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Les Livres

Dans la solitude inachevée, Marc Dugardin (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Jeudi, 11 Mai 2023. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Dans la solitude inachevée, Marc Dugardin, éditions Rougerie, avril 2023, 80 pages, 13 €

 

Tout poète est une sorte de Pythie lucide et prudente. Pythie parce qu’il constate une espèce de « dictée des mots » en lui, dont – dit Marc Dugardin – il se sent « tributaire », puisque sa propre expression prend en route ce quelque chose qui parlait déjà en lui. Mais lucide, parce qu’il sait bien que ce discours intérieur n’est peut-être qu’un bavardage inspiré, une révélation pour rire, au mieux un rêve un peu tenace. Et prudent parce que, même si une musique verbale s’amorce et s’avance en lui avec ferveur, il n’est pas bon de se laisser tout dire : si écrire ne servait pas la vie, ou même (par diversion, ou imposture) la trahissait, pourquoi lancer encore au large sa petite bouteille de mots, l’espérant un jour recueillie (comme dit Paul Celan) sur la « plage d’un cœur » lointain ?

Par le titre de son recueil, le poète belge Marc Dugardin (76 ans) répond ceci à son lecteur : parce que deux solitudes valent mieux qu’une, si et quand, du moins, aucune ne prétend achever (enclore, accomplir, faire cesser) l’autre.

Œuvres poétiques, Yves Bonnefoy, La Pléiade-Gallimard (par Léon-Marc Levy)

, le Mercredi, 10 Mai 2023. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, La Pléiade Gallimard

Œuvres poétiques, Yves Bonnefoy, La Pléiade-Gallimard, avril 2023 (Édition d’Odile Bombarde, Patrick Labarthe, Daniel Lançon, Patrick Née, Jérôme Thélot), 1808 pages, 79 € jusqu’en octobre 2023 Edition: La Pléiade Gallimard

 

Inquiétude est le chemin sans cesse recommencé de Bonnefoy. Sa source, sa chair et, on peut se demander, sa quête. Car jamais il ne se plaint de cette angoisse de l’âme, parce qu’il sait que c’est là que naît sa poésie. Que naît la poésie.

Cette magistrale édition de l’œuvre de Yves Bonnefoy en La Pléiade-Gallimard met à jour l’immense diversité de son inspiration en même temps qu’elle révèle, comme une évidence, son immense unité. Toute l’œuvre, prose et vers, est frappée au sceau de l’inquiétude qui insère dans ses textes une tension extrême qui jouxte sans cesse la rupture de ton, de rythme, de respiration.

Detroit Sampler, Pierre Evil (par Guy Donikian)

Ecrit par Guy Donikian , le Mercredi, 10 Mai 2023. , dans Les Livres, Recensions, Essais, La Une Livres, Arts, Le Mot et le Reste

Detroit Sampler, Pierre Evil, Éditions Le Mot et le Reste, février 2023, 589 pages, 32 € Edition: Le Mot et le Reste


Quel lien y-a-t-il entre John Lee Hooker, Iggy Pop, Marvin Gaye, Eminem, comme avec tant d’autres ? Ce ne sera pas leur musique, tant elle diffère chez ces musiciens mondialement connus, ce sera leur origine géographique : les USA bien évidemment et plus précisément Motor City, Détroit comme chacun sait. C’est là que tous ces musiciens ont fait leurs premières armes, c’est dans ce contexte que des musiques comme le blues, le rythm’n blues, le rock énergique (c’est peu dire) de MC5, ou le rap de Eminem ont pu puiser une inspiration qui ne se dément pas depuis un siècle.

On eût pu supposer que tant d’artistes trouvèrent matière artistique sur la côte est ou sur les rivages du Pacifique. C’est pourtant bien à Détroit, immense zone urbaine, où la violence, la ségrégation, la pauvreté ont régné depuis les débuts d’une industrialisation qui a pour noms Ford et Oldsmobile, que nombre de créateurs puisèrent une réelle inspiration. Le fordisme a commis des ravages humains autant que ses automobiles sorties des immenses usines, cadences infernales, soumission aux petits chefs, habitat insalubre…

Un arrière-goût de rat, Jean-Claude Hauc (par Philippe Thireau)

Ecrit par Philippe Thireau , le Mercredi, 10 Mai 2023. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Tinbad

Un arrière-goût de rat, Jean-Claude Hauc, éd. Tinbad, novembre 2021, 170 pages, 18 €

 

Écrire est criminel. De quel droit l’écrivain fouaille-t-il la page blanche de son écriture, la souille-t-il de son encre ? Une encre à la fois principe éjaculateur et projection de l’inconscient. Jean-Claude Hauc, laudateur et bon spécialiste de Casanova, nous embarque dans l’histoire de la vie en la mort annoncée.

Ouvrage crépusculaire entend-on dire à propos de ce journal/roman d’un enseignant/écrivain, qui loin de se retourner sur son passé (seulement un peu) affronte le présent, devrait-on dire l’étreint ; comme il étreint ses belles élèves damnées. Crépusculaire, certes, mais si l’on invoque facilement le crépuscule du soir, celui que beaucoup pensent unique, celui du matin allume le jour tragique condamné à mourir. La petite lueur rose blafarde. Celle de Baudelaire dans son poème Le Crépuscule du matin :

… Et l’homme est las d’écrire et la femme d’aimer.

Au matin de tout, la partie est jouée. Le soir n’est qu’une étape convenue.

Sur la terre des vivants, Déborah Lévy-Bertherat (par Anne Morin)

Ecrit par Anne Morin , le Mardi, 09 Mai 2023. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Rivages

Sur la terre des vivants, Déborah Lévy-Bertherat, Rivages, avril 2023, 378 pages, 21 € . Ecrivain(s): Déborah Lévy-Bertherat Edition: Rivages

 

Le livre s’ouvre sur la naissance d’Irma, Irma qui se présente mal, qui en ce monde-ci aura tant de mal à s’accorder, et sur une photo du passé où trois dames âgées semblent installées pour l’éternité, et se referme sur la mort d’Irma et le regard neuf porté sur cette même photo. Entre-temps : « life goes on » (p.353).

Qu’est-ce qui sépare, mais aussi, également, qu’est-ce qui répare ? Est-ce la mémoire, est-ce le souvenir ? Qu’est-ce qui donne dans cette visite aux archives de la famille de l’auteur cette « humeur de retrouvailles » (p.37) ? Dans ce laps de temps tour à tour accordé et désaccordé, Irma et ses sœurs voient dans la chambre d’écho de Déborah Lévy-Bertherat leur petite-nièce revivre, se reconstituer.