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L’Artiste en petites choses, Patrick Reumaux (par Delphine Crahay)

Ecrit par Delphine Crahay , le Mardi, 28 Avril 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Biographie, Récits

L’Artiste en petites choses, Patrick Reumaux, Klincksieck éditions, coll. De Natura Rerum, janvier 2020, 248 pages, 21 €

 

L’Artiste en petites choses est un recueil de souvenirs. Il y est question de l’enfance, des demeures de l’auteur, des amitiés, des figures familiales, d’animaux, de plantes, de mycologie, de littérature…

Ces miscellanées de la mémoire prennent la forme de fragments racontant une scène ou une anecdote, déployant une rêverie ou une pensée. Leur succession obéit à un ordre qui nous échappe et ne doit rien à la chronologie : les temporalités se confondent en « un temps qui n’est ni le temps ni la durée, mais quelque chose comme une figure courrière de l’éternité ». C’est qu’elle n’importe guère, la chronologie, pas plus que la vérité ou la réalité des faits. Non que l’auteur ne soit pas précis, pas exact : il l’est, rigoureusement. Il ne raconte pas non plus le moindre mensonge. Parfois, peut-être, il conte des songes, lorsqu’il ranime certains souvenirs, certaines visions, qui sont nimbés d’onirisme et enluminés d’une aura fantasmagorique. Mais rien n’est plus réel, plus vrai, plus fidèle, que ces songes, dès lors que ce qui compte, ce sont les impressions, empreintes et gravures de l’âme, et le sens toujours provisoire et parcellaire qui leur est donné. Dès lors, aussi, que l’on admet les fluctuances et les errances de la mémoire, son étroite connivence avec l’imagination – aujourd’hui attestées.

Cahiers des chemins qui ne mènent pas, Jean-Louis Bernard (par André Sagne)

Ecrit par Luc-André Sagne , le Lundi, 27 Avril 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie

Cahiers des chemins qui ne mènent pas, éditions Alcyone Coll. Surya, 2019, 64 pages, 17 € . Ecrivain(s): Jean-Louis Bernard

 

 

Le nouveau recueil que nous livre aujourd’hui Jean-Louis Bernard se compose de 54 poèmes qui sont à vrai dire des textes en prose dont certains, au nombre de 10, abritent en leur sein un poème proprement dit. Faisant fi des distinctions traditionnelles pour aller à l’essentiel, là où se nouent énergie et rythme, images et sons, le poète, par ce recours à la prose, loin de diluer la concentration et la puissance de ses mots (telles qu’elles apparaissent dans ses précédents titres, A l’ordre de l’oubli, et Ce lointain de silence, dont on trouvera ici la critique), au contraire les déploie dans un nouvel espace. Car, si l’on y retrouve, comme dans toute œuvre élaborée, ses thèmes récurrents, l’absence, le silence, le paradoxe du langage qui dit et ne dit pas, ils se trouvent cette fois pris dans une perspective plus large qui les propulse, les enrichit, et les consacre.

Aby Warburg, Der Bilderatlas Mnemosyne (The Original), Roberto Ohrt, Axel Heil (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Lundi, 27 Avril 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Langue allemande

Aby Warburg, Der Bilderatlas Mnemosyne (The Original), Roberto Ohrt, Axel Heil, éd. Hatje Cantz, Berlin, 2020, 184 pages, 200 €

 

Aby Warburg : La Science de l’image

I

Depuis Platon on affirme que l’image est mauvaise. Elle séparerait de l’être. Ne donnerait de lui qu’une apparence et non un apparaître. Or toute image est apparition. Néanmoins beaucoup d’historiens de l’art restent des platoniciens : Jacques Lanzmann en est l’exemple parfait. Il est l’envers du plus grand penseur du XXème siècle de l’image : le nietzschéen Aby Warburg.

Face aux philosophes il a posé les questions essentielles : le vrai témoin est-ce l’image ? L’image est-ce le seul témoin ? Tout le reste est spéculation. Warburg a donc introduit un speculum dans le mental des fornicateurs des icônes. Son atlas – Mnémosine – est la balustrade qui surplombe l’histoire de l’art.

Saga, Tonino Benacquista (par Sandrine Ferron-Veillard)

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Vendredi, 24 Avril 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Folio (Gallimard)

Saga, 439 pages, 9,10 € . Ecrivain(s): Tonino Benacquista Edition: Folio (Gallimard)

 

Et vous, que faites-vous en ce moment ?

Les librairies fermées (1) « jusqu’à nouvel ordre », il faut vivre sur ses propres stocks. Hors de question ici de faire appel à ceux qui racolent en voiture (sans le moindre égard pour leurs passagers), vous savez bien, référence aux femmes qui montent à cheval ou à ces guerrières d’Asie mineure ! faites donc l’inventaire de vos bibliothèques, dépoussiérez-les, comptez les livres et sans hiérarchie, classez-les par ordre de taille, par exemple, par couleurs, ou toute autre organisation nécessaire à l’hygiène mentale. Une manipulation sportive salutaire pour la culture. Alors écumez vos bibliothèques sans jamais confiner votre pensée !

Vous conviendrez que certains livres se tiennent en embuscade. Ceux achetés « au cas où » et jamais ouverts faute de, oui avouez-le, d’espace ou de mémoire. Saga, 1997-2020. Il s’agit là de mesurer, en mars 2020, son degré d’excellence, son entière actualité. Défi mortel entre le réel et la fiction, quand l’un masque l’autre. Masque ? Protège ou dissimule, celui-ci était censé à l’origine protéger l’autre, non se protéger soi contre l’autre.

Annette, une épopée, Anne Weber (par Stéphane Bret)

Ecrit par Stéphane Bret , le Vendredi, 24 Avril 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Seuil

Annette, une épopée, Anne Weber, mars 2020, 233 pages, 19 € Edition: Seuil

 

Anne Beaumanoir, dite Annette, est une jeune femme au parcours atypique, sinueux et riche en rebondissements de toute nature : elle entre dans la Résistance à dix-neuf ans, sauve deux adolescents juifs au mépris de la discipline de groupe. Elle participe à des actions à Rennes, Paris et Lyon. Pour finir, elle prend part à la libération de Marseille, avant de s’engager pour l’indépendance de l’Algérie, pays qu’elle rejoint lors de l’indépendance en 1962. Elle participe au premier gouvernement de Ben Bella avant de fuir lors du coup d’Etat de Boumediene en 1965.

Ce destin, Anne Weber a pris le parti de le restituer au lecteur de son roman sous la forme d’une radiographie en direct du comportement d’Annette, de la dissection de ses motivations. Ainsi, de la définition de l’acte de résister : « Car résister résulte, comme la plupart des choses qu’on fait, non pas d’une décision qu’on prend une fois pour toutes mais d’un glissement pour ainsi dire imperceptible, progressif, vers quelque chose dont on n’a pas encore idée ».