Identification

Les Livres

Inscription sacrée, Évhémère de Messène (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 04 Juillet 2023. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Bassin méditerranéen, Les Belles Lettres

Inscription sacrée, Évhémère de Messène, Les Belles Lettres, novembre 2022, trad. Sébastien Montanari, Bernard Pouderon, 330 pages, 45 € Edition: Les Belles Lettres

 

Il faut toujours partir de ce fait tellement massif qu’il en est devenu invisible et que nous n’y pensons même plus : l’écrasante majorité de la littérature gréco-latine a disparu sans retour. Pas seulement les œuvres qui eussent été jugées mineures (et par qui ?), mais des dizaines de tragédies composées tant par Eschyle (nous en avons conservé 7 sur 110) que par Sophocle (8 sur 123) et par Euripide (19 sur 92) ; tragédies dont nous ne connaissons plus que les titres.

Nous savons bien, d’un côté, que la survie de ce qui nous est parvenu à travers vingt-cinq siècles de vicissitudes diverses n’a tenu qu’à une succession de miracles philologiques, improbables, comme le sont tous les miracles ; mais d’un autre côté on ne comprend pas pourquoi ces miracles ne se sont pas produits avec d’autres œuvres (pourquoi avons-nous conservé l’Antigone de Sophocle et pas son Laocoon ou son Iphigénie ?). Car cette disparition semble s’être produite de bonne heure et il n’est pas plausible, quels que soient les fantasmes inavoués ou les idéologies avouées des uns et des autres, d’incriminer les copistes monastiques ou les invasions arabes.

Crèvecœur, Emilio Sciarrino (par Martine L. Petauton)

Ecrit par Martine L. Petauton , le Mardi, 04 Juillet 2023. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Crèvecœur, Emilio Sciarrino, Editions Belfond, avril 2023, 224 pages, 21 €


C’est une boucle de Crèvecœur à Crèvecœur, un quartier populaire, qu’on dirait aujourd’hui précaire, en Picardie. C’est une boucle pour celle qui dit « je », Élise, de l’adolescence étriquée, aux études de plus en plus poussées et prestigieuses, en passant par sa difficile vie de femme, en changeant de prénom, voire d’identité, avant d’entrevoir le chemin. Mais on pourrait dire aussi, c’est la dureté des métamorphoses, de confinement en confinement, de mues consécutives plus ou moins abouties, de sortie de la coquille à l’air libre, et ses risques. « Élise ou la vraie vie » disait un vieux livre de Claire Etcherelli ; ce titre irait bien au livre, aussi, à condition de le faire suivre d’un point d’interrogation.

Sorciers et magie, Gardner Dozois (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 03 Juillet 2023. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Anthologie, J'ai lu (Flammarion)

Sorciers et magie, Gardner Dozois, J’Ai Lu, avril 2023, trad. anglais, Arnaud Mousnier-Lompré, 736 pages, 12 € Edition: J'ai lu (Flammarion)

 

Une bonne anthologie est supposée éveiller le désir d’aller à la rencontre d’auteurs et d’œuvres ; à ce titre, Sorciers et magie est une excellente anthologie de fantasy. Feu Gardner Dozois y propose un aperçu assez complet du genre par le biais de l’activité qui agace au plus au point les rationalistes de tout poil ; la magie – mais sans magie, quel récit vaut la peine d’être lu, puisque tout grand auteur est un peu magicien, avec une tendance à sortir de son encrier un lapin événementiel quelconque ? Dozois avait déjà proposé trois autres biais de découverte de la fantasy, dans lesquels la magie était présente au moins en arrière-plan, puisqu’elle est partie prenante du genre : Dangerous women (en deux tomes), Vauriens, et l’adéquatement nommée Épées et magie, et Sorciers et magie, est à la hauteur de ces trois autres anthologies.

Terres, Marwan Hoss (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 03 Juillet 2023. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Arfuyen

Terres, Marwan Hoss, éditions Arfuyen, juin 2023, 96 pages, 13 €

 

Clarté

Si je pouvais retenir une seule impression sensible du dernier recueil de poésie de Marwan Hoss, je dirais : clarté. Clarté de la langue tout d’abord, hors des modes de l’instant, clarté du propos lequel se satellise sur très peu de concepts, juste assez cependant pour que l’on puisse réfléchir sur des questions graves : le désir, le destin, l’exil, la terre étrangère, le corps, la mort. Mais ceci dans une clarté, une transparence, une grâce (celle des Papiers Découpés de Matisse, ou la représentation des fleurs par exemple, chez Georgia O’Keeffe ; les roseaux, les étourneaux, les palmiers, etc., du poème, ici traités à la manière de ces peintres).

Cette expression cherche la légèreté, ne gardant aucune pesanteur idéologique, préférant le maigre que le gras, peu d’adjectifs préférés à l’ornementation. Se tenir devant une vision ductile qu’il faut saisir sans précipitation, et cela de deux manières : orientale et occidentale, mélange complexe et aventureux.

Étude d’éloignement, Emmanuel Moses (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 30 Juin 2023. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Gallimard

Étude d’éloignement, Emmanuel Moses, Gallimard, mai 2023, 80 pages, 14,50 € . Ecrivain(s): Emmanuel Moses Edition: Gallimard

 

Une quarantaine de livres à ce jour, dont vingt-deux livres de poésie. Voici le dernier, assez bref mais dont la densité révèle des aspects nouveaux, comme ce retrait pour mieux voir, comme si une focale du poète permettait ainsi de mieux traiter tout objet, tout sujet. Faut-il s’écarter du chemin pour mieux saisir le côté complexe du monde ? Faut-il à ce point s’éloigner, au risque de perdre ce que l’on aime ?

Le poète Moses dont j’avais aimé plusieurs livres (Quatuor ; Cette lumière dans cette obscurité ; Monsieur Néant) s’attache à analyser son rapport au réel, entre mentions intimes et aspects fictionnels. D’une fenêtre, d’un surplomb, il suit l’avancée de personnages qu’il s’attribue ou non, « hôtes de passage », « souvenirs et notes » d’un génie musical, « de la fenêtre de ma cellule ». Même « Monsieur Néant » est du voyage : petit blason de référence et autocitation de son auteur.