Nous avons, généralement, un regard amical sur les tortues, animaux paisibles, dont la lenteur semble évoquer la sagesse. Le narrateur de ce roman leur voue une haine mortelle, jusqu’à les écraser quand l’occasion se présente, voire les torturer savamment avant de les achever. L’histoire que raconte ce roman éclaire sur cette étrange passion sombre, héritée d’un souvenir d’enfance effrayant.
Le narrateur n’aura pas de nom, comme dans un contrepied parfait du célèbre incipit du roman de Melville qui hante les pages de celui-ci – Appelez-moi Ishmael. Mais comme Ishmael, c’est un jeune marin qui va s’embarquer pour un voyage terrible, dans les pas d’un commandant qui a bien des traits communs avec Achab et d’un compagnon de chambrée qui semble droit descendu de Queequeg. L’ombre de Melville, inévitable, une fois dite, il reste un roman époustouflant, dont l’économie narrative et la poétique particulière font un roman unique, terrible et précieux. Le Diable melvillois était hors du Pequod, dans l’abîme de l’Océan ; celui de Masson est dans La Rose de Mahé, niché dans le sang et la chair des hommes, dans l’abîme des corps. Au gigantisme de la Baleine Blanche, Masson répond par la taille microscopique d’un virus, celui de la variole installée aux Seychelles