savoureux de naïveté.

Le monde rural que dépeint Mo Yan est un monde difficile, où survivre suppose des astuces et un savoir que les paysans chinois de l’époque s’étaient transmis de génération en génération. Ainsi, comme on avait toujours châtré les veaux sans se soucier ni de la douleur que les animaux pouvaient ressentir ni des suites qu’une hygiène défaillante remettait au hasard ou aux dieux, l’enfant qu’était l’auteur assiste à la castration de trois veaux, dont un pour qui les choses tourneront mal.

Sur les ossements des morts, Olga Tokarczuk

Ecrit par Anne Morin , le Samedi, 17 Novembre 2012. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Pays de l'Est, Roman

Sur les ossements des morts, traduit du polonais par Margot Carlier, Noir sur Blanc, 299 pages, 22 € . Ecrivain(s): Olga Tokarczuk

 

Conjonction adversive, conjonction des contraires, dans cette histoire, attirance et répulsion agitent les personnages. Janina Doucheyko, la narratrice, ingénieur en retraite, donne un cours d’anglais par semaine à la petite école du village en contrebas, dans ce coin glacé de montagne dans les Sudètes. Les personnages autour d’elle vont recevoir un surnom ou un prénom inventé qui devient, à ses yeux, leur véritable identité : Grand Pied dont la mort va servir à la fois de déclic et de révélateur, Matoga, son voisin immédiat, et aussi Dyzio, ancien élève qu’elle aide à traduire Blake, Bonne Nouvelle, la jeune mandchoue du dépôt-vente de vêtements, qui vont graviter autour d’elle comme de petites planètes.

Que se passe-t-il dans l’espace, dans le monde céleste, qui n’ait pas son pareil dans ce monde-ci ? Quelles influences agissent sur nos humeurs ? Et notre « arbitre » est-il si libre que cela ? Sommes-nous maîtres absolus de nos actions et de nos réactions – au sens à la fois chimique et épidermique ?

L'ombre d'une chance, William Burroughs

Ecrit par Yann Suty , le Mercredi, 14 Novembre 2012. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, USA, Récits, Titres (Christian Bourgois)

L’ombre d’une chance (Ghost of chance 1991), traduit de l’anglais (USA) par Sylvie Durastanti, novembre 2012, 92 p. 7 € . Ecrivain(s): William Burroughs Edition: Titres (Christian Bourgois)

 

Dans ce court texte publié en 1991 aux Etats-Unis, William Burroughs reprend le fil des aventures du capitaine Mission, un capitaine d’aventures du XVIIIe siècle qu’il avait fait figurer dans le Havre des Saints et qui avait, depuis lors, fait des apparitions plus ou moins fugitives dans ses œuvres romanesques.

Le capitaine Mission dirige la Liberatatie, une colonie pirate qu’il a établie sur la côte ouest de Madagascar. Il y a promulgué une loi qui interdit de tuer les lémuriens sous peine d’exclusion de la colonie. Le crime est même passible de la peine de mort.

Pour les indigènes de la région, un lémurien est sacré. « En langue indigène, le terme employé pour lémurien signifie spectre, fantôme, ombre ». L’ombre ? Quelque chose à voir avec le titre du livre ?

Mission est aussi un émissaire de la Panique. La Panique, c’est le savoir que l’homme (qui est appelé ici un « Homo-sagouin ») redoute par-dessus tout : la vérité sur son origine.

Nouvelles du pays, Sefi Atta

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 13 Novembre 2012. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Afrique, Nouvelles, Actes Sud

Nouvelles du pays. Trad. Anglais (Nigéria) Charlotte Woillez. Novembre 2012. 359 p. 23 € . Ecrivain(s): Sefi Atta Edition: Actes Sud

L’écriture de Sefi Atta relève de l’extraordinaire, rien moins. On sourit, on rit franchement, à chaque histoire, à chaque page souvent et pourtant, peu à peu, presque sans s’en apercevoir, le lecteur est bouleversé jusqu‘au fond de l’âme par ces nouvelles qui racontent la misère de l’Afrique, la double misère des femmes africaines, la triple misère des femmes africaines et musulmanes.

Souffrances itinérantes et universelles, que ces femmes soient au pays – alors objets de toutes les maltraitances de la vie, de la culture locale et des hommes - ou émigrées dans les pays développés - objets alors des humiliations et de l’exploitation économique et sexuelle - ou encore marginales par désespoir, comme cette femme inoubliable de la nouvelle intitulée « Dernier voyage » et qui passe de la cocaïne du Nigéria en Angleterre par avion, en avalant des dizaines de sachets de caoutchouc remplis de blanche qu’elle évacuera à l’arrivée par des « voies naturelles » :

 

« Elle doit faire attention avec l’huile : s’il y en a trop, son ventre risque de sécréter des sucs gastriques et de dissoudre le latex. Les sachets sont trop gros, pas faciles à avaler. Quand ils descendent, ses oreilles se bouchent, sa poitrine se contracte. »