C’est sur une image que s’ouvre Allegra, le roman de Philippe Rahmy, celle d’un lion majestueux qui regarderait le monde, notre monde, installé sur une branche, d’un regard las et désespéré, un lion qui, pourtant, a encore la force de rugir, à l’aube.
L’existence d’Abel, jeune français d’origine algérienne est traversée par la mort, désir et ombre, par l’errance et la fuite tout autant que la quête, dans une course (à la vie, à la mort, à l’identité même), dans une époque, la nôtre, où tout va vite et nous rattrape sans cesse. Ça court, ça hurle, le rythme du texte est celui d’un temps traversé entre retours en arrière et souvenirs ; d’analepses en anamnèses, celui d’un individu qui, ne désirant que s’intégrer, réussir et être heureux avec sa petite famille, court à sa perte. Et sa voix nous délivre l’angoisse qui le traverse depuis son enfance où déjà « il voulait disparaître » – entre un père bien intégré en France, dans sa boucherie où Abel expérimentera ses premiers traumatismes, et ses premiers contacts avec le froid de la mort. Pourtant Abel avait tout pour réussir, un doctorat en Mathématiques, une femme magnifique, une fille qu’il adorait, un ami d’enfance qui lui a offert son premier poste à Londres où il s’est installé avec Lizzie et Allegra.