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La Une Livres

Moze, Zahia Rahmani

Ecrit par Patryck Froissart , le Vendredi, 29 Avril 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Sabine Wespieser

Moze, avril 2016, 190 pages, 9 € . Ecrivain(s): Zahia Rahmani Edition: Sabine Wespieser

 

Moze est le père de la narratrice. Moze est un harki.

La narratrice porte une marque, péjorative, qu’elle ressent comme lourdement infâmante : elle est « fille de harki ».

« Fille de harki »… Telle est son identité.

Moze s’est suicidé un 11 novembre, après être allé salué le monument aux morts du village de France où il s’est réfugié, où il s’est isolé avec sa famille.

L’ouvrage prend la forme, le plus souvent, d’un monologue intérieur intense, entrecoupé de dialogues, d’entretiens avec le père défunt, avec la mère, avec les membres d’une Commission nationale de réparation incapables de comprendre, et a fortiori de mesurer l’injustice historique subie par les harkis. Les éléments narratifs, l’histoire terrible de Moze, de ses frères, de sa famille, apparaît dans ces monologues et dialogues en pointillés, en fragments, en pièces d’un puzzle que le lecteur reconstitue au fil des pages.

La face nord de Juliau, treize à seize, Nicolas Pesquès

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Vendredi, 29 Avril 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie, Flammarion

La face nord de Juliau, treize à seize, 2016, 240 pages, 18 € . Ecrivain(s): Nicolas Pesquès Edition: Flammarion

 

« Il y a tout de suite de l’écart. Il y a tout de suite un instant qui s’en va ».

1.

 

1. 1. 1. « J’écris dans la bouche ».

1. 1. 2. « J’écris dans la bouche jusqu’à la jouissance des yeux ».

 

1. 2. 1. « [I]l n’y a pas de contradiction entre les mots et les choses, et […] la grammaire n’est pas un socle sûr et définitif, mais notre corps nécessairement étendu ».

1. 2. 2. « Ce que les phrases font est comparable à ce que la colline procure. Corps et paysage sont des composés l’un de l’autre, ils communiquent facilement ».

Injection mortelle, Jim Nisbet

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 28 Avril 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Polars, USA, Roman, Rivages/noir

Injection mortelle (Lethal Injection), janvier 2016, trad. américain Freddy Michalski, 269 pages, 8 € . Ecrivain(s): Jim Nisbet Edition: Rivages/noir

 

Les trois premiers chapitres de ce livre vont vous poursuivre longtemps. Leur noirceur, leur violence et – malgré tout – leur bouleversante humanité sont de ces moments de littérature qui entrent dans le panthéon imaginaire des lecteurs. Ils constituent aussi la matrice narrative qui va déployer les lignes de tension de tout le roman : la culpabilité, la quête de rédemption, le châtiment.

Bobby Mencken est au bloc des condamnés à mort. Il attend. C’est imminent. Le prêtre est là, qui radote. Bobby s’en fiche. Il regarde son seul ami dans sa cellule : un cafard.

« Le cafard se tenait là avec ses six bas carmins et son fuselage zébré, à jouer de ses antennes, comme s’il battait la mesure de la prière qui descendait sur lui des hauteurs des cintres, presque comme un acteur sur sa scène, où les jambes noires du prêtre seraient les tentures d’une chapelle funéraire. Matilda le cafard, petite maîtresse du temps et de l’espace, qui savait aller et venir en ces lieux à son gré, témoignage d’un idéal de survie élégante et sans effort ».

1557, Jean-Pierre Croset

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Jeudi, 28 Avril 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Récits, Histoire

1557, éd. Zinedi, mai 2016, 280 pages, 22 € . Ecrivain(s): Jean-Pierre Croset

 

Préfacé par Xavier Bertrand, maire de Saint-Quentin et Président de la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie, le roman narre un épisode trop peu connu de l’Histoire de France, à savoir le siège de cette bourgade picarde de 8000 âmes par l’armée impériale espagnole de Philippe II, commandée par Emmanuel-Philibert de Savoie, qui eut lieu du 2 au 29 août 1557. Saint-Quentin finit par capituler, mais les semaines gagnées entraînèrent l’affaiblissement de l’ennemi, et Philippe II renonça à marcher sur Paris. Le récit se poursuit par les aventures des deux héros, Anne Dassonville et Guillaume de Rhuis, dans le Paris d’Henri II, de Catherine de Médicis et au château d’Anet de Diane de Poitiers, et jusqu’à Florence et Rome.

Dans la première partie, le texte de Jean-Pierre Croset séduit par de minutieuses descriptions de combat, très documentées, et par un lexique soigné qui reproduit et informe sur les usages de la guerre à la Renaissance, avec des notes de bas de page précisant l’acception des termes d’époque :

Chronique des sentiments, tome I, Alexander Kluge

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mardi, 26 Avril 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Langue allemande, Récits, P.O.L

Chronique des sentiments, tome I, traduit de l'allemand mars 2016, 1116 pages, 30 € . Ecrivain(s): Alexander Kluge Edition: P.O.L

 

Alexander Kluge fut l’élève d’Adorno avant de devenir avocat. Son maître philosophe estima qu’il lui serait impossible d’être écrivain et juriste. Il envoie le futur auteur mis d’abord sous tutelle, auprès de Fritz Lang. Adorno estimait que le cinéma lui passerait l’envie de littérature. Il fut l’assistant de Fritz Lang sur Le Tombeau hindou avant de commencer sa propre carrière. Auprès du maître – si maltraité en Allemagne – il apprend « ce qu’est un génie et comment on détruit son travail ».

Plus tard Alexander Kluge est un des signataires du Manifeste d’Oberhausen qui réforme le cinéma allemand et réinvente les outils de production. Il a réalisé de nombreux courts métrages et documentaires et dix longs métrages : Nouvelles de l’idéologie antique, Le complexe d’Allemagne, Fruits de la confiance. Néanmoins Kluge ne renonce pas à l’écriture même s’il a d’abord fait du cinéma, mais dit-il « comme on écrit des livres ». Quant à ces derniers, il les a créés – selon la formule de Peter Weiss – « avec les moyens de cinéma ».