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La Une Livres

La jarre d'or, Raphaël Confiant

Ecrit par Patryck Froissart , le Dimanche, 30 Septembre 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Roman, Folio (Gallimard)

La Jarre d’or, juin 2012, 305 p. . Ecrivain(s): Raphaël Confiant Edition: Folio (Gallimard)

L’auteur, bien connu, est martiniquais.

Le héros du roman est, comme son créateur, un écrivain martiniquais, Augustin Valbon, mulâtre au confluent de deux cultures, la française et la martiniquaise, doublement héritier de Balzac et de Césaire.

L’héritage de Balzac est évident dans la précision de la peinture sociale des milieux où se déroule le roman, dans la certitude que cultive le jeune écrivain d’être doué d’un talent d’exception, et dans son ambition avouée de connaître la gloire qu’il estime donc mériter.

L’héritage de Césaire est manifeste dans l’écriture poétique, dans l’omniprésence des thèmes sur lesquels s’est fondée l’affirmation littéraire de la négritude, et, ô merveille, dans l’abondance des diamants lumineux du créole antillais qui parsèment le texte, des étincelles de cette belle langue aujourd’hui reconnue, à juste titre et à statut égal, comme une des langues qui appartiennent au patrimoine linguistique de l’humanité, de ce parler riche et inventif que les linguistes décrivent comme un français évolué, dégagé qu’il a été, dès le début de son histoire, des contraintes imposées par l’Académie créée par Richelieu en 1635 (l’année même de l’installation des Français en Martinique) dans l’objectif affirmé de fixer (de figer) le français du 17ème siècle dans un état considéré alors (et depuis) comme définitivement parfait.

Aux armes défuntes, Pierre Hanot

Ecrit par Lionel Bedin , le Samedi, 29 Septembre 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Roman

Aux armes défuntes, Éditions Baleine, 2012, 16 € . Ecrivain(s): Pierre Hanot

 

La première partie de Aux armes défuntes, roman de Pierre Hanot, commence par un voyage, en 1948, dans le port de Marseille. Polmo (abréviation de Paul-Maurice) embarque pour l’Indochine. Polmo n’a pas beaucoup de culture, « il savait vaguement que là-bas, plus loin que l’Afrique, les gens bouffaient du riz avec des baguettes ». Polmo a raté le début de sa vie de militaire en étant prisonnier des Allemands. Il n’a pas pu tirer un coup de feu. Il a bien l’intention de se rattraper avec les Viets. A Port-Saïd, durant une escale, il se forge l’opinion que l’Égypte est un repaire de brigands, et tombe amoureux d’une entraîneuse. C’est l’aventure. « Par la magie du voyage, il était Surcouf le corsaire, la planète applaudirait ses exploits, l’aventure coucherait dans son lit ». Après seize jours de navigation « vertigineuse de crasse et d’inconfort » la troupe débarque en Cochinchine. Là, Polmo attend la vraie guerre au mess, un endroit minable avec un ventilateur HS, « les mouches copulaient sur les pales immobiles en toute quiétude ». Chez l’aumônier ça n’est guère mieux : « Mon Père, osa Polmo, j’ai abandonné la femme de ma vie en Égypte… Absolution, mon fils ! Lundi nous irons au bordel ». Polmo n’aura pas le temps d’aller voir : vient l’heure de l’accrochage dans la clairière. Dernier voyage. Polmo est tué.

Rue des voleurs, Mathias Enard (2ème recension)

Ecrit par Yann Suty , le Vendredi, 28 Septembre 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Roman, Actes Sud, La rentrée littéraire

Rue des voleurs, 256 p. 21,50 € . Ecrivain(s): Mathias Enard Edition: Actes Sud

Voilà un livre politique, mais aussi (d’abord ?) un livre d’aventures qui prend pour toile de fond le Printemps arabe. La petite histoire d’un individu plongée dans la grande, encore très fraîche.

Le livre commence très fort :

« Je suis un être humain, donc un détritus vicieux esclave de ses instincts, un chien, un chien qui mord quand il a peur et cherche les caresses ».

Le chien en question, c’est Lakhdar, un jeune Marocain de Tanger. Il a dix-sept ans, mais plutôt douze dans sa tête, avoue-t-il. Et les caresses qu’il recherche, ce sont celles de sa cousine Meryem, aux formes affriolantes. Mais au Maroc, certaines choses sont interdites à ceux qui ne sont pas mariés… Qu’à cela ne tienne ! Mais les deux jeunes gens se font surprendre par la famille. Incompréhension. Honte. Lakhdar est battu par son père. Il s’enfuit de la maison parentale. Il est trop orgueilleux pour revenir, demander pardon.

Commence alors une cavale. Séquence Oliver Twist. Lakhdar vagabonde à travers le pays, vit de mendicité. Quelque temps plus tard, il revient à Tanger. Grâce à l’entremise de son ami Bassam, il rejoint le « Groupe musulman pour la diffusion de la pensée coranique » et devient libraire. Mais certains membres du groupe ont parfois des comportements très étranges…

Voyage à Bayonne, Gaëlle Bantegnie

Ecrit par Theo Ananissoh , le Vendredi, 28 Septembre 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Roman, Gallimard, La rentrée littéraire

Voyage à Bayonne, Gallimard/L’Arbalète, 170 pages, 30 août 2012, 15,90 € . Ecrivain(s): Gaëlle Bantegnie Edition: Gallimard

Été 1998. L’équipe de France de football, match après match, se dirige vers une victoire historique. Emmanuelle et Boris, jeunes profs mariés depuis deux ans, ne vont s’apercevoir de rien, ni de l’euphorie ambiante qui dure des semaines pourtant, ni même, plus ordinairement, du beau temps qu’il fait. Un peu comme deux êtres sourds et aveugles au stade de France lors de cette fameuse finale.

Certes, il y a eu, juste avant, en avril, à l’occasion d’un voyage scolaire à Paris, la « coucherie » de Boris avec une collègue prof de lettres. Il l’a avoué lui-même d’ailleurs quelques semaines après, n’en pouvant plus d’avoir mauvaise conscience. A la décharge de Boris, il faut le dire, c’est Emmanuelle elle-même qui, avant le mariage, a proposé à son futur époux ce qu’elle a appelé le « principe d’afidélité ».

« Ils étaient convenus alors, en buvant des verres de saké avec des filles nues tout au fond, qu’ils s’autoriseraient à se tromper à l’occasion et que donc ça ne s’appellerait plus tromper ».

« Elle y adhérait parce que cette règle lui semblait aller dans le sens de l’Histoire et qu’elle se persuadait que leur couple concourrait ainsi au progrès universel des mœurs, jugeant qu’il n’y avait rien de plus réactionnaire que la notion d’adultère et rien de plus archaïque que la jalousie afférente ».

Polices ! Sonia Chiambretto

Ecrit par Marie du Crest , le Mercredi, 26 Septembre 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Théâtre

POLICES !, Grmx éditions, 2011, 63 pages, 10 € . Ecrivain(s): Sonia Chiambretto

 

Le théâtre contemporain sera ou ne sera pas, si est « contemporain celui qui reçoit en plein visage le faisceau de ténèbres qui provient en son temps ». Assurément le texte de S. Chiambretto est contemporain. Mais il se présente d’abord comme un objet graphique.

POLICES d’écriture, couverture pensée par Maxime Allex : la première et la quatrième de couverture forment un tout visuel et matériel. Les plis blancs et grisés se déplient comme un origami sur papier glacé. Il faudra au lecteur ouvrir et déplier le texte. L’intérieur du livre, son cœur jouera sur les blancs, les polices de caractère et nous suivrons une petite moto noire circulant presque sur la tranche du livre (les motards de la gendarmerie ?). A la fin du texte un peloton roule vers le dehors des mots (le dessin est tronqué). Le O de polices devient une grenade à dégoupiller.

POLICES de l’Ordre, toute sortes de polices : la police de la préfecture ; la police du 9.3 ; la BAC (brigade Anti-Criminalité) ; la police des C.R.S ; la police des perquisitions ; la SDAT (Sous direction antiterroriste) ; la police de Vichy