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Recensions

Jonas, Le requin mécanique, Bertrand Santini, Paul Mager (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Mercredi, 24 Avril 2024. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Grasset, Jeunesse

Jonas, Le requin mécanique, Bertrand Santini, Paul Mager, Grasset Jeunesse 2023, 15,90 € Edition: Grasset

 

Les automates en danger

Bertrand Santini (né en 1968, auteur reconnu pour la jeunesse, notamment pour Yark) signe ici un roman illustré qui a obtenu les Prix Libbylit et Millepages Jeunesse – une parodie des Dents de la mer. À MonsterLand, aux États-Unis, tout est artificiel : décors de plastique, spectacles faussement effrayants et interprètes en ferraille. Le parc d’attraction dépérit un peu dans une atmosphère de fête foraine bon marché. Là, « le vent dispersait des odeurs tièdes de barbe à papa et de pralines grillées. Les lumières du parc s’éteignaient une à une, métamorphosant les manèges en sortes d’immenses squelettes figés dans la nuit ». Les copies de vedettes du cinéma fantastique qui furent jadis célèbres peuplent cette réplique de Disneyland désenchanté, mais n’intéressent plus un public blasé et avide de violence plus crue. Fin d’un rêve américain et constat de notre monde actuel et de sa brutalité. Pourtant, entre les dinosaures et les anciens monstres de films de genre recyclés, l’amitié est bien réelle – une valeur.

Ozane, Claude Donnay (par Parme Ceriset)

Ecrit par Parme Ceriset , le Mardi, 23 Avril 2024. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Poésie

Ozane, Claude Donnay, éditions M.E.O, février 2024, 250 pages, 22 €

 

Lorsqu’on ouvre un livre dont on sait qu’il aborde le thème de la Shoah, il y a toujours cette étrange sensation de glace qui envahit le corps, se répand de la page aux doigts du lecteur, et ne le lâche pas. Des images nous viennent à l’esprit ; des mots aussi ; ceux de Primo Levi notamment, qui résonnent dans le vide avec force et gravité : « Considérez si c’est un homme / Que celui qui peine dans la boue / Qui ne connaît pas de repos / Qui se bat pour un quignon de pain / Qui meurt pour un oui pour un non. / Considérez si c’est une femme / Que celle qui a perdu son nom et ses cheveux / Et jusqu’à la force de se souvenir / Les yeux vides et le sein froid / Comme une grenouille en hiver… ».

Il est très difficile d’écrire sur ce thème après cela, après ces mots gravés sur les murs du temps. Et Claude Donnay a su le faire, dans le roman Ozane, avec sobriété, humilité, dans une écriture à la fois poétique et dure, avec des mots justes, pour rendre hommage à Eliane Gillet et sa famille, et à tous les autres aussi, pour que l’on n’oublie pas…

Indigne, Cécile Chabaud (par Marjorie Rafécas-Poeydomenge)

Ecrit par Marjorie Rafécas-Poeydomenge , le Lundi, 22 Avril 2024. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Récits

Indigne, Cécile Chabaud, éditions Écriture, 2023, 230 pages, 20 €

Scandé par l’écriture vive et élégante de Cécile Chabaud, Indigne relate le procès complexe de Georges Despaux, figure énigmatique et contrastée de la seconde guerre mondiale. L’auteure avait déjà eu l’audace de ressusciter Rachilde lors de son premier roman publié en 2022. Elle se penche cette fois-ci sur un sujet complexe : la face cachée des hommes en période de guerre. Ce roman nous démontre à quel point les visions manichéennes peuvent nous éloigner de la vérité. Comment avoir des certitudes entre les faux-semblants et les arrangements ? Qu’y a-t-il au plus profond des hommes ? Sont-ils prêts à tout pour sauver leur peau ou au contraire, sauver leur dignité ?

Ce roman nous renvoie à la réflexion de Sartre sur ce qu’est au fond un « salaud ». Dans L'Être et le Néant, l’exemple du garçon de café qui joue au « jeu » d’être un garçon de café et qui finit par y croire lui-même nous dérange. « Le salaud est celui qui, pour justifier son existence, feint d’ignorer la liberté et la contingence qui le caractérisent essentiellement en tant qu’homme ». Le « salaud » est celui qui n’assume pas sa liberté. Souvent, il est plus confortable, plus lâche, d’imaginer que l’on n’est pas libre pour se convaincre que l’on n’a pas le choix. Alors, Georges Despaux était-il libre ?

On ferait comme si, André Marois, Gérard DuBois (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Jeudi, 04 Avril 2024. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Grasset, Jeunesse

On ferait comme si, André Marois, Gérard DuBois, Grasset-Jeunesse, Coll. Lecteurs En Herbe, 22x28 cm, 2023/2024, 18,50 € Edition: Grasset

 

Le jardin potager s’anime !

Ce magnifique album jeunesse cartonné, On ferait comme si, a été élaboré par André Marois (né en 1959 à Créteil, installé à Montréal, romancier, scénariste et chroniqueur, finaliste du Prix des libraires du Québec Jeunesse 2021 et du Prix jeunesse des univers parallèles 2021, membre de l’UNEQ (l’Union des Ecrivaines et des Ecrivains Québécois), et par Gérard DuBois (né en 1968, diplômé de l’École Estienne et du L.E.I. Rue Madame à Paris, récompensé du Prix du Gouverneur général : littérature jeunesse de langue française, illustration 2021).

Pour en venir à ce bel ouvrage pour la jeunesse, il faut regarder avec attention les quelques lignes écrites en rouge et bleu du récit d’André Marois qui ponctuent les remarquables illustrations en double page. Les phrases de l’auteur sont poétiques, efficaces et peuvent servir de « pré-texte » pour amorcer une nouvelle histoire, et permettre ainsi l’amélioration du langage chez les plus petits.

Des chemins pleins de départs, Martine Rouhart (par Parme Ceriset)

Ecrit par Parme Ceriset , le Mercredi, 03 Avril 2024. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Poésie

Des chemins pleins de départs, Martine Rouhart, Toi Édition, janvier 2024, 68 pages, 12 € . Ecrivain(s): Martine Rouhart

 

Comme le dit Bruno Mabille dans la préface, la poésie de Martine Rouhart a cela d’extraordinaire que « rien n’y pèse, pas même les choses graves ». Et en effet, c’est ce qui donne toute leur force à ses poèmes peuplés d’oiseaux, à ses mots en apparence légers car souvent « ailés », mais seulement en apparence, car ils sont en réalité toujours empreints d’une certaine gravité, même si elle ne se perçoit pas au premier abord. Elle se propage dans l’esprit du lecteur avec délicatesse et douceur, dans des paysages « floutés » par une « eau intranquille ».

Comme chez Philippe Jaccottet, il est question de « labyrinthes ». Et les « chemins pleins de départs » de Martine Rouhart rappellent par leur beauté sobre les « chemins presque effacés » du poète dans L’encre serait de l’ombre. Là où, chez Martine Rouhart, certains souvenirs sont « aussi lointains que le bleu des montagnes », et certains mots sont « déjà perdus », Philippe Jaccottet affirme que « les chemins parlent, ou peu s’en faut, en se perdant ».