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En Vitrine

Un fils de notre temps, Ödön von Horváth (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 15 Novembre 2022. , dans En Vitrine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue allemande, Roman, Gallimard

Un fils de notre temps (Ein Kind unserer Zeit, 1938), Ödön von Horváth, trad. allemand, Rémy Lambrechts, 155 pages, 7,50 € Edition: Gallimard

Le temps des menaces qui a oppressé l’Europe dès le milieu des années 20 et surtout dans les années 30, fut fatal pour l’histoire mais riche en voix littéraires qui avec lucidité nous ont fait entendre le grondement du désastre qui s’annonçait. Joseph Roth, Stefan Zweig, Arthur Schnitzler, Hugo von Hofmannsthal, Robert Musil, Leo Perutz, ces écrivains magnifiques qui anticipaient la fin d’un monde et témoignaient de son effondrement en cours constitue un moment littéraire sublime. Von Horvath est moins connu mais sa voix pourtant, singulière, nous touche avec une acuité et une force remarquables. Une force d’autant plus puissante qu’elle est en douce, mezzo voce, comme une insinuation obstinée qui finit par bouleverser.

Par les propos d’un narrateur lambda, soldat d’une armée que l’on devine nazie, von Horváth va peu à peu déconstruire l’idéologie désastreuse qui dévaste son pays et va le mener au désastre le plus total. Patriotisme aussi aveugle qu’imbécile, haine de tout autre (y compris les femmes), culte du chef et du héros, culte de la violence stupide, notre narrateur décline, une à une, toutes les tares qui ont saisi et ravagé un peuple tout entier. Le marigot idéologique est complété par la société mâle que constitue la vie militaire, toujours en bordure d’une homosexualité malsaine, non assumée, non dite.

Les Honneurs de La Cause Littéraire 2022

Ecrit par La Rédaction , le Dimanche, 30 Octobre 2022. , dans En Vitrine, Les Livres, Essais, La Une Livres, Poésie, Roman, Nouvelles


Sont désignés meilleurs ouvrages dans leur catégorie les livres suivants :

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Roman français : Minuit dans la ville des songes, René Frégni (Gallimard)

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Roman étranger : Les aventures d’un sous-locataire, Iouri Bouïda (Gallimard)

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Poésie : Antinoüs, Fernando Pessoa (ErosOnyxEditions)

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Essai : Portraits de pessimistes, Paul-Armand Challemel-Lacour (Ed. des instants)

La Forteresse, Autobiographie 1953-1973, Richard Millet (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 20 Octobre 2022. , dans En Vitrine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Biographie

La Forteresse, Autobiographie 1953-1973, éditions Les Provinciales, août 2022, 300 pages, 24 € . Ecrivain(s): Richard Millet

« Pas de portrait en pied, donc : des images, plutôt ; et malgré le refus de raconter ma vie, qui n’a qu’un médiocre intérêt, la tentation de retrouver le fil, celui de mes vingt premières années, sans céder au romanesque qui pourrait donner de l’épaisseur, non pas plus d’authenticité, à mon récit. On y entendra la basse continue de l’échec et le chuchot de l’innommable, plutôt que le chant d’une enfance heureuse ».

Si on lit avec un rien d’attention l’œuvre de Richard Millet, nous sommes saisis par sa densité, sa force, sa vision, et son style. Qu’il s’agisse de son œuvre romanesque, dont il semble s’être aujourd’hui éloigné, ses récits, ses nouvelles, ses essais, ou encore ses œuvres inclassables, qui appartiennent tout autant à la langue qu’à celui qui depuis près de quarante ans écrit. Il écrit sur sa langue, son pays, ses passions, ses amours, ses livres, ses musiciens, ses colères et ses combats, la France, le Liban, la Méditerranée. Il écrit, à la manière d’un grand classique, un homme de qualité, admirateur des prosateurs du Grand Siècle, et d’écrivains singuliers, qui hantent les bibliothèques, et parfois l’imaginaire des écrivains de notre temps.

Lumière d’août (Light in August), William Faulkner (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 06 Septembre 2022. , dans En Vitrine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Folio (Gallimard)

Lumière d’août (Light in August, 1932), trad. américain, Maurice-Edgar Coindreau, 628 pages . Ecrivain(s): William Faulkner Edition: Folio (Gallimard)

La scène inaugurale de ce roman – l’ouverture peut-on dire tant on pense à l’art lyrique – est d’une lenteur biblique. Le temps y semble dilaté jusqu’au bord de l’immobilité. Plus qu’un ralenti, c’est un à-peine-mouvement, un semblant, qui anime la jeune femme dans son long périple, avec son petit baluchon et cette charge innommable dans son ventre. Qui anime la charrette qu’elle croise et dont on perçoit plus le bruit que le mouvement. Scène d’ouverture écrasée par la chaleur, par la lumière d’août. Une des plus belles ouvertures romanesques de l’histoire de la littérature.

Assise sur le bord de la route, les yeux fixés sur la charrette qui monte vers elle, Lena pense : « J’arrive de l’Alabama : un bon bout de route. A pied de l’Alabama jusqu’ici. Un bon bout de route ».

Lena arrive à Jefferson comme une parfaite étrangère. Pieds nus, enceinte et abandonnée par le père de l’enfant qu’elle porte, Lena stupéfie et scandalise ceux qu’elle rencontre. Elle est considérée comme une paria, suscitant des réactions qui pourraient laisser penser que Jefferson est un lieu où les étrangers et les marginaux sont rares, où il y aurait des normes communautaires.

Petit Maître, Natsumé Sôseki (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 25 Août 2022. , dans En Vitrine, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman, Points, Japon

Petit Maître, Natsumé Sôseki, Points, février 2022, trad. japonais, René de Ceccatty, 288 pages, 8,60 € . Ecrivain(s): Natsume Sôseki Edition: Points

 

Ce roman a paru en 1906. Le romancier Sôseki avait alors 39 ans. « Botchan » est le titre original.

Un jeune professeur quitte Tokyo et sa vieille servante et amie Kiyo pour un collège de province, dans une ville reculée. Il y donnera des cours de maths, au milieu d’un corps professoral haut en couleurs, où les inimitiés et les jalousies font la part belle : on y trouve de vieux professeurs comme Koga, un censeur, Tricot rouge, des collègues plus sympathiques comme Porc-épic et des imbuvables comme Cabot ou le Blaireau, directeur de l’établissement.

La province, c’est aussi des logeurs et logeuses qui vivent en louant des gourbis à ceux qui viennent de la capitale.

La province est un monde, tout à fait étranger au nouvel arrivant qui y voit des usages inconnus de lui.

Les élèves sont difficiles, toujours prêts à faire des mauvais coups, toujours prêts à chahuter le nouveau professeur ou à faire le chambard le soir dans les dortoirs.