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Portrait de l’artiste en jeune chien (Portrait of the Artist as a Young Dog, 1947), Dylan Thomas (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 19 Mars 2025. , dans En Vitrine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Points, Cette semaine

Portrait de l’artiste en jeune chien (Portrait of the Artist as a Young Dog, 1947), Dylan Thomas, Points Signatures, 2013, trad. anglais, Francis Dufau-Labeyrie, 220 pages, 8,40 € Edition: Points

 

Le titre annonce la couleur : en 1916, James Joyce publiait A Portrait of the Artist as a Young Man (Portrait de l’artiste en jeune homme), roman autobiographique. En 1940, Dylan Thomas lui emboîte le pas, mais à sa façon. Comme son aîné irlandais, le jeune chien gallois entreprend ici un récit autobiographique de ses jeunes années, mais il le fait sous la forme rare d’un recueil de nouvelles, épisodes de sa jeunesse. Hommage au maître de Dublin et pied-de-nez à ses panégyristes patentés.

Chaque nouvelle raconte un moment bref de la jeunesse de l’auteur. On est loin du flux de conscience joycien : ici, la narration est extérieure, Thomas – parfois narrateur parfois acteur – reste toujours dans un regard de témoin des épisodes de sa jeune vie. Et chaque épisode est une source vive, un moment d’arrêt sur les personnages, les faits, les émotions, les folies qui, plus tard, nourriront les poèmes brûlants du barde gallois.

Personne ne quitte Palo Alto, Yaniv Iczkovits (par Anne Morin)

Ecrit par Anne Morin , le Mardi, 18 Mars 2025. , dans En Vitrine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard, Israël, Cette semaine

Personne ne quitte Palo Alto, Yaniv Iczkovits, Gallimard, Coll. Du monde entier, mars 2025, trad. hébreu, Laurence Sendrowicz, 491 pages, 25 € Edition: Gallimard

 

Une histoire d’amour et de haine, une histoire étendue sur trente ans, sur ce qui a été fait, ce qu’il aurait fallu faire/ne pas faire, ce qu’il reste à faire, une histoire de temps écoulé, éculé.

Le titre de chacun des quatre chapitres au fil tenu par le temps ne révèle rien de leur substance.

On se retrouve au cœur d’une scène d’épouvante et de farce, une sorte de bizutage au cœur d’un laboratoire d’anatomie : d’où viennent les deux cadavres en trop ? Iris, policière en instance de divorce dont on évalue les capacités parentales, est envoyée sur les lieux.

Dix ans plus tard, un personnage à peine esquissé précédemment est identifié au sein de cette même salle de dissection et s’éclipse au moment d’ouvrir le thorax d’un des cadavres. C’est, en effet, une histoire de cœur : Idan a reconnu à ses mains Tobayas, un poète arabe vivant dans une maison ouverte, dans un ancien quartier misérable de Haïfa, qui l’avait abrité et dont lui-même disait qu’il n’avait pas de cœur.-

Mémoire d’éléphant (Memória de elefante), António Lobo Antunes (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 12 Mars 2025. , dans En Vitrine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue portugaise, Roman, Points, Cette semaine

Mémoire d’éléphant (Memória de elefante, 1979), António Lobo Antunes, éd. Points, 2001, trad. portugais, Violante do Canto, Yves Coleman, 207 pages . Ecrivain(s): Antonio Lobo Antunes Edition: Points

 

Premier roman de son auteur, cet ouvrage nous jette d’emblée dans le flot des obsessions qui vont hanter l’œuvre de Lobo Antunes : l’absurdité du monde, la douleur d’être, le cauchemar de la mémoire.

Sombre roman, celui des souvenirs fracturés de la fin d’un monde, Mémoire d’éléphant se lit comme la complainte désespérée d’une âme perdue sous le poids du monde et d’elle-même. Le « narrateur » (il faudrait dire plutôt l’émetteur du discours, car il ne dit pas je), l’itératif psychiatre lisboète qui renvoie, dans les romans d’ António Lobo Antunes, à la vie de l’auteur lui-même, hait le monde et sa vie dont il n’accepte pas l’absurdité, en tant que « médecin des âmes » et en tant qu’individu privé. À travers un flux de conscience obsessionnel, entrecoupé de souvenirs disloqués, l’auteur portugais nous invite dans un dédale de pensées troubles, où la douleur se mêle à l’ironie, où le grotesque se fond dans la tragédie.

Un garçon d’après-guerre, Jean-Luc Marty (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 07 Mars 2025. , dans En Vitrine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Cette semaine

Un garçon d’après-guerre, Jean-Luc Marty, Mialet-Barrault Editeurs, janvier 2025, 320 pages, 21 € . Ecrivain(s): Jean-Luc Marty

 

« Le temps restitué par Henri D. renvoie à un garçon d’à peine dix-sept ans incroyablement courageux. Le mien, à un homme que le corps insatiable, le goût pour les marges viriles, les multiples disparitions et l’impuissance au récit absentaient de toute présence familiale ».

Un garçon d’après-guerre est un roman du temps restitué par la mémoire, la photo, la parole, il conjugue tout cela avec une force rare dans l’art français du roman. Le narrateur est photographe, photojournaliste, il cherche le juste équilibre entre deux guerres larvées, la famine et le spectre du terrorisme islamiste qui ravage notamment l’Afrique. C’est à l’occasion d’une exposition de ses photographies à Angoulême, que la machine romanesque à remonter le temps va se mettre en marche, et par la magie blanche du roman, le restituer.

La Lettre Écarlate (The Scarlet Letter, 1850), Nathaniel Hawthorne (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 05 Mars 2025. , dans En Vitrine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Folio (Gallimard), Cette semaine

La Lettre Écarlate (The Scarlet Letter, 1850), Nathaniel Hawthorne, Folio, 1977, trad. américain, Marie Canavaggia, 368 pages Edition: Folio (Gallimard)

Écarlate est ce roman, comme la braise qui scintille dans les yeux de la mère sous l’opprobre, et ceux de la fille dont on ne sait si elle est fille de Dieu ou du Diable. Cet ouvrage brûle les doigts et ouvre la route qui mène au torrent de lave incandescente qui irrigue la littérature gothique américaine. Ce roman est un moment-clé de la littérature d’Outre-Atlantique qu’il place à tout jamais sous le thème du combat du Bien et du Mal, du péché et du remords, du châtiment et de la rédemption.

Le génie de Hawthorne est de brouiller sans cesse les lignes, d’éviter radicalement le pathos de la lutte entre le Bien et le Mal pour nous emmener dans des territoires effrayants où la morale ne trouve plus ses repères. La tentation est forte de prêter aux Puritains inquisiteurs les pires penchants mais jamais dans le roman ils ne seront les seuls acteurs du Mal, de même que la femme qui subit l’infamie de la lettre écarlate ne sera – ni elle ni sa petite fille – l’incarnation pure du Bien. Les traits se mêlent, s’entortillent, en un combat douteux dirait Steinbeck, allant jusqu’à superposer les images symboles. Ainsi la madone qui prend forme dans la femme honnie et exposée à la vue d’un public hostile :