Beau livre, étrange, que celui-ci. Unique surtout – sujet, cadre, façons, écriture – écrit par ce poète et romancier d’Islande, également parolier de la non moins unique Björk, qu’on croit entendre de temps à autre, de page en page, et sentir, du moins, son univers. Mais l’Islande n’est-elle pas seule au monde à être ce qu’elle est, ce que marque ce livre en son entier : verte, constamment humide, violente comme ses substrats géologiques, les volcans : « l’éruption du volcan Katla se calme peu à peu… et ce matin, quand les habitants de Reykjavik se sont éveillés, la cendre tapissait les vitres des maisons ». La chair du récit vibre aux marqueurs de cette géographie particulière, menaçante, sans apocalypse déclarée pour autant, seulement la genèse d’un chaos à l’œuvre. Ile battue de tous les vents de l’Histoire européenne – fin de la Première Guerre mondiale, terrible épidémie de Grippe espagnole de 1918. Accouchement, aux mesures de l’ile, dont on sent à chaque page les saccades, ligne brisée des sismographes : « Les rues sont des béances désertes, on aperçoit furtivement quelques silhouettes fantomatiques… vieilles femmes emmitouflées dans des vêtements noirs qui se sont enveloppées de châles… elles ont contracté tant d’épidémies au fil de leur vie que le mal monstrueux qui se fait un festin du corps de leur descendance ne trouve rien à se mettre sous la dent dans leur vieille carcasse usée ».