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La Une Livres

Le coursier de Valenciennes, Clélia Anfray

Ecrit par Patryck Froissart , le Mercredi, 12 Septembre 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Roman, Gallimard, La rentrée littéraire

Le coursier de Valenciennes, août 2012, 148 p. 14,90 € . Ecrivain(s): Clélia Anfray Edition: Gallimard

 

C’est une histoire originale que cette courte tranche de vie de Simon, juif rescapé des camps nazis, qui, six ans après la guerre, quitte l’Auvergne et traverse une partie de la France pour « monter » à Valenciennes remplir une mission qu’il considère comme sacrée : retrouver la famille de Pierre, un camarade mort en déportation, pour lui remettre un paquet au contenu mystérieux que lui a confié son ami avant d’être envoyé à l’abattoir d’Auschwitz.

Il est accueilli dans une maison bourgeoise de l’Athènes du Nord par Suzanne et par Renée, la belle-sœur et la fille de Pierre, et fait la connaissance, le lendemain, dans un autre quartier valenciennois, du fils de son compagnon de déportation.

L’une des marques fortes de ce roman est l’omniprésence de la ville wallonne, imposée par la grande précision de la description et l’usage systématique de la toponymie réelle pour situer les lieux où se succèdent les événements qui marquent son séjour, à Valenciennes intra muros d’abord puis de Valenciennes à la frontière belge. Tout Valenciennois y sera chez soi et ressentira vivement les sensations qu’éprouve le personnage, y adhérera, s’en amusera, ou s’en offusquera.

Le voyage de Nietzsche à Sorrente, Paolo D'Iorio

Ecrit par Lionel Bedin , le Lundi, 10 Septembre 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Essais, Italie

Le voyage de Nietzsche à Sorrente, Genèse de la philosophie de l’esprit libre, CNRS Éditions 2012, 246 p. 20 € . Ecrivain(s): Paolo D'Iorio

 

Nietzsche est alors un jeune professeur de philosophie à Bâle, un poste qui commence à lui peser lorsque, à l’invitation de son amie Malwida von Meysenbug, il part à Sorrente, où il retrouve d’autres amis. Dans cette petite ville du golfe de Naples on y croise des habitués, comme Wagner, dont Nietzsche est alors un fervent propagandiste. Mais ce voyage va tout changer. Car si la première raison du séjour à Sorrente est la santé du philosophe, ce qui va se passer en réalité est d’une importance capitale pour Nietzsche – et du coup pour la philosophie.

« Cheminer par des allées de douce pénombre à l’abri des souffles, tandis que sur nos têtes, agités par des vents violents, les arbres mugissent, dans une lumière plus claire ».

A Sorrente, Nietzsche jouit « de l’état d’âme particulier du voyageur, de celui qui ne cherche pas à être chez soi mais veut être ailleurs, qui apprécie le voyage, le paysage, les beautés de la nature et de l’art avec des yeux de touristes ». Des dispositions bienvenues pour qui veut s’ouvrir au monde. Et pas n’importe quel monde ! « Du balcon de la Villa Rubinacci, Nietzsche voit tous les jours dans le lointain, au milieu de la mer entre le Vésuve et Capri, la silhouette escarpée de l’île d’Ischia ». Il y a pire… Et il y a sans aucun doute un rapport avec les îles bienheureuses de Zarathoustra.

La dernière nuit de Claude Eatherly, Marc Durin-Valois

Ecrit par Yann Suty , le Samedi, 08 Septembre 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Roman, La rentrée littéraire, Plon

La dernière nuit de Claude Eatherly, août 2012, 344 p. 21 € . Ecrivain(s): Marc Durin-Valois Edition: Plon

Une étrange fascination. Quand la reporter-photographe Rose Martha Calther rencontre Claude Eatherly, dans l’antichambre d’un tribunal, au Texas, en 1949, elle ne se doute pas encore qu’elle nouera une relation des plus ambigües avec lui pendant près d’une trentaine d’années.

L’homme a été arrêté pour conduite en état d’ébriété. Il sera vite relâché. Pour la jeune et jolie photographe, ce Claude Eatherly, même s’il est très séduisant, n’est finalement qu’un autre de ces faits divers auxquels elle est cantonnée depuis le début de sa carrière. Sauf que…

A la sortie du tribunal, un homme vient lui raconter l’histoire de Claude Eatherly. Il travaille actuellement comme gérant de station-service, mais, pendant la seconde guerre, il a participé à la mission Hiroshima. Plus précisément, il a ouvert la voie à l’Enola Gay, qui avait lâché la première bombe atomique de l’histoire.

Eatherley a survolé le site en éclaireur pour s’assurer que les conditions étaient réunies pour procéder au largage de la bombe. Ou pas. C’était donc à lui qu’incombait la décision de larguer la bombe. Et il ne s’en remet pas.

« Il avait la conviction d’avoir endossé la responsabilité morale du premier massacre atomique de l’histoire ».

Du toucher, essai sur Guyotat, Antoine Boute

Ecrit par Sophie Galabru , le Mercredi, 05 Septembre 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Essais, publie.net

Du toucher, essai sur Guyotat, 3,49 € . Ecrivain(s): Antoine Boute Edition: publie.net

 

Si Antoine Boute est un écrivain et poète dont la pratique repose sur l’exploration des formes de langage, de ses détournements, de sa sonorité et ses rythmes, il n’est pas étonnant alors qu’il se soit consacré à faire parler la langue de Pierre Guyotat. Langue parlée-écrite, expérimentant ses limites, refusant sa simple fonction de représentation du réel ou de communication d’un sens ; chez Guyotat on peut bien dire que la langue ne parle pas de quelque chose, mais que quelque chose parle en elle. Cette écriture au lieu de figurer défigure, ne livrant aucun un sens, car en réalité elle se préoccupe des sens, et essentiellement de celui du tact. D’ailleurs, dans cet essai, Antoine Boute ne veut s’intéresser à l’écriture de Guyotat que sous la perspective d’une écriture qui refuse toute forme ou tout esprit pour être pure matière, pur toucher.

Si vous n’avez pas lu Guyotat, l’ouvrage en offre une introduction qui sait mêler évènements biographiques et conséquences littéraires. Hanté par la présence de la guerre, de l’esclavage prostitutionnel et du viol durant la guerre d’Algérie à laquelle il fut appelé, Pierre Guyotat ne cessa d’élaborer un langage nouveau en rupture avec les traditions, détourné de sa faculté représentative, bref un langage prostitutionnel et corporel.

Léon et Louise, Alex Capus

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 04 Septembre 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Langue allemande, Roman, Actes Sud, La rentrée littéraire

Léon et Louise, 5 septembre 2012. 313 p. 22,50 € . Ecrivain(s): Alex Capus Edition: Actes Sud

 

Cliché. Dans le champ lexical de la critique littéraire, ce terme est des plus péjoratifs. Il implique le manque de créativité, la répétition d’images éculées. Et pourtant. Ce joli livre d’Alex Capus, nostalgique et attachant, évoque de bout en bout l’idée et le mot de « clichés ». Pratiquement au sens propre : photographies. Pour être plus précis, cartes postales anciennes, sans image, en une sorte de collection affichée sur 313 pages. Et ce parti pris de chapelet de clichés donne un charme particulier à ce roman.

Les clichés commencent par le propos même du livre : un jeune homme et une jeune femme se rencontrent au printemps 1918. Ils ont 17-18 ans, s’aiment, se perdent, se retrouvent, se reperdent, se retrouvent sur quelques décennies. Le « tourbillon de la vie », d’une guerre mondiale à une autre et après. Ce livre est hanté par les films de François Truffaut, une sorte de « Baisers volés » et de « Domicile conjugal » saupoudrés de « Jules et Jim ». On se prend sans cesse à fredonner la chanson de Jeanne Moreau au cours de la lecture, on se prend aussi à donner aux deux héros les traits de Jean-Pierre Léaud et ceux de Claude Jade ou de Marie-France Pisier.