Terres, Marwan Hoss (par Didier Ayres)
Terres, Marwan Hoss, éditions Arfuyen, juin 2023, 96 pages, 13 €
Clarté
Si je pouvais retenir une seule impression sensible du dernier recueil de poésie de Marwan Hoss, je dirais : clarté. Clarté de la langue tout d’abord, hors des modes de l’instant, clarté du propos lequel se satellise sur très peu de concepts, juste assez cependant pour que l’on puisse réfléchir sur des questions graves : le désir, le destin, l’exil, la terre étrangère, le corps, la mort. Mais ceci dans une clarté, une transparence, une grâce (celle des Papiers Découpés de Matisse, ou la représentation des fleurs par exemple, chez Georgia O’Keeffe ; les roseaux, les étourneaux, les palmiers, etc., du poème, ici traités à la manière de ces peintres).
Cette expression cherche la légèreté, ne gardant aucune pesanteur idéologique, préférant le maigre que le gras, peu d’adjectifs préférés à l’ornementation. Se tenir devant une vision ductile qu’il faut saisir sans précipitation, et cela de deux manières : orientale et occidentale, mélange complexe et aventureux.
Nous avons traversé l’aurore
La rosée du matin
pose sur tes lèvres
son premier baiser
Simplicité radieuse, qui cache une sensibilité très fine, des fragments du ciel, le ciel lui-même parfois dans sa totalité, le soleil, astre unique, simplicité et humilité devant le monde que le poème sacralise. Ici, tout autant les formes courtes japonaises, que le travail de l’éclat chez Guillevic. Car la réalité du poète est profonde.
Il y a aussi un sentiment insulaire. Comme si cette poésie parlait de frontières infranchissables, sorte de Charybde et Scylla, où se trouverait la vraie difficulté de se conduire au sein du court détroit d’un livre. Ou encore, se tenir à l’écoute du chant des Sirènes.
Simples éléments donc pour contempler : le soleil, le vent, en une sorte d’Odyssée statique.
Pour vous distraire
vous avez chanté
et dansé toute la nuit
vos corps nus me fascinaient
Pour conclure, je reviendrais à Matisse. Pour parler de cette grâce et de cette élégance des papiers colorés et découpés dans un esprit de pure contemplation, de netteté, presque d’abandon à la forme. À ce sujet, j’ajouterais : poésie aliénée au principe secret du beau. Avec des figures presque géométriques (l’orbe des étoiles), des couleurs (dont le prisme élémentaire d’une poétique écrite avec des teintes primaires), et de la douleur (peut-être occasionnée par le chagrin de la perte du pays d’origine). Donc Marwan Hoss n’hésite pas dans son trait, peut-être sans repentirs, mais nullement à la manière de Cy Twombly, mais plutôt à celle de Calder, de formes écrites de mobiles colorés (à voir dans un des livres de la Collection Maeght).
Didier Ayres
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