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La Une Livres

L’en vert de nos corps, Christine Van Acker (par Delphine Crahay)

Ecrit par Delphine Crahay , le Lundi, 11 Mai 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais

L’en vert de nos corps, Christine Van Acker, L’Arbre de Diane, Coll. La Tortue de Zénon, mars 2020, 228 pages, 15 €

 

L’en vert de nos corps est un recueil de chroniques qui associe anecdotes, récits de rencontres, descriptions naturalistes de la flore et leçons de choses, considérations scientifiques et philosophiques, littéraires et mythologiques, écologiques, et ça et là, politiques. Hétéroclite et foisonnant, cet ouvrage trouve son fil rouge et sa cohérence dans son thème mais aussi dans l’insatiable et fervente libido sciendi qui anime l’auteure.

C’est aussi un essai, le terme qualifiant assez justement la démarche et l’attitude de Christine Van Acker : elle y déploie non pas une pensée propre mais un certain art de lire, aussi bien les livres que les plantes – « du bout des doigts, ligne par ligne ». Cet art est humble, au sens le plus terrien du terme, et résulte d’une tentative sans cesse réitérée, sans cesse réorientée, de compréhension du règne végétal.

En fait d’ouvrage, on pourrait presque dire qu’il y en a deux : d’une part, la promenade buissonnière à laquelle l’auteure nous convie ; d’autre part, des miscellanées, de sorte que l’ensemble se prête aussi bien à une lecture suivie et linéaire qu’à une déambulation erratique et glaneuse.

Noir de soleil, Grégory Rateau (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 08 Mai 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Editions Maurice Nadeau

Noir de soleil, Grégory Rateau, février 2020, 174 pages, 19 € Edition: Editions Maurice Nadeau

 

« Les tirs ont cessé dans la matinée mais depuis quelques minutes, c’est reparti, on dirait qu’ils prennent même plus la peine de respirer, ils mitraillent comme des dingues et en continu. Le plus hallucinant, c’est que je ne suis pas le seul à la terrasse de ce café. Des couples ou des bandes d’amis rigolent sans sourciller dès que les échanges en rafale reprennent ».

Noir de Soleil est un roman sous haute tension, celle d’un jeune couple, Arthur le narrateur et Ana sa compagne, qui oscille entre la joie et la colère, électrisés par leur amour, et par le tournage d’un petit film à Tripoli, une ville elle aussi sous très haute tension. Noir de soleil est un roman où l’on se déchire, où l’on se séduit, se traque, se trahit, un roman électrisé par ce film qui traque l’amour et la violence qui déchire le Liban. Le narrateur de Noir de soleil est en quête de lumière, celle qu’évoquent Noces et L’Eté d’Albert Camus. Ce voyage au Liban sera cette lumière et cette légèreté gracieuse – « Je viens de la grisaille, toujours cette même teinte uniforme qui plane tout autour, sans jamais laisser percer la moindre parcelle de lumière et d’espoir ».

Correspondance 1981-2017, Pierre Bergounioux, Jean-Paul Michel (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 08 Mai 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Correspondance, Verdier

Correspondance 1981-2017, Pierre Bergounioux, Jean-Paul Michel, 224 pages, 17 € Edition: Verdier

 

D’aucune manière tu ne dois douter de ceci : nos livres nous auront gardés ce que nous sommes, dans les pires incertitudes du temps, si inconfortables qu’il ait pu nous être donné de le connaître. Au moins n’aurons-nous jamais écrit rien que de nécessaire, chacun de notre côté, et quasi depuis l’enfance, « montant sur toute chose comme sur un cheval ».

Ce que dit là Jean-Paul à son correspondant et ami Pierre, ce 7 décembre 2007, rappelle bien sûr cette amitié de longue date, née et nourrie d’enfance, entre deux Corréziens, devenus écrivains, l’un et l’autre, et chacun avec une œuvre copieuse. Pour eux qui ont connu « l’ivresse sans vin de la jeunesse » (p.27), leurs « 16 ans », le temps est une matière qui lie, resserre les âmes, les esprits, alimente la ressource de vie. À chaque publication, les deux amis se donnent rendez-vous épistolaire, commentent le livre, décortiquent les enjeux fixés.

Régression, Fabrice Papillon (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 07 Mai 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Belfond

Régression, Fabrice Papillon, octobre 2019, 455 pages, 20,90 € Edition: Belfond


C’est pure coïncidence évidemment si ce gros roman qui met en scène une forme originale de possible fin du monde, publié en octobre 2019, m’a été envoyé par l’éditeur peu avant le déclenchement de la pandémie due au Covid-19.

Rien à voir donc avec la triste actualité, simple hasard éditorial.

Toujours est-il que l’ambiance générale inquiétante de ce printemps 2020 résonne étrangement à la lecture de ce récit d’apocalypse dont l’avant-dernier épisode est daté… le 25 février 2020, soit 4 ou 5 mois après la publication du livre. Bon ! N’allons pas croire à la prémonition ! Mais la concomitance devait être signalée.

Le jour du chien qui boite, Werner Lambersy (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Jeudi, 07 Mai 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie, Editions Henry

Le jour du chien qui boite, janvier 2020, 36 pages, 8 € . Ecrivain(s): Werner Lambersy Edition: Editions Henry

 

Ce nouvel opus de Werner Lambersy est un credo, un livre de prières adressé au monde dans le désir vivant de le voir s’accomplir à hauteur d’humanité, mû par l’amour (« L’amour est l’échelle de secours »), la fraternité, grandi par la beauté. Le constat du poète est lourd de déceptions et d’amers états des lieux mais s’il s’en remet à Celui qui pour certains créa le monde, c’est que l’espoir reste vivace :

« Seigneur puisque tu n’existes pas

Je me confie à toi »

Marginal, désœuvré, sans domicile fixe, après avoir « traversé, brisé ce jour du chien qui boite », l’homme qui s’exprime encore ici a entendu « que le monde n’a pas besoin de poète » et cependant affirme que la beauté a besoin qu’on la voie, « même si ce n’est que son ombre emportée ». Et ce recueil fait entendre l’écho de cette ombre emportée sous le feuillage du retrait qui fait silence pour mieux écouter et faire entendre le monde bruissant alentour qui ne cesse de veiller et de nous mettre en tension pour se sentir vivre.