Les noms d’époque, De Restauration à années de plomb, Collectif, dirigé par Dominique Kalifa (par Jean-Paul Gavard-Perret)
Les noms d’époque, De Restauration à années de plomb, Collectif, dirigé par Dominique Kalifa, janvier 2020, 352 pages, 23 €
Edition: Gallimard
Les périodisations et leurs définitions
Dominique Kalifa et son équipe s’intéressent à la tension qu’il existe entre l’éphémère et la mémoire dans le rapport à l’historicité, et ce, à travers la dénomination qui définit les temporalités du monde pour en laisser la trace.
De tels mots créent nos propres représentations et interprétations de ce qui fut. Et les historiens réunis ici rentrent dans l’intentionnalité de leurs ancêtres qui définirent les époques de manière jamais neutre.
Ce livre fait suite à La véritable histoire de la Belle Epoque, du maître d’œuvre, et étend l’analyse des imaginaires qui nourrissent les expressions successives et rétrospectives sur l’histoire. Le tout à partir de la Révolution – à savoir l’époque où s’installe la conscience historique moderne.
Toutes ces « fameuses » expressions sont chargées de sens ou de non-sens. Elles sont analysées à travers 14 périodes : « Epoque victorienne », « Années folles », « Trente Glorieuses », etc. Existent là les noms chrononymiques qui se donnent sur le coup puis ensuite pour la « photographie » d’une époque.
Jacques Le Goff et sa périodisation ne sont jamais loin. Braudel non plus. Et le livre montre comment se « monte l’Histoire » à travers les dénominations qui veulent maîtriser et cerner les temps.
Ces mots servent à parler l’Histoire et ce, même s’ils ne collent pas vraiment à ce qui fut en de telles tranches. Les découpes du temps restent donc arbitraires, ce sont des conventions parfois tyranniques dont les qualificatifs permettent de traduire une sorte d’inconscient.
Le nom choisi pour définir un temps possède en effet la puissance de faire surgir des images : « Années noires » est par excellence porteur d’un imaginaire. Et le Chrononyme, en donnant des mots-images (« années de plomb » par exemple) permet de comprendre ce qu’il charrie. Mais pas forcément ce qui se passait. A ce titre, l’expression « Entre deux guerres » empêche de définir ce qu’il fut a priori, puisque ceux qui le vivaient ne pouvaient le percevoir ainsi… Et c’est ensuite que ce terme prend et garde une forme accusatrice.
Néanmoins l’objet du livre n’est pas d’en finir avec de telles dénominations mais de les utiliser en connaissance de cause en sachant tout ce que ces mots cachent. Reste à savoir comment nos enfants nommeront notre propre époque…
Jean-Paul Gavard-Perret
- Vu : 1653