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Les Livres

Haut-Karabakh, Le livre noir, Eric Denécé, Tigrane Yégavian (par Guy Donikian)

Ecrit par Guy Donikian , le Mercredi, 21 Juin 2023. , dans Les Livres, Recensions, Essais, La Une Livres, Histoire

Haut-Karabakh, Le livre noir, Eric Denécé, Tigrane Yégavian, CF2R, Centre Français de Recherche sur le Renseignement, éditions Ellipses, août 2022, 408 pages, 28 €


Une trentaine de personnalités reconnues répondent dans cet ouvrage au silence « assourdissant » de l’absence médiatique et internationale qui maintient une méconnaissance de la guerre qui a sévi au Haut-Karabakh, et du blocus actuel maintenu par l’Azerbaïdjan. Ce sont des comédiens, des essayistes, des universitaires, des religieux qui s’expriment pour s’indigner et alerter une opinion mondiale bien frileuse quant à ce désastre humanitaire, culturel… Si toutes les guerres sont « sales », certaines le sont d’autant plus qu’elles se font dans une indifférence coupable.

Un vent les pousse, Frédéric Bécourt (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Mardi, 20 Juin 2023. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Un vent les pousse, Frédéric Bécourt, Accro Editions, mars 2023, 208 pages, 19 €

 

« L’admiration de Gilles pour sa fille ne connaissait aucune limite. Elle était sa principale force et sa plus grande faiblesse. La source de toutes ses joies, aussi, et l’unique objet de ses angoisses ».

Un vent les pousse est le roman d’une folie, d’une folie administrative et sociale qui va frapper un père et sa fille. Pour quelques mots échangés entre deux jeunes enfants dans la cour de leur école, la machine éducative va s’échauffer et entrer en fusion. La petite Chloé âgée de 5 ans est accusée par une enseignante d’avoir tenu des propos racistes envers un autre enfant, Souleymane : Laisse-moi, tu sens mauvais, … Rentre chez toi, ou rentre à ta maison. Dans les temps du roman, ministère, inspecteurs et enseignants veillent au grain, au bon grain, et à bien le séparer de l’ivraie. Pour cela un protocole est activé, et l’enfant doit être soumise à des tests psychologiques, la vigilance est de tous les instants, chaque mot et réaction des enfants pesés sur la balance sociale.

Qu’est-ce que l’histoire culturelle ?, Peter Burke (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 20 Juin 2023. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Les Belles Lettres

Qu’est-ce que l’histoire culturelle ?, Peter Burke, Les Belles-Lettres, septembre 2022, trad. anglais Christophe Jaquet, 256 pages, 23,50 € Edition: Les Belles Lettres

 

Publié en 2004, What is cultural history ? a mis dix-huit ans à se voir traduit en français. On a connu pire, mais également mieux en matière de délais (la présente traduction souffre de faiblesses intermittentes, qui parle d’Ernst Robert Cassirer et d’Ernst Curtius, et aurait dû être relue de plus près). Ce livre offre un regard panoramique sur une discipline parfois mal-aimée ou mal-identifiée, en tout cas non enseignée dans l’Université française, et permet, comme tout panorama, d’apercevoir de nouveaux horizons.

L’histoire cultuelle naquit – premier paradoxe – dans un espace linguistique qui n’était pas encore un espace politique, l’Allemagne d’avant l’unification bismarckienne. Une véritable frénésie érudite s’était emparée des esprits allemands avant la naissance de l’Allemagne en tant qu’État et elle durait encore lorsque le pays s’effondra, quelques décennies plus tard. Mais – second paradoxe – deux des noms fondateurs de la discipline furent, l’un suisse (Jacob Burckhardt), l’autre néerlandais (Johan Huizinga).

Mensch, Michaël Glück (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mardi, 20 Juin 2023. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Mensch, Michaël Glück, Editions Faï fioc, 2022, 141 pages, 15 €

 

« On ne sait même pas les noms de tous ceux qui sont morts, mais on connaît celui de leur mort, dit Rosa en parlant de l’histoire. Une histoire de livres brûlés, de langues arrachées, de bouches brisées. Nous n’avons jamais dit que nous étions le peuple du livre, avait murmuré quelqu’un. L’aveugle avait expliqué : Nous n’avons jamais dit que nous étions le peuple de l’idolâtrie du livre. Iacob Schumacher aimait répéter cette sentence de l’aveugle malgré les propos malveillants de quelques femmes qui n’avaient cessé de lui reprocher sa liaison avec Danka Wasilewska, l’étrangère. Mais oui, le livre avait une odeur de femme ! Ytzaak Weiningen lui avait dit : Elles ne savent pas que tu gardes le livre contre l’idolâtrie du livre. Et l’aveugle avait ajouté : La chance du livre est dans la danse du livre » (p.102).

Un chef-d’œuvre a le droit de n’être pas précis, ni sobre ni conclusif – et ce livre, on vient de le voir, ne s’en prive pas ! Imprécis : l’exclusive petite communauté de Juifs d’Europe de l’Est (Rosa et Ytzaak Weiningen, Chlomo,

Manhattan Transfer, John Dos Passos (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 19 Juin 2023. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Folio (Gallimard), En Vitrine, Cette semaine

Manhattan Transfer, John Dos Passos, Folio, février 2023, trad. anglais (USA) Philippe Jaworski, 544 pages, 9,70 € Edition: Folio (Gallimard)

 

Grâces soient rendues à Philippe Jaworski, dont on peut de bon droit estimer qu’il a souffert, enfant, adolescent et adulte, de traductions pénibles d’ouvrages anglo-saxons, puisqu’il soigne depuis des années cette souffrance en rendant justice à ces ouvrages ! Et pour le coup, on soupire d’aise : il était grand temps que Manhattan Transfer, le cinquième roman de John Dos Passos et, au passage, l’un des plus importants romans de la modernité soit proposé en français autrement que dans la langue guindée et purificatrice de Maurice-Edgar Coindreau. Certes, ce dernier a œuvré pour la reconnaissance de la littérature anglo-saxonne en France, d’Ernest Hemingway à William Faulkner ou de John Steinbeck à Erskine Caldwell, mais qu’est-ce qu’il pouvait élaguer ! On rêve ainsi à lire Le Petit arpent du bon Dieu en français dans toute sa virulence…

Pour Manhattan Transfer (1925), c’est donc désormais chose faite, que ce passage de l’anglais d’un New York populaire à un français assoupli de ses convenances, et on peut pleinement goûter le propos de John Dos Passos. Jugeons sur pièce avec un paragraphe saisissant, celui de l’accident du livreur de lait Gus, conclusion du second chapitre :