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La Une Livres

À l’ombre des patriarches, Pierre Pouchairet

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Vendredi, 08 Avril 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Polars, Roman, Jigal

À l’ombre des patriarches, février 2016, 292 pages, 19 € . Ecrivain(s): Pierre Pouchairet Edition: Jigal

 

Retour en janvier 2016 à Jérusalem et en Cisjordanie pour le dernier roman de Pierre Pouchairet. Retour également de Guy et Dany, les deux inspecteurs de la police judiciaire israélienne aux origines pied-noir, et de Maïssa, la jeune flic franco-palestinienne, trois des principaux héros d’Une terre pas si sainte, qui vont devoir collaborer à l’occasion de deux enquêtes. Deux affaires qui démarrent de manière indépendante et vont finir par s’imbriquer. Pourtant le prologue se situe en Afghanistan à Kaboul en 2012, lors de l’attaque par des terroristes d’un hôtel fréquenté par des Occidentaux. Rien à voir ? C’est mal connaître le talent de Pierre Pouchairet.

Ceux et celles qui ont déjà lu les romans policiers de l’auteur savent qu’il bâtit ses fictions à partir de sa propre expérience professionnelle au Moyen-Orient. Ici, chaque page de ce nouvel opus est une descente aux Enfers et apporte un éclairage saisissant sur les « ir-relations » entre israéliens et palestiniens.

Frédéric Badré

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 07 Avril 2016. , dans La Une Livres

 

« Mon corps et moi nous ne nous entendons plus. Je ne le reconnais plus. La maladie neurodégénérative qu’est la SLA aura provoqué une sorte d’accélération dans le temps. Jour après jour toutes mes forces diminuent perceptiblement. Mon corps m’a projeté en un clin d’œil hors de la vie ».

Ainsi débute L’intervalle, le prochain roman de Frédéric Badré dont quelques feuilles envolées viennent d’être publiées par la NRF du mois de mars. L’écrivain, le dessinateur, l’amoureux de Venise, le complice de la revue Ligne de Risque, s’est éteint à l’âge de 51 ans.

Avec François Meyronnis et Yannick Haenel, il avait fondé en 1997 la revue Ligne de Risque, publiée aujourd’hui par les éditions Multiple, et dont le dernier opus est en grande partie consacré à Leïb Rochman et son monument A pas aveugles de par le monde. Frédéric Badré aimait tout autant la guitare que les mots, les églises de Venise que les éclats de Paris, mais il a dû ranger sa guitare et sa plume, le corps lâchait de toute part, la maladie faisait son chemin et s’employait à tout réduire, à tout détruire, le corps et la voix.

6 minutes 23 séparent l’enfer du paradis, François Suchel

Ecrit par Lionel Bedin , le Mercredi, 06 Avril 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Récits, Voyages

6 minutes 23 séparent l’enfer du paradis, éd. Paulsen, janvier 2016, 224 pages, 19,90 € . Ecrivain(s): François Suchel

 

 

« Dans une époque en quête d’exotisme, l’avion est une lance jetée vers les palmiers ». Prendre l’avion est aujourd’hui un acte banal pour la plupart d’entre nous. Et nous savons tous que c’est le moyen de transport le plus fiable, même si de temps en temps quelques accidents dramatiques viennent doucher notre confiance. François Suchel, commandant de bord à Air France, dit que c’est pour « dédramatiser » qu’il a écrit ce livre, pour donner à comprendre le quotidien d’un pilote, y compris quand un grain de sable transforme un vol en aventure. Pas sûr que cette lecture apporte une guérison à ceux qui en auraient besoin. D’ailleurs ça n’est pas le propos principal. Il ne s’agit pas seulement de récits techniques, même si parfois le lecteur ne comprendra peut-être plus si l’avion a la tête en bas ou non ; l’auteur n’est pas seulement pilote, mais aussi photographe et écrivain. Et dans son cockpit, poète.

Le miel, Slobodan Despot

Ecrit par Anne Morin , le Mardi, 05 Avril 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Folio (Gallimard)

Le miel, novembre 2015, 151 pages, 6,40 € . Ecrivain(s): Slobodan Despot Edition: Folio (Gallimard)

 

Qu’est-ce que le miel ? Sinon ce produit qui guérit, adoucit, réconforte. Symbolique ou produit réel, Slobodan Despot le livre ici comme trait d’union.

Dans ce pays éclaté qu’est l’ex-Yougoslavie, où les hommes ne se comprennent plus, ce pays si découpé que des frontières poussent au gré des coups de main ou des opérations de telle ou telle ethnie, dans ce pays dévasté, il semble qu’il ne reste plus personne de sensé : « Des graffitis sardoniques, irréels, ornaient les murs, tracés par les deux camps au fil de leurs avancées et de leurs reculades » (p.74).

Dans la Krajina, un vieil homme, Nikola, ancien instituteur devenu apiculteur se tient loin des combats, et du haut de la montagne, dans la cabane rustique où il passe le plus clair de son temps, il entend les bruits de la guerre, en bas dans la vallée où il n’y a plus âme qui vive. Sa famille a fui devant les Croates, l’oubliant dans la débâcle.

Dans le passage un pope, Lev Nikolaïevitch Petrov-Blanc

Ecrit par Philippe Chauché , le Lundi, 04 Avril 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Russie, Roman, Editions Louise Bottu

Dans le passage un pope, février 2016, trad. du russe par Pauline J.A. Naoumenko-Martinez, 120 pages, 14 € . Ecrivain(s): Lev Nikolaïevitch Petrov-Blanc Edition: Editions Louise Bottu

 

« Il porte l’uniforme, aussi. Bleu. De ce bleu qui tire sur l’espoir. Tant de manières pour parler de lui se télescopent, se contredisent, lui c’est un souvenir. Autant dire un leurre ».

Dans le passage un pope est un leurre, un appât, et le lecteur, telle une palombe, s’y laisse prendre, y perdant quelques plumes – ses certitudes littéraires –, et parfois plus. Tout roman qui se joue et s’amuse du roman procède ainsi, d’une invitation joyeusement trompeuse c’est, à bien y regarder, ce que fait ce pope dans son passage. Il traverse la ville enneigée, pour s’engager dans le passage, ce confessionnal, cette galerie où se glissent des moscovites plus ou moins égarés, perdus, cassés, énervés et rieurs, des clébards en veux-tu en voilà, des bidasses, un unijambiste et une femme à l’imperméable. Un théâtre de l’absurde se dévoile, et on ne peut douter que Petrov ait lu Beckett, Boulgakov et Pérec, et si l’écrivain des joyeuses contraintes nous a dévoilé Paris, et une langue gourmande, Petrov éclaire Moscou et ses vagabonds avec tout autant de plaisir, il donne, si l’on peut dire, sa langue au pope.