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La Une Livres

Juste ciel, Éric Chevillard

Ecrit par Marie-Josée Desvignes , le Samedi, 19 Mars 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Les éditions de Minuit

Juste ciel, mars 2015, 141 pages, 13,50 € . Ecrivain(s): Éric Chevillard Edition: Les éditions de Minuit

 

Il s’appelle Albert Moindre. Déjà par son patronyme « restrictif », il est un peu le symbole de monsieur-tout-le-monde, à peine un peu plus important que vous et moi puisqu’il est quand même le personnage central du dernier roman d’Éric Chevillard.

Coincé dans l’entre-deux-mondes, peut-être au Purgatoire, tout simplement mort mais capable de nous raconter par l’intermédiaire de l’auteur ce qui se passe depuis le ciel. Albert Moindre est bien mort. Le voilà dans ce lieu improbable entouré de gens qui s’appellent tous Albert, ont tous la cinquantaine, sont tous myopes, très passionnés de violon, tous morts sur la route dans les mêmes circonstances, c’est-à-dire comme lui, écrasés par une fourgonnette. Le ton est donné, les élucubrations sur les questions de l’après-mort rendues par un écrivain à l’imagination débordante vont nous entraîner dans des délires parfois hilarants. On prend bien quelques fous-rires dans une suite de réparties toutes aussi inattendues les unes que les autres.

Une Histoire du Monde en 10 Chapitres ½, Julian Barnes

Ecrit par Didier Smal , le Samedi, 19 Mars 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Iles britanniques, Roman, Folio (Gallimard)

Une Histoire du Monde en 10 Chapitres ½, trad. anglais Michel Courtois-Fourcy, 528 pages, 8,50 € . Ecrivain(s): Julian Barnes Edition: Folio (Gallimard)

 

Pendant quelques années, Une Histoire du Monde en 10 chapitres et ½ (1989), le cinquième roman de l’auteur anglais Julian Barnes (1946) n’a plus été disponible en français ; pour qui en avait fait un livre culte, chaque exemplaire trouvé en bouquinerie était à acheter et offrir, tant il paraissait injuste que tout le monde ne puisse pas profiter de ce festival narratif. Puis un beau jour, on s’aperçoit que les éditions Gallimard l’ont réédité dans leur collection Folio, et on s’en réjouit jusqu’à mettre la main sur un exemplaire : outre que la couverture n’a plus aucun rapport au roman, contrairement à celle de chez Stock et, ensuite, au Livre de Poche, qui s’ornait d’une reproduction du Radeau de la Méduse, ce même tableau n’est plus reproduit en couleurs sur papier glacé encarté, mais bien en noir et blanc, aux pages 210 et 211 du livre. Ce n’est qu’un détail au regard du texte, mais on y perd quand même en élégance éditoriale. Celle-ci perd d’ailleurs encore des plumes lorsqu’on commence à trouver des coquilles liées à une mauvaise relecture (« ondes » à la place de « oncles », « dub » à la place de « club »…). On pinaille, on pinaille, mais bon, tant qu’à faire rendre disponible un texte, autant le faire avec classe.

Journaux de bord (1947-1954), Jack Kerouac

Ecrit par Marc Michiels (Le Mot et la Chose) , le Vendredi, 18 Mars 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, USA, Récits, Gallimard, Voyages

Journaux de bord (1947-1954), édition de Douglas Brinkley, trad. anglais (USA) Pierre Guglielmina, novembre 2015, 592 pages, 29,50 € . Ecrivain(s): Jack Kerouac Edition: Gallimard

 

« À vouloir croire la conscience de la vie et de l’éternité n’est pas une erreur, ou le fruit d’un isolement… – mais d’un amour ardent et précieux de notre pauvre condition qui, par la grâce de Dieu de Mystère, sera résolu et éclairé pour nous tous à la fin seulement, peut-être…

Sans quoi je ne peux plus vivre ».

 

Les Journaux de bord de Jack Kerouac, écrits sur une série de cahiers, sont les négatifs d’un voyage qui permet à son auteur de rester en contact avec toutes les choses, les êtres qu’il croise pendant son chemin. D’approfondir les mondes du possible dans l’obstination d’un travail quotidien, avec pour seule tentation la maîtrise de sa propre vanité.

Je suis passé parmi vous, Michel Monnereau (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 18 Mars 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie, La Table Ronde

Je suis passé parmi vous, mars 2016, 136 pages, 14 € . Ecrivain(s): Michel Monnereau Edition: La Table Ronde

 

Par un hasard qui ne se contrôle point, j’ai lu les deux livres de Michel Monnereau un 26 février. Le 26 février 2014, je lisais On s’embrasse pas ; deux ans plus tard, le vingtième livre de poèmes, Je suis passé parmi vous.

Si je rapproche ces deux œuvres d’un même auteur, c’est surtout parce que le terreau d’enfance semble souder l’approche par le même poète-romancier et un certain climat favorable à la nostalgie, au passé.

Ce vingtième livre de poésie de son auteur (depuis 1973) « remonte les rues du village mort » (p.53). C’est l’heure de rameuter les souvenances : « les cheveux blancs venus en silence » (p.51) honorent la tête du poète dont les « poèmes sont les rues/ que je n’ai pas su prendre » (p.47).

Le livre poursuit ce but, que tout poète digne de cette appellation se donne, « rejoindre l’enfant qu’on a laissé/ dans la première fureur du monde » (p.35).

C’est un poète, en marge, à l’écart, qui justifie son titre : « je suis passé parmi vous/ sans vous reconnaître » (p.32).

Tous les Vivants, Le crime de Quiet Dell, Jayne Anne Phillips

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 17 Mars 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, USA, Roman, L'Olivier (Seuil)

Tous les Vivants, Le crime de Quiet Dell (Quiet Dell), janvier 2016, trad. américain Marc Amfreville, 533 pages, 23,50 € . Ecrivain(s): Jayne Anne Phillips Edition: L'Olivier (Seuil)

 

 

Reconstitution minutieuse et complète d’un fait-divers aussi célèbre que terrifiant, néanmoins roman, voire romance, ce livre captive de bout en bout tant son auteur tricote habilement le réel recomposé et l’imaginaire. On ne s’attend pas à cela pendant les 65 premières pages, consacrées à la malheureuse « héroïne » de l’histoire, la très fleur-bleue et assez sotte mère de famille. Cette assertion vise à avertir le futur lecteur qu’il ne doit en aucun cas se décourager de continuer la lecture, car quand le mal survient, c’est une violente irruption d’une figure somme toute satanique, dans l’univers feutré d’une petite bourgeoisie provinciale très « bovaryenne ». Le fait-divers en soi est assez sordide, pour que Jayne Anne Phillips n’ait eu besoin d’en remettre sur la noirceur. Et le résultat est étonnant et séduisant : le mariage de la bluette et de l’horreur.