La nature de la bête, Louise Penny (par Jean-Jacques Bretou)
La nature de la bête, Louise Penny, juillet 2020, trad. anglais, Lori Saint-Martin et Paul Gagné, 480 pages, 23,50 €
Edition: Actes Noirs (Actes Sud)
Dans la superbe région des Cantons-de-l’Est à une centaine de kilomètres au sud-est de Montréal au Canada, se trouve Three Pines où l’ex-inspecteur-chef de la Sécurité, Armand Gamache, s’est retiré, après avoir frôlé la mort, pour prendre sa retraite. Au cœur de la nature canadienne, parmi les odeurs de pommes, il semble couler des jours heureux avec Reine-Marie, son épouse. Ils ont des amis, des voisins, la Troupe de l’Estrie, qui leur proposent de monter une pièce avec eux. Le choix du texte semble s’être arrêté sur le titre suivant : Elle était assise et elle pleurait, d’un certain John Fleming. Cependant l’auteur dont certains se souviennent ne paraît pas avoir laissé que de bons souvenirs dans la région.
Un jour, Laurent Lepage, un gamin de la bourgade à l’imagination fertile, qui a l’habitude de rapporter des histoires aussi abracadabrantes les unes que les autres comme celles d’invasions d’extra-terrestres, de dinosaures nageant dans le lac ou d’arbres qui marchent, franchit la porte du bistrot avec son bâton à la main, tire la manche de Gamache pour lui dire qu’il a découvert un canon géant avec une bête dessus ! L’assemblée ne prête pas attention aux dires de l’enfant.
Cependant le lendemain on découvre le corps du petit Laurent, mort près de son vélo. La petite communauté de Three Pines est en émoi, la thèse de l’accident semble improbable. Mais une question se pose, qui a bien pu vouloir parmi les habitants la disparition de l’enfant ? On cherche autour du lieu où l’on a retrouvé le corps de Laurent le bâton dont ce dernier ne se séparait jamais, et l’on découvre, bien cachée, une gigantesque pièce d’artillerie. A la base du canon, se trouvent gravés dans le métal ce qui ressemble à une bête et les mots suivants : Sur les bords des fleuves de Babylone, nous étions assis et nous pleurions. L’enfant aurait-il dit vrai ? Une enquête à rebondissements, haletante et brillante mêlant réalité et fiction va se dérouler sous la conduite de l’ex-inspecteur chef Gamache.
C’est un délice de lire ce livre ponctué par la poésie de l’Ecclésiaste, les extraits du psaume 137 dont le fameux : Sur les bords des fleuves de Babylone, nous étions assis et nous pleurions, qui revient comme un leitmotiv (Ozymandias, de Shelley) : Contemplez mes œuvres, ô Puissants, et désespérez !, et Yeats. Les personnages du livre sont tous attachants et ne laissent guère indifférent. La mécanique de « l’histoire » est une merveille de construction dont les rouages sont ajustés 1000ème de millimètre près. On ne peut que recommander cet ouvrage et de relire le psaume 137, Super flamina Babylonis.Ce dernier évoque l’exil à Babylone qui a suivi la prise de Jérusalem par le roi de Babylone Nabuchodonosor (dont Saddam Hussein se prétendait le successeur), en 586 av. J.-C. (selon la tradition rabbinique, il a été écrit par le prophète Jérémie).
Jean-Jacques Bretou
Après avoir été longtemps journaliste, Louise Penny se consacre à l’écriture. La série des enquêtes de l’inspecteur-chef Armand Gamache, auréolée des plus prestigieuses récompenses, est traduite en vingt-six langues.
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