Identification

Les Livres

Le fils de l’homme, Jean Baptiste Del Amo (par Martine L. Petauton)

Ecrit par Martine L. Petauton , le Mercredi, 19 Avril 2023. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Le fils de l’homme, Jean Baptiste Del Amo, Folio, mars 2023, 288 pages, 8,70 €


« Le faucon lance un cri strident, fond en piqué sur une petite proie quelque part dans la plaine. Alors, le jeune chasseur se penche et ramasse au sol sa sagaie ».

Le prologue – époustouflant – nous bascule dans un moment du Paléolithique, suivant un clan de chasseurs dans lequel il y a – déjà – un père et son fils. L’écriture est parfaite, précise et sobre à la fois, économe, mais tout est là, comme dans une scène cinématographique, jusqu’aux bruits, aux odeurs. Quand on fermera le livre et l’histoire du père, de la mère et du fils, quelque part dans un coin de montagne à notre époque, on restera dans le même récit et l’atmosphère semblable, servis par l’écriture superbe de Del Amo : l’homme face à ses obstacles, la nature toute puissante, la filiation, la fidélité et l’importance des clans.

Génitalité - Féminologie IV : Antoinette Fouque (par Laurence Zordan)

, le Mardi, 18 Avril 2023. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Editions Des Femmes - Antoinette Fouque

Génitalité - Féminologie IV : Antoinette Fouque, Ed. Des Femmes 2023

quatre carrés

Pas simplement une illustration, c’est une invitation que figure le tableau de Joseph Albers qui orne (qui anime, plutôt) la couverture de Féminologie IV Géni(t)alité. Géni(t)alité : en unissant deux syllabes, la parenthèse donne corps à un mot qui se fait matriciel non pas en « donnant un sens plus pur aux mots de la tribu », mais en offrant la genèse du sens à un paradoxe. Paradoxe qui se fait paradigme avec « la chair pense ».

Paradoxe parce que, d’ordinaire, chair et pensée s’opposent : la pensée n’est pas secrétée par le cerveau à la manière de la bile par le foie et, même si l’âme n’est pas logée dans le corps comme un pilote en son navire, demeure la séparation de l’âme et du corps.

Paradigme, parce que c’est à la condition que création et procréation, génialité et génitalité, conception de la chair et chair qui conçoit ne soient plus antagonistes et divisées, à cette condition donc, qu’hommes et femmes ensemble pourront élaborer une éthique de la procréation et une esthétique de la création.

La pluie jaune, Julio Llamazares (Par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 18 Avril 2023. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Espagne, Verdier

La pluie jaune (La Lluvia amarilla, 1985), Julio Llamazares, Verdier Poche, 2009, trad. espagnol, Michèle Planel, 141 pages, 10 € Edition: Verdier

 

Le vieil homme meurt. C’est sa dernière nuit dans le village fantôme dont il est le dernier vivant. Avec lui, va s’envoler la dernière âme, le dernier cœur battant, les dernières souffrances. Le bonheur, l’espoir, la joie, eux étaient partis depuis très longtemps, depuis que Sabina, la femme du vieil homme, est morte. Ils étaient les derniers habitants du village, tous les autres étaient déjà partis au fil des années, morts ou émigrés ici ou là.

La mort traverse ce court roman, celle du vieux comme un point d’orgue à celle du village de montagne dont il est le dernier souffle vivant. La mort non comme un événement mettant fin, mais comme un lent progrès de la décrépitude, du pourrissement, de la chute. Murs, toits, poutres, portes, fenêtres font écho dans leur anéantissement à celui des êtres qui, naguère, ont vécu ici, travaillé, parlé, aimé. La mémoire du vieil homme, comme un long thrène lugubre, résonne comme la malédiction inéluctable qui s’est abattue sur le village dans un destin ténébreux : après la rudesse des hivers, la dureté des travaux, la pauvreté extrême, toutes les plaies d’une humanité oubliée, est venu l’exode inexorable, le départ des jeunes rêvant d’ailleurs, puis celui des vieux, ne pouvant plus subsister dans ce mouroir abandonné qu’est devenu Ainielle (1).

L’Agent Seventeen, John Brownlow (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Mardi, 18 Avril 2023. , dans Les Livres, Recensions, Polars, La Une Livres, Iles britanniques, Série Noire (Gallimard)

L’Agent Seventeen, John Brownlow, Gallimard, Coll. Série Noire, mars 2023, trad. anglais, Laurent Boscq, 504 pages, 23 € Edition: Série Noire (Gallimard)

 

Nom : inconnu ; pseudonyme : Seventeen ; profession : tueur à gages ; employeur : Handler. C’est à peu près tout ce que nous saurons du héros de ce gros volume d’environ 500 pages. On peut ajouter qu’il rentre d’une mission à Berlin et que son prochain contrat est de tuer l’agent Sixteen, son prédécesseur. Il sera sans doute ensuite la cible de Eighteen, mais pour le moment, c’est le meilleur. Il sait peu de choses sur les personnes qu’il doit éliminer, juste ce qu’il a pu obtenir en tirant « délicatement » les vers du nez de Handler et surtout il ne sait pas pourquoi il doit le faire. « Efficacité et silence » pourraient être sa devise. Il connaît, bien sûr, tout des armes, pilote des bolides aux vitesses effarantes ou des machines abandonnées depuis des années dont les batteries continuent à alimenter un moulin à peine rouillé. Malgré une hygiène de vie affolante, peu de sommeil, pas de repos, une alimentation déplorable, il sait tirer de son corps le maximum. Il prend des positions qu’un maître yogi ne chercherait même pas à imiter, saute de hauteurs vertigineuses sans bobo, court tout habillé plus vite que Usain Bolt.

Bestiaire, Alexandre Vialatte (par Charles Duttine)

Ecrit par Charles Duttine , le Lundi, 17 Avril 2023. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Arts, Anthologie, Arléa

Bestiaire, Alexandre Vialatte, Editions Arléa, février 2023, Illust. Philippe Honoré, 168 pages, 11 € Edition: Arléa

 

De la fantaisie érigée en art.

Le genre du Bestiaire s’enracine au plus profond de l’histoire de la littérature. Au Moyen-Age, il connaît ses grandes et riches heures avec des publications fabuleuses comme le « Physiologos » ou encore le « Bestiaire d’Aberdeen ». Dans ces ouvrages, on voit que la relation aux animaux provoque quelque chose de profond qui va de l’admiration à l’interrogation en passant par l’étonnement. Les descriptions des bêtes sont accompagnées de miniatures souvent somptueuses. Que l’on puisse publier un « Bestiaire » signé Alexandre Vialatte, comme le font aujourd’hui les éditions Arléa, ne peut que stimuler notre curiosité. Et l’on n’est pas déçu. On découvrira un Bestiaire non conventionnel, où le loufoque côtoie l’acerbe et où l’absurde rejoint la facétie. Des illustrations-miniatures sont également présentes sous la forme de dessins du regretté Honoré, dessinateur de Charlie-Hebdo, lâchement assassiné un funeste mois de janvier 2015.