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Les Livres

Fausses pelles, Benoît Decock

Ecrit par Jean Durry , le Lundi, 25 Septembre 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Récits

Fausses pelles, éditions Salto, 2016, 142 pages, 16 € . Ecrivain(s): Benoît Decock

 

Fausses pelles : l’aviron échappe au rameur, le rythme est totalement perturbé sinon rompu, la cadence sera dure à reprendre ; et si cette infortune advient le plus souvent aux débutants, elle peut freiner net des équipages confirmés.

Rassurons d’emblée le lecteur potentiel, cette bourde calamiteuse n’est ici qu’un titre trompeur. Car Benoît Decock, au fil de la rivière, ou du plan d’eau et de cette trentaine de courtes variations, a su avec finesse, en usant des termes spécifiques appropriés, revenir au ponton d’embarquement.

Les entraînements dans la nuit qui tombe, les progrès, le temps des compétitions, le hangar à bateaux, les exigences et les moments si heureux, les équipiers, la figure tutélaire de l’entraîneur, l’année où l’on décide bon gré mal gré d’arrêter le jeu : tout cela est délicatement exprimé.

La Poupée russe, Gheorghe Craciun

Ecrit par Patryck Froissart , le Vendredi, 22 Septembre 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pays de l'Est, Roman, Editions Maurice Nadeau

La Poupée russe (Pupa rusa), mai 2017, trad. roumain Gabrielle Danoux, 450 pages, 25 € . Ecrivain(s): Gheorghe Craciun Edition: Editions Maurice Nadeau

 

Quel destin que celui de Leontina, l’héroïne de ce roman fleuve !

Porteuse de tous les espoirs, de toutes les illusions, de tous les excès, de toutes les déviances du régime communiste, en particulier durant les trente-cinq années de pouvoir de Ceausescu, Leontina suit une trajectoire aléatoire, dont le sens lui échappe, dans une société marquée par l’arbitraire du népotisme et par la bureaucratie du parti, tatillonne, suspicieuse et pleine de menaces, dont le bras justicier est incarné par la tristement célèbre Securitate.

Belle, sportive de haut niveau, membre de l’équipe nationale de basket, après une éphémère velléité, lors d’un déplacement à l’étranger pour un tournoi international, de déserter, Leontina s’intègre avec succès dans la société kafkaïenne de l’ère Ceausescu et profite à corps perdu de la seule liberté totale qui lui est faite, celle d’une vie sexuelle sans attache, ponctuée de partenaires multiples, licence sexuelle censée représenter le revers révolutionnaire du mariage bourgeois mais vite devenue instrument d’ascension sociale aussi nécessaire que la délation.

Je m’appelle Europe, Gazmend Kapllani

Ecrit par Marc Ossorguine , le Vendredi, 22 Septembre 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Bassin méditerranéen, Roman, éditions intervalles

Je m’appelle Europe, trad. grec Françoise Bienfait, Jérôme Giovendo, 160 pages, 19 € . Ecrivain(s): Gazmend Kapllani Edition: éditions intervalles

 

Dans cette époque où l’Europe même se veut mondialisée, les Balkans sont plus qu’un peu devenus une sorte de tiers-Europe, comme il y a – ou il y avait – le tiers-monde voire le quart-monde. Vous savez ces régions bizarres où corruption et dictatures poussent comme les mauvaise herbes le long de chemins que personne n’entretient, pas même les chèvres. D’ailleurs, sur les chemins de ce monde, il n’y a plus de chèvres, mais des longues files d’immigrés dont personne, nulle part, ne veut.

Gazmend Kapllani vient de ce monde-là. D’origine Albanaise, il a connu dictature, misère et immigration. Sur les routes mais aussi dans la langue. Il arrive en Grèce à 24 ans et va en adopter la langue pour y devenir écrivain. C’est de cette expérience, la sienne et celles d’autres « frères migrants » (1) que nous parle ce roman-reportage.

On ne part pas, Arnaud Le Vac

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 22 Septembre 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Editions du Cygne

On ne part pas, juillet 2017, 56 pages, 10 € . Ecrivain(s): Arnaud Le Vac Edition: Editions du Cygne

« Une page d’Homère et de Lucrèce, de David et de Dante, de Shakespeare et de Góngora, de Hölderlin et de Rimbaud. Le jour est autre, la nuit aussi. La singularité fait la différence, l’exception se vérifie.

Tout cela se passe sous nos yeux : vous êtes disponible à vous-même plus que jamais, à l’autre par-delà vous-même. Une page déroule et enroule votre voix comme une plage de musique et un chant le temps sous vos yeux ».

On ne part pas pourrait aussi s’appeler on ne meurt pas, tant ce jeune écrivain, éditeur et poète* s’impose par sa singularité, sa différence, son art brillant de rendre une phrase lumineuse, simplement lumineuse et musicale, comme si la main de Rimbaud s’était posée sur la sienne. On ne part pas est un chant du temps qui épouse chacun de nos mouvements, la main tourne les pages, l’œil fixe les lignes, l’oreille attentive écoute, et on peut aussi tenter l’expérience inverse : l’oreille tourne les pages, la main fixe les lignes, l’œil écoute et la beauté jaillit. C’est ce que l’on appelle l’expérience poétique dans ce qu’elle a de plus nécessaire, de plus vital, et ce tout petit livre déploie ses éclats luxuriants en toute sagesse. L’écriture d’Arnaud Le Vac est d’une grande limpidité, tout y est net et précis, presque transparent, c’est la ligne claire qui l’occupe.

Voyage d’hiver, Jaume Cabré

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Jeudi, 21 Septembre 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Nouvelles, Actes Sud

Voyage d’hiver, février 2017, trad. Edmond Raillard, 304 pages, 22,50 € . Ecrivain(s): Jaume Cabré Edition: Actes Sud

 

« Si un ouvrage est bien écrit,

ses mots contiennent

la personne qui l’a créé ».

Jaume Cabré, Voyage d’hiver

 

La couverture des ouvrages publiés par les éditions Actes Sud exerce souvent un charme sur celui qui, furetant en librairie parmi les nouveautés, hésite. Le fidèle de ces éditions sait pouvoir compter sur la complicité entre illustration et texte. Ici, la reproduction du tableau de Fedor Karlovich Burkhardt, Un paysage d’hiver avec une troïka, évoque autant l’ambiance désolée du recueil que la curiosité que chaque nouvelle suscite.