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La Une CED

A propos de Dé-coïncidence, D’où viennent l’art et l’existence ?, François Jullien, par Fedwa Bouzit

Ecrit par Fedwa Ghanima Bouzit , le Vendredi, 17 Novembre 2017. , dans La Une CED, Les Chroniques

 

 

Dé-coïncidence, D’où viennent l’art et l’existence ?, François Jullien, Grasset, septembre 2017, 162 pages, 16,50 €

 

La dé-coïncidence, c’est cette fissuration avec soi et avec le monde, c’est cette désadaptation qui ouvre sur l’inaliénable ambiguïté de l’existence. En cela, elle crée un malaise, car elle nous positionne en dehors et nous laisse orphelins de toute attache, de toute stabilité, de toute assurance. C’est ainsi qu’au moment d’un succès tant attendu, on se sent déjà propulsé hors de lui, de nouveau insatisfait et inaccompli. Lorsqu’on regarde du côté de son amoureux ou de son ami et que les regards ne coïncident plus, que le langage secret qui unissait deux personnes est désappris et que l’on retourne à l’étrangeté de l’autre.

A propos de Pierre-Joseph Proudhon L’Anarchie sans le désordre, Thibault Isabel, par Didier Smal

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 15 Novembre 2017. , dans La Une CED, Les Chroniques

Pierre-Joseph Proudhon L’Anarchie sans le désordre, Thibault Isabel, Editions Autrement, mai 2017, 182 pages, 18,50 €

Clemenceau disait : « Tout homme qui n’a pas été anarchiste à vingt ans est un imbécile, mais c’en est un autre s’il l’est encore à quarante ». A considérer certains quadragénaires, et d’autres plus âgés, croisés en rue, durant des festivals musicaux ou lors de manifestations « alternatives », à considérer l’attrait pour le A cerclé comme signe de ralliement, à considérer certains discours libertaires entendus (faire tout péter, certes, mais on met quoi à la place ?), on ne peut que donner raison à Clemenceau.

Puis un jour, les événements s’enchaînent de façon hasardeuse. On montre pour un élève une considération tout humaine, et celui-ci, avec un rien d’humour, offre en retour un ouvrage vu en librairie dont le sous-titre a dû le faire penser à son professeur de français quelque peu hors normes : « L’anarchie sans le désordre ». Du coup, le professeur lit son premier essai sur Pierre-Joseph Proudhon durant l’été, et, pour faire très bref, se découvre, à l’âge vénérable de quarante-quatre ans, une affiliation politique véritable, c’est-à-dire une pensée politique à laquelle il adhère de façon quasi inconditionnelle, à un bémol près, identique à celui entendu par Thibault Isabel dans la partition écrite par Proudhon pour une société à dimension humaine.

2 poèmes, par Charles Orlac

Ecrit par Charles Orlac , le Lundi, 13 Novembre 2017. , dans La Une CED, Ecriture, Création poétique

1. Andalousie

 

Les persiennes font mienne

L’ombre des siestes

Un rêve naît strié de banderilles

Avec ses gradins de collines

Son or et son arène

Un rêve de tauromachie

Avec ses flamands roses

Et ses noirs flamencos

Leurs noces de sang

Et ce long rituel

Qui fait couler le rimmel de l’été

A propos de L’ours des mers, Marc Kober, par Michel Host

Ecrit par Michel Host , le Vendredi, 10 Novembre 2017. , dans La Une CED, Les Chroniques, Chroniques régulières

L’ours des mers, Marc Kober, éd. Rougier Vincent, Coll. Plis Urgents, juin 2017, illust. Vincent Rougier, 50 pages, 13 €

D’un monde à l’autre

Le livre est mince et il tient à l’aise dans la poche. Il n’en est pas moins grand, il contient le monde sous « une nuit piquetée de points lumineux ». Bref, il tient sa place et son rang.

Le poète l’a divisé en six « sections », elles paraîtront ici et chacune à son tour.

L’ours des mers n’a pas volé son nom, il aime à se baigner : nous assistons à « son premier bain / au plus profond du nu ». On le devine blanc, car il porte des lunettes noires, selon celui qui le dessina avec finesse et élégance, Vincent Rougier. Il paraît dans son costume naturel, sous ses poils, tout comme un homme c’est probable, tout comme le « dieu nu dans les flots » de l’épigraphe, sous « la constellation du Grand Ours ». On le devine aussi peu rassuré que le lecteur ou que l’homme moyen « sans combine ». Ses pensées ne sont pourtant pas des plus pures (on y rencontre Dédé-la-saumure) et c’est le chaud mois de juin, tout cela est bizarre… pour un ours ! Les environs semblent peuplés de nudistes et d’étranges individus qui vont « Sous l’œil unique de Ganymède au naturel / La matraque en berne  / La double lune à l’air ». Voilà qui semblera plus belge que nature au lecteur averti.

Richard Millet entre deux rives, 2 livres, par Jean-Paul Gavard-Perret

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Jeudi, 09 Novembre 2017. , dans La Une CED, Les Chroniques

 

La nouvelle Dolorès, Richard Millet, Editions Léo Scheer, septembre 2017, 210 pages, 18 €

Rouge Gorge, Richard Millet, Jean-Gilles Badaire, Fata Morgana, 2017, 32 pages

 

Richard Millet entre deux rives

La littérature de Richard Millet est une quête dont le corps, avant le texte, est la surface d’enregistrement. Il est nécessaire que le second soit soumis à la force du premier pour émettre une sensation et le cri plutôt que l’horreur ou l’extase, c’est-à-dire exprimer le corps surpris, par une force invisible, le faisant crier, et non un spectacle horrible ou érotique.

Les descriptions ne sont là que pour donner sens à un fait interne du sujet en tant qu’expérimentation vécue de l’intérieur du corps. Millet sait à la fois la restituer, fixer et mettre à distance, c’est-à-dire représenter le visible en une littérature non de visualisation « cinématographique » mais de la présence.