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Les Livres

Volontaires pour l’échafaud, Vincent Savarius (Bela Szasz) (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 12 Janvier 2023. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman, Julliard

Volontaires pour l’échafaud, Vincent Savarius (Bela Szasz) Traduit du hongrois par Jérôme Hardoin, Julliard (Les Lettres Nouvelles), 317 pages Edition: Julliard

 

Dans le tome 3 de Soixante ans de journalisme littéraire, somme publiée en novembre 2022 par les Editions Maurice Nadeau, portant sur Les années “Quinzaine littéraire” (1966-2013), Maurice Nadeau évoque et commente l’ouvrage de Bela Sàndor Szasz, alias Vincent Savarius, intitulé dans sa traduction française "Volontaires pour l'échafaud ».

Voici un extrait de ce qu’en dit le célèbre critique :

« S’il planait encore un mystère sur les Procès de Moscou, on savait déjà par l’admirable livre de Savarius sur l’Affaire Rajk que tout le système reposait sur un truc, une astuce enfantine :  amener l’accusé à collaborer avec son juge instructeur, de façon qu’ils fabriquent tous deux ensemble un produit qui s’appelle l’aveu. Savarius avait refusé de jouer le jeu et, finalement, s’en était miraculeusement tiré. »

Giono et la nouvelle d’atmosphère : relire Solitude de la pitié (par Olivia Guérin)

Ecrit par Olivia Guérin , le Jeudi, 12 Janvier 2023. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

 

Quand on pense à l’œuvre de Giono, on pense au premier chef aux romans de sa deuxième période, comme Un roi sans divertissement (1947) ou Le hussard sur le toit (1951). Il est pourtant une partie de son œuvre bien intéressante et trop peu connue : ses nouvelles, en particulier celles d’avant-guerre. Je m’intéresserai ici au recueil Solitude de la pitié, initialement paru en 1932.

Pour ma part, j’affectionne tout particulièrement le premier Giono, celui des chroniques paysannes, de la Trilogie de Pan (Colline, Un de Baumugnes, Regain), où l’auteur s’est attaché à décrire le monde rural de Haute-Provence, les gens de peu, la nature, avec une affection et une vigueur rarement égalées. En lisant Solitude de la pitié, j’ai eu plaisir à retrouver ses portraits mi-affectueux mi-moqueurs des paysans de cette région (par exemple dans la nouvelle « Joselet »), dans des textes où l’auteur s’amuse à pointer leurs petites marottes (« Jofroi de la Moussan ») ou leurs grandes folies (la pièce maîtresse du recueil est sans conteste la longue nouvelle « Prélude de Pan », racontant une scène de transe qui s’empare de tout un village et se termine en orgie).

Les Boîtes aux lettres, Gilles Baum (par Ivanne Rialland)

Ecrit par Ivanne Rialland , le Mercredi, 11 Janvier 2023. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman

Gilles Baum, Les Boîtes aux lettres, Amaterra, coll. « Argile+ », décembre 2022, 220 p., 13,90 euros.

 

Gilles Baum, déjà l’auteur de plusieurs albums illustrés, avait publié en 2019 chez l’éditeur lyonnais Amaterra un premier roman, La Nuit des géographes. Trois enfants, passionnés de géographie, y partaient à la découverte d’un pays inconnu : la nuit. Déjà, ce récit bref confrontait ses jeunes héros à la solitude et à l’absence du père qui sont au cœur du nouveau roman poétique et grave de Gilles Baum : Les Boîtes aux lettres.

Le texte, plus long, est plus ambitieux par son sujet comme par le traitement de celui-ci. Alors que l’absence du père du narrateur était effleurée dans La Nuit des géographes, elle est au centre des Boîtes aux lettres. Le héros, Émile, attend des nouvelles de son père qui a quitté la maison à la suite d’une dispute avec sa compagne, dont on comprend peu à peu les causes et le caractère violent. Émile, confiant dans la promesse faite par son père de revenir, pose des boîtes aux lettres dans des endroits incongrus, où il espère que son père pourra lui écrire – puisque sa mère, Maria, a rayé son nom de la boîte aux lettres familiale et ne veut plus entendre parler de lui.

Être clown en 99 leçons, Fabrice Hadjadj (par Marc Wetzel)

, le Mercredi, 11 Janvier 2023. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Être clown en 99 leçons, Fabrice Hadjadj, Editions La Bibliothèque, 162 pages, octobre 2022, 9 €

On a beau dire : mieux vaut rencontrer, en ouvrant un livre, une épuisante intelligence qu’une revigorante, ou même, apaisante sottise. Ces cent cinquante pages font qu’on est servi : une extraordinaire vivacité intellectuelle, un sens déroutant (et constant) de la formule, une acuité qui réellement ne craint rien (c’est politiquement très incorrect, mais culturellement très correcteur), un bon petit miracle rhétorico-spirituel (comme on n’espérait guère plus, mais aussi comme on ne s’inquiète pas de le mériter peu, parce qu’on est conquis, content et ébahi). Comble de chance : on n’envie pas le génie de l’auteur (car on le sait douloureux sous le mince masque, et lui-même le remettant en cause, faisant comme tapis, ingrat et obscur, à chaque relance), on y respire librement (car l’humour débridé veut bien nous donner l’intelligence de supporter la sienne), on pardonne (l’unique fois où l’on a rencontré l’auteur, à la sortie d’un théâtre qui jouait la pièce d’une nièce, il jouait de l’accordéon en argumentant sur le trottoir à peu près désert, et l’on s’était promis de tirer vengeance, un jour, de cette si clownesque impertinence). D’abord, trois ou quatre aperçus de cette singulière virtuosité, respectivement : le clown d’abord, assumant son nez rouge, y considère d’abord son nez tout court ; ensuite il prend sa propre candeur avec le sérieux que sa naïveté lui semble, logiquement, mériter ; enfin son masochisme prend logiquement plaisir à s’avouer tel (et le clown encourage ses persécuteurs, qu’il comprend trop bien). Voici les trois passages (on en ajoutera un, sûrement) :

C’est ainsi que cela s’est passé, Natalia Ginzburg (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 10 Janvier 2023. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Denoël, Italie

C’est ainsi que cela s’est passé (È stato cosi, 1945), Natalia Ginzburg, Denoël, 2017, trad. italien, Georges Piroué, 127 pages, 14 € Edition: Denoël

 

 

Qui parle ? Qui est la narratrice de ce roman ? Par profession, il semble que ce soit une femme cultivée et intelligente. Elle est professeur et étudie avec ses élèves les classiques de l’Antiquité, Ovide, Sophocle, Sénèque par exemple. Et pourtant, à suivre son flux de conscience sur ces quelque cent pages, dans la traversée de son histoire dramatique d’amour, on a clairement affaire à une femme simple – entendre simplette. Sa réflexion sur elle-même et les sentiments qui l’animent, sa vision du monde qui l’entoure, la misère morale qui sourd de son propos, tout indique un esprit faible, naïf, soumis, déficient. Le ton même de sa narration, le style du roman, empruntent un vocabulaire élémentaire dans une organisation syntaxique élémentaire. Parfois – rarement – un éclair semble rappeler que nous n’avons pas là une idiote. Et pourtant.