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Les madones d'Echo Park (The Madonnas of Echo Park), Brando Skyhorse (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Dimanche, 27 Mars 2011. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, USA, L'Olivier (Seuil)

Les Madones d'Echo Park, roman, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Adèle Carasso, Éditions de l'Olivier, 2011. 297 p. 22€ . Ecrivain(s): Brando Skyhorse Edition: L'Olivier (Seuil)

Vous est-il arrivé, dès les premières lignes d’un livre, d’entendre, au sens physique du terme, une musique obsédante ? Avec Les Madones d’Echo Park, c’est la slide guitar de Ry Cooder qui ne vous quitte pas ! Un lieu revient, dans toutes les voix qui constituent cette œuvre, Chavez Ravine. Un immense quartier chicano de Los Angeles où s’entassaient les laissés pour compte du rêve américain et qui, pour les besoins de la construction d’un grand stade de base-ball (Dodger Stadium), a été rasé en 1960 et les « wetbacks » (dos mouillés parce qu’ils passaient à la nage le Rio Grande !) ont été chassés, éparpillés dans des taudis encore plus ignobles parce que sans âme. Et le grand Ry en a fait un album il y a 4 ou 5 ans : entre blues et texmex.  Il se rappelle : «Je fuguais en bus jusqu'aux barrios, ces bas quartiers basanés et réputés dangereux d'où émanaient de jour comme de nuit des rythmes cuivrés et joyeux, parfois terriblement nostalgiques, mais toujours épicés.» C’est là que se glisse la chanson obsessionnelle de ce récit polyphonique. Presque des nouvelles pour tout lecteur inattentif. En fait un récit unique « slidé » par des doigts, des corps, des âmes, des douleurs différentes. Le chicano brisé, nulle part chez lui, en quête d’une identité chimérique, sans cesse menacé d’être chassé de L.A. à l’autre côté de la frontière mexicaine. C’est-à-dire nulle part. Nulle part chez lui. Ni d’un côté ni de l’autre. 

Ces choses que nous n'avons pas vues venir, Steven Amsterdam (par Yann Suty)

Ecrit par Yann Suty , le Dimanche, 27 Mars 2011. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, USA, Albin Michel

Ces choses que nous n’avons pas vues venir – 248 pages, 20 € . Ecrivain(s): Steven Amsterdam Edition: Albin Michel

 

Ces choses que nous n’avons pas vues venir. Le titre du premier roman du  new-yorkais établi à Melbourne, Steven Amsterdam, annonce la couleur. Nous ne verrons effectivement pas venir les « choses » dont il est question, mais nous pourrons simplement nous mesurer à leurs conséquences. Et comment les survivants tentent de s’adapter à une nouvelle donne, à un monde complètement bouleversé.

Dans un pays qui pourrait être les Etats-Unis, ces « choses » sont : un climat qui se détériore, des terres inondées, un chaos politique et une restriction des libertés individuelles, une épidémie provoquée par un mystérieux virus…

Le récit est mené par blocs temporels. Un chapitre se clôt et un autre s’ouvre plusieurs années plus tard, alors que le monde a une nouvelle fois été bouleversé par une de ces « choses ». La coupure est abrupte et elle l’est d’autant plus que Steven Amsterdam ne nous explique jamais ce qui s’est passé entre deux périodes. En distillant des petits détails ici et là, il nous permet de cerner à peu près la situation, mais il préfère suggérer plutôt que de se lancer dans une explication complète. C’est au lecteur de faire un effort d’imagination.

La foudre, Lydie Dattas (par Matthieu Gosztola)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Mercredi, 16 Mars 2011. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Mercure de France

La foudre, janvier 2011, 13 euros 50. (Et Anita J. Laulla, Cracheurs de feu, Les Arêtes, 20 €) . Ecrivain(s): Lydie Dattas Edition: Mercure de France

Lydie Dattas fait merveilleusement parler la réalité du Cirque, au sein duquel elle a évolué pendant longtemps, dans un langage où les mots s’entrechoquent, passant du plus cru au plus éthéré (« tout gueulait la volupté » écrit-elle par exemple, et cette phrase à elle seule donne une idée du style qui court tout au long de l’ouvrage), où les mots font la castagne, ne s’apprivoisant jamais dans l’élan euphonique d’une phrase. Ainsi, Lydie Dattas ne narre pas seulement par chapitres les événements qui l’ont fait pénétrer intimement ce monde si rude, mais elle retranscrit jusque dans son style même toute la beauté et toute la violence de ce monde d’hommes, ce monde des chapiteaux où elle s’est sentie heureuse et violentée, exclue et acceptée, défaite mais aussi charmée. Plus violentée qu’acceptée du reste. Mais elle s’est, aussi, et ça a toujours été là pour elle l’essentiel, sentie à l’extrême enlevée jusque dans le plus intime de son cœur par cette furie sublime, par tout cela qui ne criait que le prosaïsme le plus nu et qui, par un paradoxe qu’elle ne s’expliquait pas et qui était pour elle à lui seul la preuve de l’existence de Dieu, la renvoyait sans cesse au divin, à tout ce que le monde des lettrés, de la philosophie même n’avaient, n’auraient jamais pu lui offrir. Face à la réalité du monde du Cirque, les yeux de Lydie Dattas furent comme « fracassés », tant elle y voyait là « la proximité du paradis ».

La fiancée des corbeaux, René Frégni (par Matthieu Gosztola)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Mardi, 15 Mars 2011. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Biographie, Gallimard

La fiancée des corbeaux, Gallimard, février 2011, 15 euros. . Ecrivain(s): René Frégni Edition: Gallimard

René Frégni nous offre son journal. On pourrait penser qu’écrire sur la quotidienneté ne présenterait que peu d’occasions d’envolées vers la lumière, par le style, et la qualité du regard posé sur les choses, mais c’est tout le contraire.

Ecrire sur la quotidienneté se révèle l’occasion d’un voyage. Un voyage à jamais commencé dans la blancheur de l’appartement, dans la solitude, et à jamais continué dans la blancheur de l’appartement. Un voyage sur place. Mais un voyage qui fait se mêler le présent tissé d’impalpable et de gestes souvent infimes, dérisoires, répétés, sans poésie évidente, et la mémoire, plurielle, tout à la fois enracinée dans le vécu et dans les lectures, mémoire mettant en somme sur le même plan les êtres rencontrés dans la vie ou sur le papier, car c’est ça aussi la magie de la littérature, ouvrir encore un peu plus grand les portes de nos vies pour accueillir le plus possible de monde, des gens avec leurs destins singuliers, leurs secrets à raconter, fussent-elles des créatures de papier.

Roman du temps nerveux, Reinhard Jirgl (par Yann Suty)

Ecrit par Yann Suty , le Mercredi, 09 Mars 2011. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Langue allemande, Quidam Editeur

Reinhard Jirgl – Renégat, roman du temps nerveux (Quidam Editeur, 540 pages) 25 € . Ecrivain(s): Reinhard Jirgl Edition: Quidam Editeur

A première vue, il faut s’armer de pas mal de courage pour s’attaquer à ce pavé de plus de 500 pages, écriture serrée, plein de jeux typographiques : italiques, majuscules, renvois de textes, tels des signets Internet. De quoi faire entrer Reinhard Jirgl, lauréat du Prix Georg-Büchner 2010, la plus haute distinction littéraire du monde germanophone, dans la catégorie des « post-moderne », aux côtés d’auteurs comme Thomas Pynchon ou William H. Gass. Catégorie un peu vaine qui a surtout pour utilité de dire qu’on a à faire à un bouquin un peu étrange, tendance OLNI, ouvrage littéraire non identifié, qu’on ne sait pas trop dans quelle catégorie caser. Et d’ailleurs quel intérêt de le caser quelque part… si ce n’est dans sa bibliothèque ?

Deux destins se croisent dans le Berlin des années 2000.

Un journaliste free-lance se sépare de sa femme après douze ans de mariage. Alcoolique, il tente de se soigner auprès d’une thérapeute dont il tombe amoureux. Il abandonne une dépendance pour une autre et quitte Hambourg pour la rejoindre à Berlin.