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Les Livres

Imprécations nocturnes, Grégory Rateau (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Jeudi, 13 Avril 2023. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Imprécations nocturnes, Grégory Rateau, Éditions Conspiration, novembre 2022, Préface Jean-Louis Kuffer, 78 pages, 10 €

 

Contre qui le poète Grégory Rateau lance-t-il ses « imprécations nocturnes » ? Quels oiseaux de malheur tente-t-il d’anéantir ? La poésie semble dans tous les cas la forme requise, puisque l’imprécation est du registre de la prière, ici invocatrice plutôt que de recueillement. Le titre rappelle la magie noire versus la magie blanche, les oiseaux nocturnes à différencier des espèces diurnes, Artaud le Mômo invoquant et proférant/vociférant dans le martèlement de la Langue qu’on en finisse une bonne fois pour toutes avec l’Imposture… La Voix du poète lance l’anathème contre : contre les impasses de l’amitié (« j’ai échoué en suivant des ombres / dans les impasses de l’amitié »), les inepties du déterminisme (« bringuebalé aux douanes du hasard »), l’imposture des croyances, des attaches et des liaisons mensongères (« mythes sans fondation » ; « inconnus sans adresse/poussière noire balayée au fil du patronymes/ et malmenée par les unions indignes »)… On se souvient des « fureurs » lancées par Léo Ferré et son fils Mathieu reprenant ce terme même pour désigner l’intégralité de l’Œuvre du poète-chansonnier, Les Chants de la fureur.

La Côte Sauvage, Jean-René Huguenin (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 12 Avril 2023. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Points

La Côte Sauvage, Jean-René Huguenin (1960), Points, 1995, 172 pages, 6,50 € Edition: Points

 

Une vie foudroyée, un succès foudroyant, un oubli qui ne l’est pas moins. Voilà résumé le passage de Jean-René Huguenin sur cette terre, passage marqué au fer rouge par cet ouvrage en particulier, roman de la jeunesse traversé par les lumières et les ombres qu’elle implique, inévitablement. Huguenin est mort broyé dans une voiture le 22 septembre 1962, à 26 ans, à toute vitesse, dans la cruelle ardeur de son âge. La lecture de son brûlant Journal (Points Signatures) nous découvre un jeune homme ardent, blessé par la mollesse de son époque, fasciné par le dépassement de soi et la recherche de la force de caractère. Tous les témoignages de ceux qui l’ont connu concordent pour dresser le portrait d’un garçon redoutablement séduisant, exerçant une forte influence sur ses camarades, cassant et hautain. Ce jeune homme ressemble fort au héros de ce roman, Olivier, personnage doté d’une grande puissance mais souffrant de blessures intimes aussi irréparables que d’origine mystérieuse.

Elizabeth Finch, Julian Barnes (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Mardi, 11 Avril 2023. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Mercure de France

Elizabeth Finch, Julian Barnes, Mercure de France, septembre 2022, trad. anglais, Jean-Pierre Aoustin, 197 pages, 19 € . Ecrivain(s): Julian Barnes Edition: Mercure de France

 

Neil, la trentaine, ex-comédien qui a du mal à se trouver s’est inscrit à un cours pour adultes. Son professeur, Elizabeth Finch, cadre d’emblée la teneur de ses interventions. Son enseignement de « culture et civilisation » fera plus référence à la maïeutique, au dialogue socratique qu’au bourrage de crâne et à la prise de notes. Elle s’adresse à des adultes et souhaite une classe active. Malgré ou à cause de sa vêture : ses chaussures plates, sa jupe qui descend juste au-dessous du genou mais aussi grâce à sa langue juste, précise, son intelligence aiguisée, il émane de sa personne une aura très particulière qui attire entre autres Neil. Ce dernier captivé très vite par ses cours devient un inconditionnel d’E.F. Ainsi, celui qui passait pour un instable, devenu platonicien en herbe ne tarde pas à succomber à ce qu’il faut bien appeler le charme singulier de son professeur. Après avoir entendu un peu de son message sur sainte Ursule et ses onze mille vierges, puis beaucoup plus sur Julien l’Apostat, source inépuisable de « dialogues » il osera l’inviter à déjeuner.

Vous êtes ici, Renaud Ego (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 11 Avril 2023. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Poésie

Vous êtes ici, Renaud Ego, éditions Le Castor Astral, 2021, 176 pages, 14 €

 

Englobement

Il est difficile pour le lecteur que je suis de résumer mes diverses impressions, tant les 15 poèmes de cet ouvrage nous donnent à découvrir 6 années de travail toujours animées du même entrain. Une poésie dynamique. Ce qui veut dire ici que, le procédé poétique restant le même, la ligature autour de laquelle tournent ces poèmes se déforme et se dilate dans la lecture. Est-ce la fleur manquante faisant le bouquet ? Sans doute, si l’on espère dans le rassemblement de la lecture, de l’inquiétude humaine et de la forme écrite, voyant dans le poème le poète comme fleur absente mais qui à lui seul fait entièrement le poème – c’est d’ailleurs pour moi le point essentiel : voir le poète sous le glacis de son poème. Forme du discours et espace abstrait.

Le Corsaire Rouge, James Fenimore Cooper (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Vendredi, 07 Avril 2023. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, USA, Roman, Folio (Gallimard)

Le Corsaire Rouge, James Fenimore Cooper, Gallimard, Folio Classique, juin 2021, trad. anglais, Auguste-Jean-Baptiste Defauconpret, 690 pages, 11,50 € Edition: Folio (Gallimard)

Présentée, préfacée et commentée par Philippe Jaworski, cette édition, magnifiquement servie par la traduction, dans un français d’une magistrale pureté classique, de Defauconpret de Thulus, permet à tout lecteur, au prix modeste du format Poche, d’embarquer pour une odyssée marine prodigieuse et conséquemment inoubliable.

L’action commence en 1759, précisément le jour où les habitants du lieu, fidèles sujets de la monarchie anglaise, célèbrent la victoire de l’Angleterre sur la France, laquelle perdait là ses colonies américaines et canadiennes, à Newport, alors petit port de Rhode Island, où mouillent deux navires, le Dauphin et la Royale Caroline, dont la présence, la nature, l’équipage, les qualités opératives, l’élégance, la provenance, la destination, l’activité hypothétique constituent, ponctués d’allusions répétées sur les faits et gestes d’un pirate quasi légendaire qui sillonne et écume l’océan en accumulant prises, massacres et autres forfaits, le sujet principal des conversations qui se nouent sur terre, à l’occasion récurrente de rencontres aux circonstances provoquées ou semblant relever du hasard, entre des personnages qui vont et viennent, en un chassé-croisé dont l’intrigante durée narrative suscite une attente croissante d’il ne sait quoi chez le lecteur littéralement (littérairement) captivé.