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Les Livres

L’Etang et Félix, Robert Walser

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 27 Septembre 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue allemande, Récits, Zoe

L’Etang et Félix, juin 2016, trad. suisse allemand et allemand Gibert Musy, 96 pages, 8,50 € . Ecrivain(s): Robert Walser Edition: Zoe

 

Débutons, une fois n’est pas coutume, par la célébration d’un métier en voie de disparition, comme tous ceux qui font intervenir de l’humain dans le commerce, voire font passer l’humain avant le commerce : bouquiniste. Dans la vie de tout lecteur, il y a un bouquiniste au moins, parce qu’on cherche un livre rare, épuisé, ou parce qu’on est sans le sou, et ce bouquiniste, par son manque total de lien à l’actualité (peu lui chaut la dernière sortie à la mode journalistique, de toute façon, il ne l’a pas en rayon), s’avère un véritable amoureux de la chose écrite, et un précieux conseiller en défrichage et en visite de sentiers peu battus. A titre personnel, j’ai connu deux bouquinistes de cet acabit : le lecteur que je suis devenu leur est redevable de beaucoup.

Un des deux, aujourd’hui décédé, a un jour attiré mon attention sur Robert Walser (1878-1956), en me citant la première phrase de son roman L’Institut Benjamenta (1909) : « Nous apprenons très peu ici, on manque de personnel enseignant, et nous autres, garçons de l’Institut Benjamenta, nous n’arriverons à rien, c’est-à-dire que nous serons tous plus tard des gens humbles et subalternes ».

En roue libre, Lisa Owens

Ecrit par Michel Tagne Foko , le Mercredi, 27 Septembre 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Belfond

En roue libre, trad. de l'anglais par Guillaume-Jean Milan avril 2017, 288 pages, 19,50 € . Ecrivain(s): Lisa Owens Edition: Belfond

 

Le roman est construit sur une architecture littéraire que l’on retrouve le plus souvent dans les œuvres essais. C’est en fait une sorte de petite nouvelle, avec une grande histoire, sous forme de chroniques, qui se lient à un même sens et se déversent minutieusement, chacune son tour.

C’est un roman feel-good, une bouffée d’air frais réjouissante, comme on les aime.

Dès la lecture des premiers paragraphes, on rit tellement. Parfois, c’est très loufoque, mais l’héroïne est tellement enquiquinante et rigolote qu’elle va plaire à coup sûr.

 

Extraits :

« IL Y A UN HOMME DEBOUT devant chez moi, en treillis, avec un énorme badge “FREE PALESTINE“. “C’est vous la propriétaire ?” demande-t-il. Je me tourne pour voir s’il parle à quelqu’un d’autre, mais il n’y a personne derrière moi. Il me faut une bonne seconde pour me souvenir de quel côté je suis, dans le conflit israélo-palestinien ».

Ce dont il ne reste rien, poème de Lionel Jung-Allégret

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mardi, 26 Septembre 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Al Manar

Ce dont il ne reste rien, avril 2017, Encres de Catherine Bolle, 63 pages, 18 € . Ecrivain(s): Lionel Jung-Allégret Edition: Al Manar

 

D’entrée l’exergue généreuse annonce / énonce une certaine gravité : le silence, la solitude, la peur de la mort comme mobile du crime des Hommes. Cependant l’autre face existentielle résiste, et subsiste un quelque chose contre ce qui ne serait que néant sans réponse aucune : une présence dans le silence (« tu es là » dans la citation empruntée à José Angel Valente, extraite de Au dieu sans nom) ; une parole surgie du silence même (« Tu parles toujours (…) », Edmond Jabès) ; la révélation du mobile du crime pour lever un peu le voile De la nature des choses, Lucrèce).

Ce dont il ne reste rien de Lionel Jung-Allégret, édité par Al Manar en avril 2017 et augmenté d’encres de Catherine Bolle, débute par ce curieux distique :

 

« Tu veux être l’écriture qui disparaît.

Etre celui dont il ne reste rien ».

L’envers du temps, Wallace Stegner

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Lundi, 25 Septembre 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Gallmeister, La rentrée littéraire

L’envers du temps, septembre 2017, trad. américain Éric Chédaille, 368 pages, 23,20 € . Ecrivain(s): Wallace Stegner Edition: Gallmeister

 

Comme l’indique le titre, L’envers du temps (Recapitulation en américain), de Wallace Stegner, ce roman commence par un voyage à rebours, imprévu, vers Salt Lake City. Les premières pages dressent le portrait d’une ville et de son peuplement et tournent comme « les bobines non montées du film embrouillé de sa vie ». Le tâtonnement de la mémoire autour de lieux jadis familiers provoque un télescopage entre les visions idéalisées et les transformations parfois inutilement coûteuses des bâtiments, les changements survenus – sorte d’embaumement artificiel de la ville. Ainsi, les cadavres en bière ont remplacé la « belle bande de puritains bohèmes » et « la jeune Holly au portrait doré ». Une nostalgie un peu caustique fait dire à l’écrivain que les événements les plus fous, comme les plus banals, se résument en fait après-coup par récapitulation. « Embellissement et rénovation du centre » de Salt Lake City remplacent les magasins vieillots et les activités de la jeunesse du protagoniste, à la façon du thanatopracteur McBride qui rend « pimpants les défunts ».

L’été des noyés, John Burnside

Ecrit par Cathy Garcia , le Lundi, 25 Septembre 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Métailié

L’été des noyés, trad. anglais (Écosse) Catherine Richard, 326 pages, 12 € . Ecrivain(s): John Burnside Edition: Métailié

 

L’été des noyés démarre comme un thriller, dans une atmosphère déjà très particulière, puisque se déroulant à Kvaløya, une île tout au nord de la Norvège, dans le cercle arctique dont l’été est propice aux insomnies et aux hallucinations, avec son jour quasi permanent – le fameux soleil de minuit. Très vite cependant, l’auteur nous fait basculer nous-mêmes dans un sorte de torpeur, entre rêve et cauchemar. Nous tombons dans la tête de Liv, la narratrice, un peu comme Alice tombe dans le trou en suivant le lapin blanc. Ici le lapin blanc, c’est le lieu lui-même. Cette île coupée du monde, ce nulle part. C’est là que Liv, jeune fille de 18 ans, vit en permanence avec sa mère, Angelika Rossdal, peintre célèbre qui a choisi, pour travailler, une vie de recluse dans cette grande maison de bois peinte en gris, au cœur de laquelle son atelier fait figure de sanctuaire. Ce qui ne l’empêche pas de recevoir des journalistes ou un groupe d’admirateurs locaux, les prétendants, comme les appelle Liv, pour un thé chaque samedi. Liv qui vient de terminer sa scolarité ne semble pas souffrir de cette vie isolée et n’a pas de projets. Elle ne connaît pas son père et elle a un seul ami, un vieil homme qui ne vit pas très loin et qui la nourrit d’histoires et de légendes liées à ces lieux, eux-mêmes déjà assez irréels.