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Marie Curie prend un amant, Irène Frain

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Jeudi, 11 Février 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Biographie, Récits, Seuil

Marie Curie prend un amant, octobre 2015, 368 pages, 21 € . Ecrivain(s): Irène Frain Edition: Seuil

 

A mi-chemin entre l’enquête historique et sociologique et le récit empathique, qui établit des passerelles entre les trous de l’histoire, l’ouvrage d’Irène Frain s’attache aux années de la vie de Marie Curie où, après la mort accidentelle de son époux Pierre et après l’obtention de son premier prix Nobel, de physique, pour leurs travaux communs, celle qu’on appelait « la veuve illustre » vit une passion amoureuse avec le phycisien Paul Langevin. Cette liaison secrète, qui vira au scandale parce que Paul était marié, s’étendit probablement de 1910 à 1912, année où la société et la morale les forcèrent à interrompre leur histoire d’amour. Au début du XXe siècle, l’adultère était un délit et, en raison de la célébrité des amants, l’affaire de cœur menaça de tourner à l’affaire d’Etat.

Les opposants dans la vie privée (Jeanne Desfosses, femme de Paul, la mère de Jeanne et sa sœur Euphrasie Bourgeois) se doublent en effet d’opposants publics, en les personnes du beau-frère de Paul, le rédacteur et patron de presse Henri Bourgeois, et de Gustave Téry, journaliste à l’Oeuvre, organe d’extrême-droite antidreyfusard, puis en atteignant les membres de l’Université et jusqu’à ceux de l’Académie des sciences, où Marie se présente à l’automne 1910. Lorsque la presse s’en mêle, les héros sont malmenés.

Le poids du cœur, Rosa Montero

Ecrit par Marc Ossorguine , le Mercredi, 10 Février 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Espagne, Métailié

Le poids du cœur, janvier 2016, trad. espagnol Myriam Chirousse (El peso del corazón, Seix Barral), 357 p. 22€ . Ecrivain(s): Rosa Montero Edition: Métailié

 

Rosa Montero sait avec adresse naviguer d’un genre littéraire à l’autre et a un certain goût pour les récits qui permettent d’interroger le présent et le destin de l’humain en nos temps incertains et passablement troublés. C’est ainsi qu’elle s’est glissée il y a quelques années dans la peau de Bruna Husky, la réplicante de combat, mi-humaine mi-machine, femme d’action soumise à la violence de ses propres questionnements sur la vie – sa vie de « rep », limitée à 10 années et construite sur une mémoire fabriquée par d’autres – mais aussi habitée d’une colère permanente contre les violences mises en œuvre, intentionnellement ou pas, par un gouvernement mondial élitiste et manipulateur qui contrôle étroitement l’information comme les personnes, humaines ou non-humaines.

Encombrée et soutenue par les faux souvenirs que son mémoriste a programmés en elle, Bruna est obsédée par le compte à rebours des jours qui lui restent à vivre (3 ans, 10 mois et 14 jours au début du récit), et fréquente plus d’humains que de « reps », malgré toutes les douloureuses ambiguïtés qu’il peut y avoir dans l’attachement entre humains et reps.

La Fayette, Jean-Pierre Bois

Ecrit par Vincent Robin , le Mercredi, 10 Février 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Livres décortiqués, Histoire, Perrin

La Fayette, août 2015, 496 pages, 24 € . Ecrivain(s): Jean-Pierre Bois Edition: Perrin

 

Convoquée par des personnalités historiques dont la notoriété résonne encore, l’exploration du passé révèle quelquefois des situations qui préfigurent étonnamment les marques de notre actualité. Le président Obama faisant tout récemment l’éloge d’une alliance séculaire mais primordiale entre les Etats-Unis et la France, puis, la question de la bi-nationalité refaisant surface à travers un débat national subit et prometteur de houle, illustrent aujourd’hui d’assez près ce genre de coïncidences curieuses.

En ajoutant également à ces deux faits sans relation très pertinente, celui a priori tout aussi peu corrélatif de la mise à la mer récente d’un navire français rebaptisé L’Hermione et qui effectuait il y a peu un très symbolique pèlerinage outre-Atlantique, la magie du rebondissement mémoriel opérait ainsi tout dernièrement de façon étrange.

Ce qui reste après l’oubli, Alain Duault

Ecrit par France Burghelle Rey , le Mardi, 09 Février 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie, Gallimard

Ce qui reste après l’oubli, 143 pages, 17,75 € . Ecrivain(s): Alain Duault Edition: Gallimard

 

Le troisième volet du triptyque d’Alain Duault mériterait bien que son titre soit éponyme de cet ensemble de près de 400 textes car il énonce un paradoxe que développe l’œuvre toute entière et qui s’exprime, en effet, dès le premier recueil, Une hache pour la mer gelée. Déjà, en effet, la répétition des thèmes, les récurrences de mots, les assertions métaphoriques, les questionnements de l’incipit à la chute des quinzains permettent de comparer le travail du poète au ressac de la mer devant laquelle il aime travailler. C’est sans doute devant elle qu’il a évoqué les horreurs de la guerre qui l’ont marqué au point qu’il en est arrivé à écrire : « la guerre, c’est moi ». Mais, dès les premiers textes, il s’était, à l’inverse, rappelé les bons souvenirs comme, dans cette description au présent, où, à propos de la femme aimée, il parle de « la ligne de ses cheveux ou cette manière de monter son cheval bai ». Dans les nombreux passages consacrés à celle qui n’est plus et qu’il fait revivre ici, le poète hésite, sans aucun doute volontairement, entre l’emploi du temps présent et celui des temps du passé en les faisant alterner d’un chapitre à l’autre et même d’un texte à l’autre.

Le fou, Raffi

Ecrit par Guy Donikian , le Mardi, 09 Février 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Pays de l'Est, Roman

Le fou, éd. Bleu Autour, trad. arménien Mooshegh Abrahamian, 392 pages, 15 € . Ecrivain(s): Raffi (Hakob Melik Hakobian)

 

 

« Bayazed était assiégée. Des Turcs, des Kurdes, des Tsiganes, des Djoulo et plus de vingt mille bachi-bouzouks s’étaient joints dans une grande confusion aux troupes régulières turques. La ville, encerclée, à demi détruite, n’était plus qu’un immense brasier. Les maisons des arméniens chrétiens étaient vides. Leurs habitants avaient été passés au fil de l’épée ou faits prisonniers par les barbares. Rares étaient ceux qui étaient parvenus à fuir jusqu’à la ville frontière de Magou, en territoire perse ».

Ainsi commence le roman de Raffi, l’écrivain arménien du 19ème siècle. Le roman a pour cadre la guerre russo-turque de 1877-1878, guerre au cours de laquelle Turcs et Kurdes perpétrèrent des massacres sur les Arméniens. Le prétexte de cette guerre fut idéal pour accuser les Arméniens d’intelligence avec l’ennemi, les Russes, pour désarmer les sujets arméniens, puis pour les massacrer, ou les enrôler dans l’armée turque au front.