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La Une Livres

Le Grand Marin, Catherine Poulain

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Vendredi, 06 Mai 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, L'Olivier (Seuil), Voyages

Le Grand Marin, février 2016, 372 pages, 19 € . Ecrivain(s): Catherine Poulain Edition: L'Olivier (Seuil)

 

Serrer le corps du grand marin, c’est entrer de plein fouet dans les entrailles du livre, adapter son langage et ses odeurs, sombrer avec lui, le soir, la nuit, glisser sur le port et repeindre la ville en rouge. Ivre et hagard au matin, l’alcool dans le sang, à terre, les grands marins tanguent. Ils n’ont pas le pied, ils n’ont plus le sens. Ils flottent et se décharnent. Lili, elle, elle veut être avec eux, s’écorcher la face, elle veut du ressac, elle veut du vent, le sel pour ronger son visage, la mer pour réparer son corps. Elle veut un bateau. Etre adoptée. Pénétrer la chair d’un bateau pour l’habiter tout entier, au bout du monde, voire y disparaître.

Lire ce livre, c’est se tenir avec son propre corps au bastingage comme aux comptoirs des bars, vivre les gueulantes des hommes et des vagues, là sur le pont à ne pas savoir comment s’y prendre. Etre un Homme et s’y tenir. Porter, tendre, attendre son tour par terre et ne plus savoir dormir que par chapitres.

Votre regard, Cédric Bonfils

Ecrit par Marie du Crest , le Jeudi, 05 Mai 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Théâtre, Espaces 34

Votre regard, février 2016, 34 pages, 10 € . Ecrivain(s): Cédric Bonfils Edition: Espaces 34

 

« Les isolés »

J’emprunte à l’auteur de l’épigraphe inaugurale du texte de Cédric Bonfils, l’idée que « nous sommes tous des isolés » mais cet isolement peut être brisé. Elle me sert de titre car c’est sans doute de cela dont il est question dans ce court monologue ou plutôt dans cette adresse à l’autre, qui cherche la réponse toujours de celle qui jamais ne fera entendre sa voix. Le locuteur est un homme, qui peu à peu se dévoilera, comme la nuit va vers l’aube et une femme sans nom qui dort sur un canapé dans son appartement, un inquiétant couteau dans la main. Son enfant dort dans la pièce d’à côté. Il veille sur elle ; il la protège de la violence du monde, de celle d’un homme, de celle de ses cris de ses hurlements. Au début du texte, il lui répète : Ça va aller (p.9 puis 15)

Il est aussi comme « une veilleuse », une lumière jetée sur leurs deux vies. Il ne cesse de l’interroger avec sollicitude sur son état (les phrases interrogatives sont très nombreuses). Quant à lui, il va par bribes découvrir ce qu’est son existence. Sa parole se constitue de blocs suivis d’espaces, d’élans à nouveau pris vers cet échange nocturne dont la matière est silence et parole. Il s’agit d’une rencontre soliloque et pourtant décisive, paradoxalement évidente. Ne dit-il pas, p.16 :

Verdun 1916, Antoine Prost, Gerd Krumeich

Ecrit par Vincent Robin , le Jeudi, 05 Mai 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Histoire

Verdun 1916, Tallandier, novembre 2015, 320 pages, 20,90 € . Ecrivain(s): Antoine Prost, Gerd Krumeich

 

L’un est Français, l’autre d’origine germanique. Antoine Prost et Gerd Krumeich proposent leur livre « écrit à quatre mains » sous le titre Verdun 1916. Parmi la foison des éditions passées ou récentes visant la Première guerre mondiale, et plus spécialement la très retentissante bataille lorraine déclenchée le 21 février 1916 (d’une durée de 10 mois comptant 300.000 morts), assurément ce retour d’analyse sur l’un des épisodes les plus sanglants du conflit (quoi qu’on en discute maintenant) doit-il être salué pour son traitement original et pour les questions que font surgir l’entretien du souvenir au temps actuel.

Plutôt que d’énumérer encore par le détail les péripéties locales (tandis que cela reste parfois incontournable) de ce singulier fait d’armes du milieu de guerre, les auteurs élèvent ici sensiblement nos regards sur les raisons véritables des combats engagés dans le contexte rencontré. Leur éclairage s’effectue à la lueur des tournures du conflit à large échelle, également sous le feu rayonnant et quelquefois passionnel des écrits divers publiés à sa suite. Aussi bien, cette vision croisée de deux héritiers de nations autrefois ennemies mais depuis longtemps réconciliées intervient-elle effectivement de façon assez inédite.

Monsieur Léon, juif russe, Daniel Chambon

Ecrit par Gilles Brancati , le Jeudi, 05 Mai 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Récits

Monsieur Léon, juif russe, Les Éditions de Paris, avril 2014, 185 pages, 16 € . Ecrivain(s): Daniel Chambon

Les Russes ont cette coutume : ils vont pique-niquer sur la tombe de leurs défunts pour entamer avec eux un dialogue. C’est ainsi que commence ce récit. L’auteur vient chercher auprès de son grand-père décédé, l’histoire de sa famille. Et Evsei-Leib Doubrovsky ne se fait pas prier pour raconter sa vie et celle de ceux qui l’ont entouré, parents, enfants, oncles, tantes, cousins…

Les juifs, en Russie, sont cantonnés dans une zone dite « zone de résidence », leurs droits sont restreints et ils sont victimes de pogroms. Comme toujours ils sont les victimes expiatoires d’une humanité sans repères dès que quelque chose va mal. Evsei-Leib, jeune homme, s’enfuit pour la France, pays d’accueil, où il sait qu’il sera accueilli par ceux qui l’ont précédé. Pour affirmer sa volonté de s’intégrer, il prend le prénom de Léon et s’engage dès le début de la Grande Guerre. Elle ne voudra pas de lui à cause de sa santé précaire et le réformera.

Il travaille comme tailleur, comme tous les autres parce que le métier s’apprend de père en fils et que tant d’autres voies leur sont interdites. C’est l’époque du sur-mesure et la naissance du prêt-à-porter. Après le décès de Rachel, sa première épouse dont il a eu un fils, Jean-Charles, la Belle Jardinière, en avance sur son époque, lui confie du travail et l’envoie à Stamboul où il rencontre Anna qu’il épouse et donnera naissance à un garçon et deux filles.

Des petites filles modèles, Romain Slocombe

Ecrit par Marc Michiels (Le Mot et la Chose) , le Mercredi, 04 Mai 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Belfond

Des petites filles modèles, janvier 2016, 304 pages, 18 € . Ecrivain(s): Romain Slocombe Edition: Belfond

 

« Sais-tu rien de plus doux, ô mon amie qui tremble, que d’être là, tous deux… les yeux ravis, les cœurs mêlés, les mains ensemble ? »

Faut-il le rappeler, la Collection Remake aux éditions Belfond est d’une grande qualité, toujours singulière tant du point de vue du choix des écrivains contemporains que des œuvres choisies de notre héritage littéraire. Cette fois-ci, c’est Romain Slocombe qui s’y frotte ! Auteur de romans noirs, réalisateur, illustrateur, photographe, aimant le Japon et ses « signes » sadomasochistes, Slocombe revisite Les petites filles modèles de la Comtesse de Ségur. On devrait plutôt dire qu’il s’y prélasse, au service d’une jubilation du désir dont le plaisir tout court nourrit notre âme d’une question lancinante : est-ce que le bien ou le mal est au service du désir, au service de la perversion ?

À la suite de travaux d’agrandissement d’un parking situé à proximité de l’église de Rennes-le-Château, dans le département de l’Aude. Un manuscrit anonyme est découvert dans un cercueil en plomb. Écrit entre 1925 et 1930 apparemment par une femme et qui était posé à côté du corps de la défunte.