Paula T. une femme allemande, Christoph Hein
Paula T. une femme allemande, trad. allemand Nicole Bary, 487 pages, 12 €
Ecrivain(s): Christoph Hein Edition: Métailié
Le titre du roman de Christoph Hein est éponyme de celui du film de Fassbinder, Lola une femme allemande. Paula Trousseau, c’est son nom, est une femme qui tombe très tôt victime de l’autoritarisme familial, en proie à un père épouvantable, violent qui ne laisse guère la voix au chapitre dans le cadre étouffant du giron familial. Elle perçoit, très vite, les pires inconvénients du mariage et entrevoit ses conséquences comme un abandon, comme l’entrée dans une prison dont les clés ne se rouvriront pas de sitôt :
« Avec le mariage, j’allais être à nouveau enfermée dans une maison et la seule chose que je serais en droit d’espérer serait le quotidien de la vie conjugale, les enfants, et pour finir la vieillesse et la mort ».
Très rapidement, un impératif s’impose aux yeux de Paula : devenir peintre. Ce projet pour elle, c’est se libérer de Hans, son fiancé, de ses parents, de leur influence, devenir un être autonome. Pour cela, elle passe le concours de l’Ecole des Beaux-arts et s’installe à Berlin, où elle rencontre un monde nouveau, celui des artistes, des élèves de l’Ecole, et qui lui ouvre de nouvelles perspectives. Ainsi éprouve-t-elle la sensation d’être, au moins l’espace de quelques dizaines de minutes, le centre d’intérêt principal ; elle pose nue pour un professeur, Tschäkel, qui lui témoigne des sentiments peu ambigus. Elle rencontre une amie, Sybille, épouse d’un homme en vue, Marco Pariani. Ces fréquentations sont pour Paula Trousseau l’occasion de réfléchir à ses orientations sexuelles et affectives : est-elle homosexuelle ? Sans nier l’attirance qu’elle éprouve pour Sybille et Katharina, une autre amie, sentiments transformés en liaison charnelle avec ces deux femmes, Paula ne bascule pas pour autant vers un choix définitif. Ces mœurs, elle les pratique au nom de la liberté de choisir, au nom de la volonté de s’accomplir. Simone de Beauvoir n’aurait pas renié cette ligne de conduite.
C’est toujours ce désir d’émancipation qui entraîne Paula vers une relation amoureuse avec Wadlschmidt, un des professeurs de l’Ecole, beaucoup plus âgé qu’elle mais qui lui donne l’occasion de s’affirmer comme femme et comme artiste :
« Waldschmidt était ravi lorsque je me défendais, lorsque je faisais preuve d’assurance. Il aimait les femmes fortes, cela me plaisait (…) Mon père et Hans voulaient toujours être les maîtres auxquels je devais me soumettre. Waldschmidt était le premier homme avec lequel je me sentais bien, c’était un partenaire, si bien que je croyais pouvoir l’aimer ».
Paula Trousseau, femme allemande, est bientôt en butte à l’orthodoxie du régime de la RDA, tenant du réalisme socialiste. Elle persévère, renonce aussi à la maternité en laissant la garde de sa fille à Hans, resté à Leipzig, mais finit, au prix fort, par atteindre son idéal de jeunesse : la libre disposition de son destin et de son corps. Le roman de Christoph Hein, très actuel mais s’inscrivant dans le contexte du milieu artistique est-allemand, se déroule comme une fresque en plusieurs parties qui décrirait la volonté d’émancipation d’une femme : Paula T.
Stéphane Bret
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