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Le ravin du chamelier, Ahmad Aboukhnegar

Ecrit par Patryck Froissart , le Lundi, 18 Juin 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Roman, Pays arabes, Moyen Orient, Sindbad, Actes Sud

Le ravin du chamelier, Actes Sud, Sinbad, (2012), trad. de l’arabe (Egypte) par Khaled Osman, 207 p. . Ecrivain(s): Ahmad Aboukhnegar Edition: Sindbad, Actes Sud

Il arrive qu’une caravane s’égare, et dresse le camp à proximité d’une oasis.

Il arrive que, le temps d’une veillée, les nomades et les sédentaires, refoulant leur antagonisme atavique, partagent le méchoui, dans un lieu neutre, à l’écart du douar, à l’écart de la piste.

Il arrive que les chameliers reprennent ensuite l’itinéraire ancestral en abandonnant un des leurs, pour le punir d’avoir, par étourderie, mis la troupe en péril.

Il arrive qu’un chamelon partage tout avec son jeune maître qui le consulte et tient compte de ses avis, et qu’ils fument ensemble la gôza.

« Dans quelques jours et encore moins de nuits, mon père rentrera, alors je me réveillerai de ce cauchemar ». Le chamelon hocha la tête…

Il arrive que, tout en espérant qu’un jour la caravane repasse et que lui soit rendu son rang dans la file, le chamelier adolescent, son chamelon empli de sagesse et une chamelle blessée s’installent dans un ravin sauvage où les villageois ne doivent, par tabou, jamais poser le bout du pied, et où règne, sur un monde de djinns et d’animaux des ténèbres, un couple de gigantesques seigneurs serpents.

Le Talisman, Vaikom Muhammad Basheer

Ecrit par Patryck Froissart , le Samedi, 16 Juin 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Asie, Nouvelles, Zulma

Le Talisman, trad. du malayalam par Dominique Vitalyos, 2012, 210 p. . Ecrivain(s): Vaikom Muhammad Basheer Edition: Zulma

Douze nouvelles, les unes drôles, les autres sombres, d'autres sombres et drôles à la fois, sont rassemblées dans ce précieux petit  recueil de VM Basheer.

Douze nouvelles, et autant de plongées au coeur de l'Inde fourmillante, grouillante, foisonnante.

 

Douze histoires tirées de la vie quotidienne d'une société, toujours extraordinaire pour l'occidental cartésien,  où se mêlent religions, croyances, de légendes, superstitions, traditions, interdits, où ce qui pour nous est irrationnel trouve son explication et passe pour normal, réel, faisant partie de l'ordre raisonnable du monde.

Ainsi, une "banale" histoire d'amour entre un chien musulman et une chienne hindoue peut avoir des conséquences sur un crucial problème de calvitie, et cela n'étonne personne.

Ainsi le narrateur lui-même se retrouve mêlé à des évènements auxquels il participe pleinement tout en glissant dans son texte, sans grande conviction : "Disons que c'est une histoire de fantôme". Métalangage ironique amusant...

Ouatann, Azza Filali

Ecrit par Theo Ananissoh , le Vendredi, 15 Juin 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Roman, Maghreb

Ouatann, Azza Filali, Editions Elyzad (Tunis), mai 2012, 391 pages, 19,90 € . Ecrivain(s): Azza Filali

 

Dans son chef-d’œuvre Une maison pour Monsieur Biswas, V. S. Naipaul décrit un personnage obstinément désireux d’avoir sa propre maison où il sera libre et indépendant des autres. Idée et envie extraordinaires au regard de ses conditions de vie misérables dans une petite île des Caraïbes. Mr Biswas s’effondrera littéralement en accomplissant cet effort exceptionnel. La maison dans le roman est aussi une métaphore ; celle du pays ; du pays à créer sur une terre issue de l’esclavage. Dans Ouatann, le roman de la Tunisienne Azza Filali, c’est également d’une maison qu’il s’agit ; au sens propre et au sens figuré. Une maison construite à l’époque coloniale par un Français, monsieur Jacques, dont la tombe occupe un petit coin du jardin luxuriant. Tout tourne autour de cette construction située sur la pointe d’une corniche, un endroit a priori idyllique, face à la méditerranée dont on ne décrit plus la beauté. Cette maison, grande, belle, confortable, est pleine de trappes et de remises, ce qui n’est pas préjudiciable en soi, tout dépendant de l’usage qu’on en fait. Rachetée par Si Mokhtar, vieux commerçant de Tunis, elle n’est ni à l’abandon ni tout à fait habitée. Si Mokhtar pensait à son fils en l’achetant ; mais celui-ci a émigré au Canada où il s’est marié et s’est installé définitivement – ne revenant au pays qu’en coup de vent, pour une ou deux semaines tout au plus.

Aller simple, Erri de Luca

Ecrit par Cathy Garcia , le Jeudi, 14 Juin 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Poésie, Gallimard, Italie

Aller simple, 2012, édition bilingue, trad. de l’italien par Danièle Valin, 16,50 € . Ecrivain(s): Erri de Luca Edition: Gallimard

« Aller Simple, des lignes qui vont trop souvent à la ligne », marquées par le point final, le point fatal quelque part entre les deux rives méditerranéennes, cette grande bleue qui sépare le Sud, sa misère, ses tragédies, d’un Nord porteur de rêve, d’opulence et de liberté. C’est sur cet entre-deux que se déroule ce long et poignant poème d’Erri de Luca. Plus qu’un poème, c’est une ode mais aussi hélas un chant funèbre, découpé en voix et en chœur.

Ce chant prend source là-bas de l’autre côté, de là où les hommes, les femmes, les enfants, partent, quittent, prennent exil comme un oiseau prendrait envol, mais avec la mémoire des fers aux pieds. Ils viennent des « hauts plateaux incendiés par les guerres et non par le soleil », avec en tête une terre espoir, une terre accueil, une terre de paix. Italie, un mot « ouvert, plein d’air »

 

Finie l’Afrique semelle des fourmis,

par elles les caravanes apprennent à piétiner.

Sous un fouet de poussière en colonne

Les affligés, Chris Womersley

Ecrit par Yann Suty , le Mercredi, 13 Juin 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Roman, Albin Michel, Océanie

Les affligés (The Wilding), trad. de l’anglais (Australie) par Valérie Malfoy, 328 p. 20 € . Ecrivain(s): Chris Womersley Edition: Albin Michel

Difficile de dire à quel genre appartient Les Affligés. L’auteur semble d’ailleurs se faire un malin plaisir à nous embarquer dans une direction pour mieux nous tromper par la suite. Drame de l’après première guerre mondiale ? Histoire de vengeance ? Roman gothique ? Western sauce australienne ? Un peu de tout cela à la fois.

Le roman s’ouvre par une tragédie. En 1909, la jeune Sarah Walker est violée, et assassinée. Son père et son oncle retrouvent son frère aîné, Quinn, seize ans, sur les lieux, un couteau à la main. Tout semble le désigner comme coupable. Quinn s’enfuit. Une chance pour lui, la région est ravagée par de fortes pluies qui effacent ses traces et il n’est pas retrouvé.

« On supposa que le fugitif de seize ans avait connu une fin conforme à l’idée que l’humanité se faisait de la justice immanente. Des hypothèses populaires à une certaine époque prétendirent qu’il avait été dévoré par les dingos rôdant dans les montagnes du voisinage ; qu’il était tombé dans un puits de mine, qu’il avait été transpercé par le javelot d’un Aborigène ».

En 1916, la mère de Quinn reçoit un télégramme lui faisant part de son décès dans le premier corps expéditionnaire australien envoyé en France.