Le deuxième avion, 11 septembre 2001-2007, Martin Amis
Le deuxième avion, 11 septembre : 2001-2007 (The second Plane, 2008, 272 p. 21 € Trad. de l’anglais par Bernard Hoepffner
Ecrivain(s): Martin Amis Edition: GallimardMartin Amis est une grande gueule qui ose écrire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas, avec un certain goût pour la provocation. Mais aussi une profonde lucidité et un sens de la formule qui fait mouche.
En plus d’être l’un des tous meilleurs romanciers contemporains, auteur de quelques œuvres majeures comme London Fields, La Flèche du temps, La maison des rencontres ou L’information, Martin Amis est un essayiste brillant et pertinent. On se souvient de sa biographie de Staline, Koba la terreur, ou de son recueil Guerre au cliché.
Avec Le deuxième avion, il se penche sur les attentats du 11 septembre et ses conséquences. Le livre est composé de douze essais et critiques de livres et de deux nouvelles, rédigés entre 2001 et 2007.
« Il fallait que le 11 septembre advienne, je ne suis absolument pas désolé qu’il soit advenu de mon vivant. Ce jour-là et ce qui en a découlé : un récit de malheur et de souffrance, mais aussi de fascination désespérée. »
Les attentats du World Trade Centre ont propagé la terreur dans toutes les villes occidentales, une véritable « pollution atmosphérique », dont le corollaire est l’ennui. « L’époque de la terreur, je crois bien, restera aussi dans les mémoires comme étant l’époque de l’ennui. » Un monde où il faut sans arrêt attendre, faire la queue avant de prendre un avion, se faire longuement fouiller, mais surtout un monde où les esprits sont assujettis. L’indépendance d’esprit n’existe plus.
Le 11-Septembre met aussi à mal le métier de romancier. « Le 12 septembre ; tous les romanciers de la terre réfléchissaient à la solution que Lénine avait proposée d’un ton menaçant à Maxime Gorki : changer de métier. »
Un roman est d’abord une œuvre d’imagination et celle-ci a été battue à plate-couture par cette irruption brutale du réel. On est entrés dans « l’Age de la Normalité Disparue ». Les romanciers se trouvent paralysés pour traiter le sujet. Beaucoup choisiront d’ailleurs le mode journalistique, afin de « gagner du temps ».
Martin Amis lui-même renoncera à achever un roman sur l’islamisme, système très « sensible à la satire ». « Avec l’islamisme, avec la malveillance totale, avec la terreur totale et l’ennui total, l’ironie […] ne peut que se dessécher et mourir ».
Pourtant, la fiction finira par triompher comme le prouve Amis lui-même avec sa nouvelle Les derniers jours de Mohammed Atta. Comme son titre l’indique, elle retrace les derniers jours de l’homme aux manettes de l’avion qui a percuté l’une des tours du World Trade Center. Martin Amis imagine les derniers moments de l’homme qui a mené les terroristes, comment son corps réagissait à l’imminence de l’action, quelles étaient ses pensées au moment où le vol 11 d’American Airlines approchait des tours. Et par une pirouette finale, Martin Amis célèbre le triomphe de la fiction.
Yann Suty
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