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Les Livres

Je te laisse dormir, Edith Bruck (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 25 Avril 2024. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Récits, Editions du Sous-Sol

Je te laisse dormir, Edith Bruck, éditions du Sous Sol, 2023, trad. italien, René de Ceccatty, 320 pages, 22,50 € Edition: Editions du Sous-Sol

 

Constitué de deux parties (L’hirondelle sur le radiateur, et Je te laisse dormir), ce livre de mémoire donne voix au poète et cinéaste Nelo Risi, et conjoint de l’écrivaine. Il est décédé en septembre 2015, atteint de la maladie d’Alzheimer.

Durant de longs mois, les derniers que vivra Nelo, Edith relate les moindres faits et gestes de son mari, perdu dans sa tête, isolé dans sa mémoire, devenu l’enfant qui réclame sa mère, confond jour et nuit, mêle tout, agresse, répète inlassablement les mêmes phrases, les mêmes réquisitions. L’écrivaine a l’art de confier à sa plume (puis à sa vieille Olivetti) tout ce qui fait le grain désormais de sa vie avec le vieil homme, âgé de plus de quatre-vingt-dix ans, entouré de ses aides familiales Olga ou Angela.

C’est à la fois un journal de maladie, un aide-mémoire, un rappel de ce que le couple a connu, durant soixante ans de vie commune, riche et heureuse.

Deux ouvrages d'Éric Reinhardt (par Patrick Le Henaff)

Ecrit par Patrick Le Henaff , le Jeudi, 25 Avril 2024. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

 

Sarah, Suzanne et l’Écrivain, Éric Reinhardt, Gallimard, 2023, 430 pages, 22 €

L’Amour et les Forêts, Éric Reinhardt, Folio, 2016, 416 pages, 9,40 €

 

On y va tout droit. On le sait bien qu’il ne faut pas se fier aux apparences, les dictons populaires ont pourtant du vrai, même et surtout les lieux communs. Eh bien pour ma part, j’ai foncé dedans tête baissée. Il y a quelques années, j’avais « tâché » de rentrer dans l’univers d’Éric Reinhardt en abordant Cendrillon. Au bout de 100 pages, le livre m’était tombé des mains, trop parisien, trop bourgeois, trop français, trop pédant, trop égocentré et narcissique. Trop tout quoi ! Depuis, j’avais un peu pris cet auteur en grippe, lui reprochant presque de m’avoir fait perdre du temps.

La Deuxième Vie, Philippe Sollers (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Mercredi, 24 Avril 2024. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard

La Deuxième Vie, Philippe Sollers, Gallimard, mars 2024, Postface, Julia Kristeva, 80 pages, 13 € . Ecrivain(s): Philippe Sollers Edition: Gallimard

 

« Dans la Deuxième vie, tout est double et se répète indéfiniment. Les éléments négatifs sont éliminés et chaque moment est perçu instantanément pour la deuxième fois. Le caractère le plus inattendu de l’éternité est donc la vivacité. C’est d’un vif mouvement que la mer se mêle au soleil ».

La Deuxième Vie s’offre, car il s’agit d’une offrande, comme le dernier roman de Philippe Sollers, un roman suspendu par la mort physique, par les ténèbres, qui une nouvelle fois ne voient rien de la lumière. Au principe était le roman, et le roman était chez Sollers, le roman était Sollers, et qu’il ne soit plus là physiquement ne change rien à l’histoire (1). La Deuxième Vie est un roman solaire, inspiré et béni des dieux de l’Atlantide, et évidemment du Dieu revenu des ténèbres, comme devrait l’être tout testament, toute dernière et provisoire incursion dans la vie réelle et romanesque, avant que le souffle et la main ne soient suspendus.

Jonas, Le requin mécanique, Bertrand Santini, Paul Mager (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Mercredi, 24 Avril 2024. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Grasset, Jeunesse

Jonas, Le requin mécanique, Bertrand Santini, Paul Mager, Grasset Jeunesse 2023, 15,90 € Edition: Grasset

 

Les automates en danger

Bertrand Santini (né en 1968, auteur reconnu pour la jeunesse, notamment pour Yark) signe ici un roman illustré qui a obtenu les Prix Libbylit et Millepages Jeunesse – une parodie des Dents de la mer. À MonsterLand, aux États-Unis, tout est artificiel : décors de plastique, spectacles faussement effrayants et interprètes en ferraille. Le parc d’attraction dépérit un peu dans une atmosphère de fête foraine bon marché. Là, « le vent dispersait des odeurs tièdes de barbe à papa et de pralines grillées. Les lumières du parc s’éteignaient une à une, métamorphosant les manèges en sortes d’immenses squelettes figés dans la nuit ». Les copies de vedettes du cinéma fantastique qui furent jadis célèbres peuplent cette réplique de Disneyland désenchanté, mais n’intéressent plus un public blasé et avide de violence plus crue. Fin d’un rêve américain et constat de notre monde actuel et de sa brutalité. Pourtant, entre les dinosaures et les anciens monstres de films de genre recyclés, l’amitié est bien réelle – une valeur.

Un été en montagne, Elizabeth von Arnim (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mercredi, 24 Avril 2024. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Océanie

Un été en montagne, Elizabeth von Arnim, Arfuyen, mars 2024, trad. anglais, Paul Decottignies, 238 pages, 17 €

 

On ne dira presque rien de l’intrigue, merveilleusement formée et suivie, souhaitant juste donner ici envie de découvrir le monde parfait (cohérent, malicieux, distingué) d’une auteure (1866-1941) anglaise, libre et juste (dont la délicatesse, la lucidité et l’humour ne pourront décevoir), ayant toujours vécu dans (mais non de) la haute société, et qui – mère comblée, veuve charmante, amante subtile – reste animée d’une sorte de fougue cosmopolite et d’une folle imagination condamnée à se reciviliser périodiquement en œuvres à succès. Disons seulement du contenu : une dame (la cinquantaine ?), fortunée et fine, vient, au sortir d’une première guerre mondiale qui a fait de sa vie socio-personnelle un champ de ruines, se réfugier un été dans une résidence de montagne (suisse), où elle n’aura – bien servie, indépendante et claire – qu’à retrouver rythme, goût de vie et son ordinaire joie de réfléchir et contempler. Jusqu’à ce que, selon le Journal de bord qu’elle tient ici-même pour nous, débarquent deux dames égarées et baroquement irrésistibles…